Dans un communiqué qu’il nous a fait parvenir par mail, le Fonds mondial de lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose annonce retirer la gestion d’une subvention d’un montant de 28,77 millions de dollars (13 665 750 000 FCFA pour un cours de 1 dollar US = 475 FCFA), dont 16,80 millions (48% du total) ont déjà été déboursés, au HCNLS (Haut conseil national de lutte contre le Sida, rattaché à la Présidence de la République et dirigé par le Secrétaire Exécutif Malick Sène) et demande à l’Instance de coordination nationale (CCM) du Mali «de trouver un nouveau récipiendaire principal pour gérer la deuxième phase de la subvention, prévue pour une durée normale de trois ans». Tout ceci «suite aux résultats préliminaires d’une enquête en cours menée par le Bureau de l’Inspecteur Général du Fonds».
Ceux qui ont suivi la Saison 1 de notre feuilleton Mali – Fonds mondial ne seront certainement pas étonnés d’apprendre que les rapports d’enquête du Bureau de l’Inspecteur Général (BIG) du Fonds, faisant état de malversations, de détournements et de mauvaise gestion des fonds des subventions allouées à notre pays continuent de voir le jour, avec leur lot de découvertes très instructives. Si une tentative d’interdire à l’Inspecteur Bourassa et à ses collègues d’accomplir leur mission d’audit a avorté en son temps, certains les ayant même accusé de pratiques peu conformes à nos coutumes et susceptibles de porter atteinte à l’honneur de «braves pères de famille», cela n’a pas empêché le Nil d’arriver enfin au Caire.
Et de quelle manière! C’est le Haut Conseil National de Lutte contre le Sida (HCNLS) qui est désormais dans l’œil du cyclone, et les sanctions, même formulées dans un style diplomatique du plus bel effet, sont tombées. Drues comme une tornade d’hivernage finissant. Le HCNLS ne sera plus autorisé à assurer la gestion des fonds qui lui étaient impartis dès le 31 décembre prochain et ses activités, entre temps, sont mises sous tutelle.
Le Fonds mondial a en effet décidé, ce qui est rarissime et fort peu honorable pour notre pays, que les activités de financement gérées actuellement par le HCNLS, «et plus particulièrement celles susceptibles d’exposer l’argent des subventions du Fonds mondial à un risque de malversation, seront suspendues avec effet immédiat. Les crédits destinés aux services essentiels seront libérés progressivement et soumis à des conditions strictes. Ainsi, chaque dépense sera examinée à la fois par un agent local du Fonds et par un agent fiduciaire». Cette décision fait suite aux résultats préliminaires d’une enquête qui se poursuit encore et dont le pré-rapport n’a même pas encore été rédigé. C’est dire que «c’est du lourd» et même du très lourd, car pour en arriver à ce niveau de désaveu public, le Fonds a très certainement découvert des fraudes, malversations et autres pratiques peu orthodoxes en matière financière, d’une ampleur inégalée.
Ainsi donc, après les volets Paludisme et Tuberculose, dans lesquels un certain nombre de personnes seront appelées à répondre de leurs actes devant la justice, même si l’on se demande toujours quand, voici le volet Sida de la désormais emblématique affaire Fonds Mondial – Mali. Gageons que, là aussi, des têtes vont tomber, et le plus rapidement possible. C’est à espérer, si nous voulons récupérer une partie de notre honneur perdu, et ne pas faire, comme c’est si souvent le cas, du deux poids, deux mesures. Il n’y a pas d’intouchables dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière, et ATT se doit, au terme de ses deux mandats, de mettre un point d’honneur à voir tous les coupables châtiés comme le veut la loi.
Dans le même temps, on aimerait aussi savoir où en est le Mali dans le remboursement des montants dus au Fonds mondial, chose sur laquelle nos autorités ne communiquent pas, alors que la situation actuelle pénalise beaucoup de patients et de travailleurs de structures de soins, dont certains n’ont pas reçu de salaire depuis le mois d’avril dernier. Wait and see!
Ramata Diaouré
Le communiqué du Fonds Mondial
«Date: 19 octobre 2011 / Genève – À la fin de cette année, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme confiera à un nouveau récipiendaire principal la gestion d’une subvention de lutte contre le VIH, pour un montant de 28,77 millions de dollars, actuellement gérée par le Haut Conseil de lutte contre le sida (HCLNS). Cette décision fait suite aux résultats préliminaires d’une enquête en cours menée par le Bureau de l’Inspecteur général du Fonds.
Entretemps et jusqu’à la fin de l’année, le champ d’application de la subvention sera réduit au seul financement des services essentiels destinés à garantir la continuité du traitement pour les 25 288 personnes qui reçoivent un traitement antirétroviral au Mali grâce à l’appui du Fonds mondial. Les dispositions prises prévoient également la possibilité d’entamer le traitement pour de nouveaux patients.
Toutes les autres activités de financement, et plus particulièrement celles susceptibles d’exposer l’argent des subventions du Fonds mondial à un risque de malversation, seront suspendues avec effet immédiat. Les crédits destinés aux services essentiels seront libérés progressivement et soumis à des conditions strictes. Ainsi, chaque dépense sera examinée à la fois par un agent local du Fonds et par un agent fiduciaire.
Le transfert de la gestion de cette subvention de lutte contre le sida doit intervenir au terme de la première phase de deux ans, le 31 décembre 2011. Le Fonds mondial a demandé à l’instance de coordination nationale du Mali, qui regroupe ses partenaires dans le pays, de trouver un nouveau récipiendaire principal pour gérer la deuxième phase de la subvention, prévue pour une durée normale de trois ans.
Cette mesure est la plus récente d’une série d’actions engagées par le Fonds mondial pour rétablir la confiance dans la gestion des subventions au Mali après que des malversations ont été découvertes. Au début de l’année, le Fonds avait en effet suspendu une autre subvention de lutte contre le sida dans le pays, d’une valeur de 13,91 millions de dollars US, après que le Bureau de l’Inspecteur général a mis au jour des preuves établissant que l’argent n’était pas employé comme il se devait. Un nouveau récipiendaire principal avait été identifié après l’annonce faite en décembre 2010 de la suspension du financement de deux subventions de lutte contre le paludisme au Mali et de la résiliation d’une troisième consacrée à la lutte contre la tuberculose. Une enquête du Bureau de l’Inspecteur général avait alors relevé des preuves de malversations pour ces trois subventions, dont 5,2 millions de dollars US avaient été détournés ou avaient donné lieu à des pertes financières.
Le rapport d’enquête du Bureau de l’Inspecteur général a été publié plus tôt cette année et est disponible sur le site web du Fonds mondial. Les deux subventions de lutte contre le paludisme ont été regroupées avec une troisième et confiées à la gestion de PSI International.
Le gouvernement du Mali a condamné ces malversations et collabore avec le Fonds mondial pour veiller à ce que les activités des subventions puissent reprendre le plus rapidement possible. Le Fonds mondial réclame le remboursement des crédits détournés et a demandé au gouvernement de lui assurer que tout serait mis en œuvre pour amener avec toute la rigueur voulue les responsables de ces fraudes et de ces pertes à répondre de leurs actes devant les tribunaux maliens.
Le Fonds mondial n’admet aucune tolérance à l’égard de la fraude et de la corruption. Ses subventions sont, sans exception, soumises à des contrôles financiers rigoureux et sont suivies avec attention par le Bureau de l’Inspecteur Général, au travers d’audits et d’enquêtes menés aussi bien dans les pays où les subventions sont mises en œuvre qu’au siège du Fonds mondial à Genève. Le Bureau de l’Inspecteur Général poursuit son enquête dans le pays».