. La direction administrative et financière du ministère de la santé vient d’être décapitée avec l’arrestation de son premier responsable, le puissant Ousmane Diarra, qu’on dit très proche de son ministre de tutelle. En effet, le jeudi dernier, quand le ministre de la Santé Oumar Touré prenait la route, à la tête d’une forte délégation composée des membres de son cabinet et d’opérateurs économiques de renom, pour assister à Goundam à un championnat de football, le directeur administratif et financier de son département, Ousmane Diarra était, quant à lui, arrêté et conduit en prison. Et cela à cause du " Scandale du Cinquantenaire " qui risque d’éclabousser au-delà même du ministère de la santé. A cause, précisément, de l’image que ça donne de notre pays en cette année du Cinquantenaire du Mali.
Au ministère de la santé, si ce n’est pas encore une tragédie qui s’y déroule, on n’en est pas quand même loin. Non pas pour ceux qui sont censés avoir détourné près d’un milliard de F CFA du Fonds Mondial de lutte contre le paludisme, la tuberculose et le sida.
Mais pour le gouvernement du Mali dont le souci de transparence dans la gestion des ressources publiques et des fonds des partenaires vient d’être soumis à rude épreuve avec cette histoire de détournement qui n’en finit pas. Si on ajoute à cette affaire le marché de gré à gré accordé, par exemple, à Abdalah Transport, la société du vice-président de l’APCAM, pour environ 800 millions de F CFA qui vient d’être annulé par l’Autorité de régulation, on ne serait pas loin du gouffre. Si le DAF de la santé avait, jusque-là, échappé à la prison, c’est certainement que le temps n’était pas encore venu. Dans la mesure où plusieurs cadres dudit département avaient déjà été les hôtes au moins d’un jour du juge au Pôle économique. L’ancien secrétaire général du ministère de la santé, Dr Lasseni Konaté, avait été le premier à être interné à la Maison d’arrêt de Bamako-coura. Et cela à la grande surprise des uns et des autres. Même de ses ennemis mais qui s’en étaient, tout de même, réjouis car espérant que son séjour allait dispenser d’autres, certainement les plus concernés, de franchir les portes de la maison maudite.
C’est dire qu’au moment où l’ancien secrétaire général était en prison, les plus mouillés, parfois jusqu’aux os, se trouvaient dehors. Maintenant, la machine est en marche et rien ne pourrait plus l’arrêter.
Le Fonds Mondial en a fait une question de principe.
Rappelons que le Fonds Mondial est une institution financière internationale qui investit l’argent du monde pour sauver des vies. A ce jour, le Fonds mondial a engagé 16 milliards de dollars US dans 140 pays pour soutenir des programmes de prévention, de traitement et de soins à l’échelle mondiale contre les trois maladies. Au niveau de chaque pays, l’instance de coordination nationale (CCM-Country Coordinating Mecanism) est un partenariat formé par l’ensemble des principales parties prenantes engagées dans la réponse nationale contre les trois maladies. Le CCM ne gère pas directement le financement accordé par le Fonds mondial. Il est présidé par le ministre de la Santé. Au Mali, les bénéficiaires principaux des ressources du Fonds sont le ministère de la Santé, le Groupe Pivot Santé/Population et le Haut Conseil National de Lutte contre le Sida (HCNLS).
Le ministre sera-t-il contraint à la démission ?
La santé, avec tout le bruit autour de cette affaire, est devenue comme le cadre privilégié pour voleurs, arnaqueurs, détourneurs. Après avoir sucé le sang du peuple malien, certains veulent maintenant goûter au sang des partenaires techniques et financiers pour construire des " villas de la sécheresse " alors que les nouvelles constructions dans nos hôpitaux sont en retard d’une saison. Les malades passent la nuit sous la pluie et nombre d’enfants ne sont plus acceptés en pédiatrie par manque de place. Le ministre de la santé voit-il ses enfants et leurs parents éconduits ?
Il y a un peu moins d’un an, en octobre dernier, la direction du Fonds Mondial à Genève avait envoyé des inspecteurs du Bureau de l’Inspecteur général pour des enquêtes dans notre pays et cela jusqu’à l’intérieur du pays. Certainement ce sont les conclusions de ces enquêtes qui commencent à tomber. En faisant également tomber des têtes notamment celle du puissant DAF Ousmane Diarra. Il a rejoint Issiaka Diallo, l’ex-comptable chargé de la gestion du Fonds Mondial auprès de la DAF du ministère de la santé. Après une première évaluation, il avait été décelé un trou de quelque 200 millions de F CFA que le Mali avait été obligé de rembourser séance tenante. Comme l’exige la convention qui nous lie au Fonds Mondial et cela pour ne pas voir les partenaires nous tourner le dos et effacer le nom du Mali de la liste des pays bénéficiaires. Après avoir remboursé cette somme, le ministère de la santé pensait certainement que l’affaire était terminée. Alors qu’elle venait de commencer en réalité. Le ministre de la santé voit maintenant s’écrouler l’édifice sur lequel il est assis.
Transparence ou le Fonds quitte le Mali
Avec des centaines de pièces versées au dossier, le Fonds Mondial espère, maintenant, réunir toutes les preuves pour confondre ceux qui sont soupçonnés de détournement. Il y a aussi des opérateurs économiques qui seront, très certainement, épinglés dans la mesure où beaucoup de personnes ont eu à goûter à cette soupe. C’est donc le moment de rendre et d’aller…en prison. Jusqu’à l’extinction de cette affaire, c’est comme une sorte d’épée de Damoclès qui est suspendue sur la tête du ministre Oumar Touré qui, apparemment, n’a pas eu de chance dans le choix des collaborateurs-gestionnaires. S’il ne prend pas maintenant le taureau par les cornes, ce dernier risquera de s’échapper et faire des dégâts encore plus grands.
Dans ces conditions, ce sera donc l’ensemble des structures de santé qui seront affectées par la perte de ressources importantes si, toutefois, le Fonds Mondial décidait d’arrêter son financement à notre pays. Comme ce fut le cas ailleurs dans le monde. Dans ces conditions, quel sera le sort des malades de Sida, de tuberculose et de paludisme ? En attendant le rapport définitif que le Fonds Mondial sera obligé de diffuser – transparence oblige -, il serait souhaitable que le département de la santé sorte de son mutisme et informe amplement l’opinion publique et les partenaires.
Vivement donc une conférence de presse pour éclairer l’opinion sur une affaire qui ressemble fort à une escroquerie du siècle. Rien ne sert de s’apitoyer sur le sort des fossoyeurs des deniers publics. Sauf en cas de forte complicité. Ce que le rapport du Fonds Mondial dira bientôt. En tout cas, il urge que les personnes nommées par décret présidentiel se montrent à hauteur de mission. C’est ça que le président ATT avait rappelé lors de sa rencontre avec les journalistes le 8 juin 2010, à Koulouba. Dans cette logique, le décret de nomination des cadres qui sont en prison doit être aussitôt annulé, quitte à ce qu’il soit rétabli après leur innocence déclarée. Il doit en être ainsi dans un Etat qui se respecte et qui respecte ces citoyens.
Dans ce Mali démocratique, on a assez parlé et assez volé le peuple. Il est temps que les plus hautes autorités tapent du poing sur la table. Et dire que ça suffit maintenant ! En tout cas, c’est ce que les citoyens attendent le plus de leurs dirigeants. Pour son honneur, le ministre de la santé, Oumar Touré, doit rendre le tablier. A défaut de le faire, lui-même, le Premier ministre, Modibo Sidibé, doit prendre ses responsabilités.
B. KONE