Rebondissement dans l’affaire de détournement de fonds au ministère de la Santé : Après le DAF Ousmane Diarra, arrêté la semaine dernière, à qui le tour ?

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L’étau se resserre petit à petit sur les présumés auteurs de détournement au niveau du Fonds Mondial au ministère de la Santé. Après plusieurs rendez-vous au Pôle économique et financier, Ousmane Diarra, nommé DAF en 2007 par l’actuel ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, vient de rejoindre en prison le présumé auteur principal, du nom de Ichiaka Diallo, accusé d’un détournement de plus d’un demi milliard de F CFA sur les ressources du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

La série noire continue de s’abattre sur des cadres présumés auteurs de détournement de quelque cinq cent millions de F CFA au détriment du Fonds Mondial logé au ministère de la Santé. A peine l’ancien secrétaire général dudit ministère venait de bénéficier d’une liberté provisoire, après qu’il eut passé 193 jours derrière les barreaux, que le directeur administratif et financier (DAF), Ousmane Diarra, a été arrêté tard dans la journée du mercredi 4 août 2010, dans son bureau, et écroué à la maison centrale d’arrêt de Bamako. De même qu’a été arrêtée, le même jour, et conduite, sous bonne escorte, à la prison pour femmes de Bollé, la coordinatrice générale du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), Madame Alima Naco. Son adjoint, Modibo Berthé, quant à lui, aurait pris la tangente. Il serait actuellement recherché pour, certainement, répondre des actes qui lui sont reprochés dans le cadre de cette affaire rocambolesque de détournement d’importantes sommes d’argent mises à la disposition du Mali pour la lutte contre la tuberculose.

     Avant l’arrestation de ces derniers, Doulaye Coulibaly, le régisseur de la DAF du ministère de la Santé, avait, lui-aussi séjourné à la prison centrale, toujours dans le cadre de cette affaire. Il vient de bénéficier, d’une liberté provisoire et est déjà retourné à son travail. Certainement qu’il a retrouvé sur sa table, parmi la pile de documents, le vrai faux dossier relatif à une formation en Europe qui n’a jamais eu lieu et dont le montant (quelques millions) a quand même été retiré du Trésor public, puis justifié. Alors que manquait la pièce essentielle, c’est-à-dire l’ordre de mission qui est fait par le Secrétariat général du gouvernement. C’est dire que les gens ne reculent parfois devant rien pour satisfaire leur boulimie. Une affaire qui est loin d’être éteinte et qui pourrait également intéresser le Pôle économique et financier dans la mesure où, parmi les pièces produites comme " justificatifs ", doit figurer un faux ordre de mission du Secrétariat général du gouvernement.       

    Un malheur ne venant jamais seul, d’autres cadres, de moindre calibre mais tous présumés coupables, parmi lesquels le comptable-régisseur de la Direction nationale de la Santé, Charles Sanogo, ont été également arrêtés en même temps que le DAF Ousmane Diarra. L’adjoint à ce dernier, Souleymane Traoré, qui serait recherché, se trouve actuellement en formation (de courte durée) à l’extérieur (précisément au Canada et non en France comme précédemment annoncé dans notre parution du samedi dernier). Il aurait, face à l’ampleur des dégâts, été sommé de rentrer à Bamako. Ce dernier, un jeune cadre compétent est l’homme à tout faire au sein de cette direction administrative et financière qu’il connaît comme la pomme de ses mains. Toujours souriant, on se demande en quoi il est mêlé à une telle magouille qui ternit à défaut même de " tuer" l’image de notre pays auprès des partenaires étrangers. C’est vrai que la justice n’en a cure des qualités.

Le Fonds Mondial exige que toute la lumière soit faite

Certains cadres de la même direction qui se flattent du fait qu’ils ont eu à construire trois villas ou deux immeubles dans la zone ACI et de posséder de grosses cylindrées à faire rougir de jalousie même des grosses fortunes du privé, n’ont pas encore été touchés. Même si, eux aussi, sont très inquiets.   Après l’arrestation et l’emprisonnement de Ousmane Diarra, également ancien DAF au ministère de l’Agriculture, que tout le monde à la santé croyait intouchable compte tenu de ses supposés liens avec certaines hautes personnalités (pour ne pas les citer), c’est la peur et la panique un peu partout où on sent de fortes odeurs de magouille. Que ce soit sur des marchés de moustiquaires imprégnées cédés gré à gré à des opérateurs économiques triés sur le volet (parmi lesquels un opérateur spécialisé dans le transport et supposé proche de Koulouba et qui devrait se taper neuf cent millions sur les deux milliards de F CFA) que l’Autorité de régulation des marchés publics vient d’annuler, il serait utile que le Vérificateur général ou le Procureur anticorruption puisse encore fouiner dans cette boîte pour savoir si, à l’intérieur ça sent toujours bon ou nauséabond. Car, si les affaires de détournements avérés peuvent somnoler, Sombé Théra et ses hommes ne dorment pas. Surtout dans cette affaire où des fonds destinés à la lutte contre la maladie sont dilapidés voire détournés. Quoi de plus pour ternir l’image de notre pays que ces comportements délinquants.

     Quand le nommé Ichiaka Diallo, ex-comptable du Fonds Mondial auprès de la DAF, se changeait, par exemple, en grosses cylindrées, finançait des salons de coiffure ou, tout simplement, se faisait payer dans une banque de la place (dont nous préférons taire le nom) des chèques de cinquante à quatre vingt millions de F CFA sur cette manne venue de l’étranger, où étaient ses supérieurs ? Une situation qui a continué de 2007 à fin 2009 et cela sous deux ministres de la Santé ! Même étant en prison, il nous a été donné l’occasion de voir cet individu en galante compagnie, faisant face à ses victimes sans remords ni acrimonie aucune, et en pleine conversation téléphonique. Comme s’il se trouvait à la prison (dorée et de haute sécurité) de la Santé ou en pleine convalescence dans une maison de cure en banlieue parisienne. C’est cela aussi le Mali. On vole l’argent public, après on nargue les citoyens. Alors que, c’est à cause de ce délinquant, cet intellectuel malhonnête mais malheureusement surdoué, que le ciel est tombé sur la tête de paisibles travailleurs (c’est le cas pour certains dont l’ancien secrétaire général dudit ministère Dr Lasseni Konaté) au département de la santé. 

     Mais est-ce sa faute  -serait-on tenté de se demander- s’il a pu embarquer tout ce beau monde incriminé dans une aventure abracadabrante qui sentait partout du fric. Tous ces gens-là ne savaient-ils pas où il les embarquait et avec quels moyens de bord ? L’homme n’étant pas à son premier coup, il aurait fallu, quand même, faire une enquête préliminaire afin de s’assurer de sa moralité qui s’est, malheureusement, révélée douteuse par la suite. Surtout qu’il allait avoir à gérer des centaines de millions de nos francs que le Fonds Mondial nous apporte comme contribution à la lutte contre les trois maladies précitées. Car, de sources généralement bien informées, l’individu se serait tapé, auparavant, quelque soixante millions de F CFA chez un opérateur économique de la place dont nous taisons volontairement le nom. Vrai ou faux ? On le saura certainement.

    En tout cas, une personne présumée coupable de détournement d’une si importante somme, qui a employé des méthodes si ingénieuses et pendant une si longue période, est tout sauf un naïf, un amateur ou un enfant de chœur. Si ces supposés complices, au sein de la DAF ou ailleurs, ne se souciaient que très peu du fait que lui était en prison, Ichiaka Diallo, quant à lui, savait certainement que d’autres allaient le rejoindre là-bas. Tôt ou tard. D’où l’effet du coup de  tonnerre, alors que le ciel n’était même pas menaçant, que  l’arrestation du DAF Ousmane Diarra a provoqué au sein du département de la santé.

C’est dire qu’au moment où des milliers de patients nichent, en pleine nuit dans le froid et la pluie, dans la cour de nos hôpitaux, des messieurs et dames voguent tranquillement à leurs affaires et business en siphonnant le denier public, avant de passer à la vitesse supérieure en mangeant des deux mains. Quel mépris ! Mais c’était sans compter avec la détermination et le sens élevé du patriotisme du procureur Sombé Théra et ses hommes, devenus, en quelque sorte, la bête noire des voleurs à col blanc.

Le ministère de la Santé dessaisi de la gestion du fonds

 D’autres cadres des services techniques du ministère de la santé sont en garde à vue en attendant qu’ils soient fixés sur leur sort. Le ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, qui a quitté Bamako tôt le jeudi dernier pour un bref séjour dans sa ville natale de Goundam, sera contraint de tenir rapidement un " Séminaire sur la responsabilité dans la gestion des fonds ", à défaut de voir l’ensemble de l’édifice de la santé s’écrouler, tel un château de cartes. Sous le poids de la magouille et de l’irresponsabilité.  En tous les cas, le Fonds Mondial a été direct : toute la lumière doit être faite sur cette affaire.    

      C’est également l’avis des plus hautes autorités qui ont donné des instructions fermes afin qu’aucune zone d’ombre ne puisse échapper à la vigilance des contrôleurs. Car il y va de la crédibilité même de l’Etat qui ne doit, aucunement, se complaire dans la seule dénonciation. 

         C’est donc désormais sûr que d’autres têtes, parmi lesquelles celle d’un certain nombre d’opérateurs économiques ayant " magouillé " avec des cadres et agents du PNLT et qui se seraient même disputés lors du partage du butin, devront bientôt tomber. Le fils d’un député, opérateur économique de son état, serait aussi dans le collimateur. Est-ce la raison pour laquelle Modibo Berthé, le coordinateur adjoint du PNLT, a préféré prendre son pied à son cou avant l’arrivée des hommes de Sombé Théra ?

Maintenant face à l’incurie dans la gestion des ressources du Fonds Mondial, Genève a décidé de retirer cette gestion directe au ministère de la Santé et l’a confiée à un cabinet privé bien connu de la place dont les agents ont déjà pris leur quartier au département de la santé.

         Au rythme donc où évolue cette affaire, il est à craindre que le Fonds Mondial ne se retire tout simplement de notre pays avec ses 53 milliards de FCFA destinés, principalement, au département de la Santé pour la lutte contre la tuberculose et le paludisme et au Haut conseil national de lutte contre le sida (HCNLS), qui est une structure rattachée à la présidence de la République.  

Mamadou FOFANA

 

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