Vives tensions dans les relations entre le Mali et le Fonds mondial : Les partenaires exigent que le Fonds mondial soit hébergé à la présidence de la République

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Les partenaires techniques et financiers avaient saisi, depuis des mois, le ministère de la Santé afin que le Comité de coordination du Mali pour Country Coordinating Mechanism (CCM) ou Instance nationale de coordination, soit hébergé à la présidence de la République ou, à défaut, à la Primature. Pour des raisons que nous ignorons, c’est un niet catégorique qui a été réservé à leur requête. Auront-ils satisfaction maintenant ? Au moment où le ministère en charge de la Santé est au pilori à la suite des détournements avérés au niveau du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. 

 Les partenaires techniques et financiers avaient saisi, depuis des mois, le ministère de la Santé afin que le Comité de coordination du Mali pour Country Coordinating Mechanism (CCM) ou Instance nationale de coordination, soit hébergé à la présidence de la République ou, à défaut, à la Primature. Pour des raisons que nous ignorons, c’est un niet catégorique qui a été réservé à leur requête. Auront-ils satisfaction maintenant ? Au moment où le ministère en charge de la Santé est au pilori à la suite des détournements avérés au niveau du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. 

Face à la mauvaise gestion des subventions accordées au Mali, dans le cadre du Fonds Mondial, les partenaires techniques et financiers avaient demandé que l’Instance de coordination nationale du Mali soit transféré du ministère de la Santé à la présidence de la République. A défaut de  la première Institution, ils avaient souhaité qu’il le soit à la Primature. Cette requête émanait du fait que le CCM ne se réunissait presque plus de manière régulière. Alors que selon son mode de fonctionnement, il doit se réunir au moins une fois chaque trois mois, et en session spéciale chaque fois que de besoin, sous la présidence du ministre de la Santé. Apparemment même les réunions ordinaires ne se tenaient plus a fortiori les sessions spéciales. Au vu donc de cette situation, les partenaires ont jugé utile de dessaisir le ministère de la Santé de la présidence de l’organe pour un niveau hiérarchiquement supérieur. Ils n’ont pas été écoutés. De ce fait, ils ont préféré reculer sans pour autant capituler.

Et ce qui devait arriver arriva. Ils ont alors dessaisi le ministère de la Santé de la gestion directe des subventions du Fonds mondial pour la confier à un cabinet privé d’expertise comptable de la place. Ils ont ensuite mis en branle le Bureau de l’Inspecteur général, qui ne dépend pas financièrement du Fonds mondial dans le but de garantir sa pleine indépendance, pour une mission d’investigation dans notre pays. 

Le transfert du Fonds devient indispensable

Après les éclairages apportés par le ministère de la Santé, on est maintenant fondé d’affirmer que notre pays et le Fonds mondial sont à deux petits doigts de la rupture. En effet, la note d’information que ledit ministère vient de publier dans les médias constitue, assurément, une mine d’informations qui illustre, s’il en était encore besoin, le fossé qui se creuse de jour en jour entre notre pays et ce bailleur de fonds international, qu’est le Fonds mondial. Si pour le Fonds mondial, le secteur de la santé au Mali est gangrené par " une corruption généralisée au point que ledit domaine ne mérite pas qu’on y injecte des sous ", pour le ministère de la Santé, la lutte contre la corruption " n’a pas commencé avec le Fonds Mondial ". Cette passe d’arme, peu amène et sans langue de bois, entre Oumar Touré, le ministre de la Santé, et Michel Kazatchkine, le Directeur exécutif du Fonds mondial, est révélatrice de la forte tension qui rythme désormais les rapports entre cette institution internationale et les autorités maliennes en charge de la santé. La lettre adressée – elle a  été publiée dans notre parution d’hier- par le ministre de la Santé au Directeur exécutif du Fonds Mondial est révélatrice d’un manque total de confiance qui annonce un avenir difficile dans les relations entre ces deux partenaires. Des accusations mutuelles, dans un langage non diplomatique, attestent de la profondeur du fossé qui sépare désormais le ministre malien de la Santé et le Directeur exécutif du Fonds mondial. Au cœur de la tension,  du côté malien, on dénonce les " rumeurs tendancieuses " véhiculées auprès  de " l’ensemble des ambassades, chancelleries et des partenaires techniques et financiers " et la manière cavalière par laquelle les investigations ont été menées par les inspecteurs du Fonds mondial. Du côté de Genève, où siège le Fonds mondial, la mauvaise gestion et le détournement des ressources mises à la disposition du Mali ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le Fonds mondial n’a pas du tout apprécié la manière dont ses subventions ont été gérées par le ministère de la Santé. C’est l’une des raisons pour laquelle les partenaires avaient sollicité le département de la Santé d’accéder à leur demande en rendant possible le transfert de la présidence du CCM à la présidence de la République ou, à défaut, à la Primature. Cette demande, de sources bien informées, a été faite quand des rumeurs de mauvaise gestion du Fonds mondial au Mali sont parvenues à l’oreille des partenaires techniques et financiers à Genève. C’est ce refus d’accéder à leur demande qui aurait précipité l’envoi, d’abord, d’inspecteurs et, ensuite, d’une forte mission d’investigation qui allait agir dans notre pays comme en terrain conquis. Mais avions-nous le choix ?

Qui viendra en deus ex machina ?

C’est ainsi qu’une armada d’inspecteurs a atterri au Mali. D’abord le 9 octobre  et, ensuite, en novembre 2009. Après avoir épluché le contenu des disques durs dans les services de santé à Bamako et à l’intérieur du pays, scanné l’ensemble des pièces justificatives, des dossiers de passation de marchés, procédé à des visites de réalisations physiques et à l’interrogatoire de quelque 600 personnes, la mission a produit un volumineux rapport qui atteste de la fraude à grande échelle et des détournements de toute sorte sur le Fonds mondial. Pour corroborer les faits, 5500 pièces à conviction ont été rassemblées. De quoi mettre au pilori tous ceux qui sont censés avoir mangé dans cette soupe. Parmi les pièces incriminées il y a des faux ordres de mission, des faux billets d’avions, de documents relatifs à de vraies fausses missions effectuées à l’étranger, des marchés fictifs de plusieurs centaines de millions F CFA, etc.

Face à cette situation, seul le transfert du Fonds mondial à la présidence de la République pourrait faire baisser la tension et permettre le rétablissement des relations normales de collaboration entre notre pays et cette institution internationale fondamentalement dédiée à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Seul un deus ex machina pourra sauver la situation.  

Une reprise en main rapide de ce sulfureux dossier par les plus hautes autorités de notre pays s’avère, aujourd’hui, plus que nécessaire. Car, d’après le ministère de la Santé, " le nom du Mali est désormais souillé sur le toit mondial ". Qui   va maintenant redorer le blason de notre pays suffisamment terni auprès de la communauté internationale ? Naturellement, seule l’implication personnelle du président de la République pourrait parer à l’éventualité de la rupture entre notre pays et le Fonds mondial. Sinon, un éventuel retrait de ce Fonds de notre pays, qui pourrait être suivi par d’autres partenaires, va sonner le glas de la lutte contre les trois maladies les plus dévastatrices de la planète. Rappelons que le Fonds mondial intervient à hauteur d’une cinquantaine de milliards FCFA dans la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme au Mali. La crise mondiale, qui frappe également cette institution, ne devrait pas avoir de conséquences sur les financements accordés aux pays les plus pauvres.

Seulement, c’est la mauvaise gestion des subventions en cours qui risque de pénaliser notre pays et de compromettre dangereusement ses relations avec la communauté des bailleurs de fonds internationaux pour la santé.          

Mamadou FOFANA

 

Qu’est-ce que le CCM (Country Coordinating

Mechanism) ou Instance de coordination nationale ?

Les instances de coordination nationale constituent la pièce centrale de l’engagement du Fonds mondial en faveur de l’appropriation à l’échelle locale et de la prise de décision participative. Ces partenariats nationaux composés de multiples parties prenantes élaborent et soumettent les propositions de subventions au Fonds mondial en se fondant sur les besoins prioritaires au niveau national. Une fois la subvention approuvée, elles supervisent l’évolution en cours d’exécution.

Les instances de coordination nationale sont composées de représentants des secteurs public et privé, y compris des gouvernements, des institutions multilatérales ou bilatérales, des organisations non gouvernementales, des instituts universitaires, des entreprises privées et des personnes vivant avec les maladies. L’instance de coordination nationale désigne une ou plusieurs organisations publiques ou privées comme récipiendaires principaux.

Elles ont pour fonctions principales de : coordonner l’élaboration et la présentation des propositions nationales ; désigner le récipiendaire principal (RP) ; superviser la subvention approuvée et soumettre les demandes de reconduction ; approuver les éventuelles modifications apportées au programme et soumettre les demandes de reconduction ; s’assurer des liens et de la cohérence entre les subventions du Fonds mondial et les autres programmes de santé et de développement nationaux.

Au Mali, le CCM est présidé par le ministre de la Santé. Les partenaires demandent maintenant qu’il soit présidé par la présidence de la République ou, à défaut, par le Premier ministre.

 

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