A la Douane malienne, tout comme dans l’entourage de l’ancien DG de l’ONAP (Office National des Produits Pétroliers), on ne dort plus que d’un œil. Une seule question blanchit, désormais, les nuits de l’ex chef du BNPP (Bureau National des Produits Pétroliers) Zoumana Mory Coulibaly, aujourd’hui patron du Bemex et l’ancien dirlo de l’ONAP, Ousmane Gouro Diallo et non moins complice de « Zou »: comment expliquer aux autorités maliennes, que 13,51 milliards de francs CFA, sont partis en fumée. Sans la moindre trace ?
En effet, « Zou » avait bluffé tout le monde : DG et PDG, leaders politiques et de la société civile, ministres etc.… Il ne faisait guère mystère de ses relations personnelles avec les responsables de l’administration malienne. Et, du coup, se croyait intouchable. Zoumana Mory Coulibaly, ancien patron du Bureau du pétrole a vu le ciel lui tomber sur la tête. Et la terre s’arracher sous ses pieds. C’était du 26 au 27 septembre dernier, au pôle économique et financier, à l’issue de deux jours d’audition où, il s’est vu signifier les gâchis qu’il a commis au BNPP. Mais aussi, les charges qui pèsent sur lui dans l’affaire des perceptions des droits et taxes sur les produits pétroliers: le détournement du dernier public portant sur 13,51 milliards de francs CFA au moment où, il était chef du bureau des produits pétroliers. Il avait à ses côtés l’ancien dirlo de l’ONAP et non moins son complice.
Sous le feu roulant des questions du procureur Sombé Théra, « Zou » et son complice, l’ex dirlo de l’ONAP auraient fondu en larmes. Mais de deux choses, l’une : ou ils rendent à César ce qui n’est pas à eux pour pouvoir se tirer d’enfer, pardon, d’affaire ou ils comparaîtront, tôt ou tard, devant la justice pour détournement du dénier public.
Une certitude quasi –absolue : les jours de « Zou » à la tête du Bemex sont comptés.
Sauve-qui-peut !
Ce n’est plus un secret : irrité par le détournement, pour le moins retentissant, des fonds publics dans l’affaire de la perception des droits et taxes sur les produits pétroliers, le Président de la République, Amadou Toumani Touré, veut connaître la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Il veut savoir qui a fait quoi ? Qui n’a pas fait quoi ? Et qui a bouffé quoi ?
De leur côté, certains hauts responsables au niveau de l’ONAP et du BNPP, jetés en pâture, entendent, eux aussi, en savoir davantage sur les raisons qui ont conduit à ce flop, du reste magistral, concernant « Zou » et son complice Ousmane Goro Diallo et non moins ancien patron de l’ONAP. De sources bien introduites, le Chef de l’Etat aurait exigé du pôle économique et financier, de faire la lumière, toute la lumière sur la gestion pour le moins opaque de la perception des droits et taxes sur les produits pétroliers. L’ancien chef du bureau du pétrole actuellement patron du Bemex et son tandem, l’ex dirlo de l’ONAP Ousmane Gouro Diallo très inquiets, dit-on, imputeraient, déjà, un revers cinglant de cette gestion à certains responsables du BNPP et de l’ONAP. A en croire nos interlocuteurs, les deux complices n’auraient pas associé –du moins, pas suffisamment –les cadres techniques du bureau du pétrole et de l’ONAP. Deux services, disent-ils, pilotés, de bout en bout, par les deux complices. Zoumana Mory Coulibaly et Ousmane Gouro Diallo. Comme on le voit, le compte à rebours vient, à peine de commencer. Mais au moment où, chacun de ces deux responsables doit s’expliquer sur la gestion faite de ces milliards de francs CFA, encaissés dans le cadre de la perception des droits et taxes sur les produits pétroliers, on se crêpe le chignon dans un « gros français ». Qui ferait pâlir « Victor Idiot » de jalousie.
Quand les autorités maliennes exigent de l’ancien chef du bureau du pétrole et à son complice, l’ex dirlo de l’ONAP des comptes sur la perception des droits et taxes sur les produits pétroliers, ces derniers tentent de noyer le poisson dans l’eau. Un jeu de ping-pong judiciaire, au nez et à la barbe du citoyen. Mais l’indignation du Président de la République, face à cette gabegie, n’a d’égale que sa colère.
Des méthodes mafieuses
Tout débute en 2007. Le BNPP a minoré le montant des droits et taxes dus par les importateurs. Dans la pratique il devrait, normalement, appliquer à chaque déclaration en douane les taux fixés par le Tarif Extérieur Commun (TEC) et les arrêtés ministériels pris chaque mois par le ministre de l’économie et des finances pour déterminer la structure des prix des produits pétroliers. Mais dans la pratique, c’était autre chose avec « Zou » dans la perception des droits et taxes sur les produits pétroliers au BNPP. En effet, au cours de la période sous revue, le montant total liquidé par le BNPP est de 25,82 milliards de FCFA. Mais ce qui dépasse l’entendement, c’est que pour les mêmes opérations, les recalcules ressortent plutôt à 33,43 milliards de francs CFA le montant total qui aurait dû être liquidé. L’écart ainsi creusé se chiffre à 7,61 milliards de francs CFA. Cet écart correspond au total des montants qui auraient dû être payés par les importateurs mais qui ne l’on pas été. Il s’agit d’une perte sèche pour l’Etat. Le flop est magistral et le revers cinglant. Pendant ce temps, la falsification de certains arrêtés ministériels n’est pas de nature à tempérer les curiosités. Les enquêteurs établissent que 31 arrêtés portant les mêmes numéros et la même date présentent des taux différents pour la valeur Coût Assurance Fret (CAF) et la Taxe intérieur sur les Produits Pétroliers (TIPP) différents. Il s’agit des arrêtés en vigueur en février, mars, avril et mai 2007. Ces documents, censés être les mêmes que ceux qu’a fournis l’Office National des Produits Pétroliers (ONAP), en diffèrent à l’intérieur des tableaux où sont portées les valeurs à utiliser pour liquider les déclarations en douane. Dans de nombreux cas, les taux des arrêtés reçus de l’ONAP sont supérieurs à ceux des arrêtés remis par le BNPP. Par conséquent, les droits et taxes liquidés sont inférieurs à ceux qu’on obtiendrait en utilisant les arrêtés fournis par l’ONAP. En d’autres termes, sur la base de ces liquidations, les importateurs ont versé à l’Etat malien un montant inférieur à celui qu’ils lui auraient dû verser. Cette situation a causé un trou de caisse de 907,67 millions de francs CFA. Ce n’est pas tout. Loin s’en. Même le BNPP à l’époque de « Zou » délivrait des marchandises sous douanes avant acquittement des droits et taxes liquidés. Ainsi, pour la période 2007-2009, le fichier extrait de la base de données informatique comporte 6.418 liquidations pour lesquelles il n’y a pas de quittance. Pourtant, les marchandises ont été remises aux importateurs. Cette situation, « Zou » le brandit comme un trophée. Pour lui, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Car, argue-t-il que la pratique de délivrer la cargaison avant acquittement des droits liquidés est ancienne et qu’elle est dictée par la nature des activités de la BNPP. Faut, rétorquent notre source. Pour elle, cette pratique n’a aucun fondement juridique. Elle est plutôt contraire aux prescriptions de l’article 116 du code des douanes. Bien, plus, elle favorise d’importantes déperditions financières au préjudice de l’Etat. Résultat : de 2007 à 2009, les liquidations qui restent impayées s’élèvent à 5 milliards de francs CFA. Au niveau des Déclarations simplifiées du modèle D.24 c’est le cauchemar. En effet, ces Déclarations (D.24) doivent être régularisées par une déclaration en détail dans un délai maximum de 20 jours. Les données des registres et les recoupements avec la base de données informatique révèlent que 47 déclarations simplifiées n’ont pas été régularisée;
Selon nos sources, la réglementation en vigueur prévoit que faute de déclaration de régularisation, le BNPP procède d’office à une déclaration de mise à la consommation et liquide les droits et taxes rattachés à l’ensemble des déclarations de mise à la consommation et liquide les droits et taxes. Sur ce fondement, il aurait dû liquider et mettre en recouvrement les droits et taxes rattachés à l’ensemble des déclarations D.24 non régularisées. En général, le BNPP reçoit les déclarations de régularisation hors délai. Ainsi, 38,13% des D.24 ont été régularisées hors délai de 20 jours après leur établissement.
De telles pratiques ont occasionné pour l’Etat malien, un gouffre financier de 13,51 milliards de francs CFA. Du coup, c’est le branle-bas ! Mais en attendant les interpellations se poursuivent. Déjà, la justice a sommé tous les opérateurs économiques impliqués dans cette affaire de perception des droits et taxes sur les produits pétroliers de fournir les déclarations reçues entre 2007, 2008 et 2009. Et, à en croire nos sources, généralement, bien informées, des têtes vont tomber.
Donc, affaire à suivre !
Jean pierre James