Rapport du Fonds Mondial sur le Mali (21 avril 2011) – 13 : Les bonnes affaires d’AKAMA SA: une marge de 238%

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13ème épisode du feuilleton Fonds Mondial au Mali. Il n’y a pas que nos Individus que se soient léché illégalement les babines avec les subventions octroyées au Mali. Certains de leurs fournisseurs, pour ne pas dire associés en affaires, ont allégrement surfacturé les marchandises qu’ils ont livrées aux programmes, avec des marges bénéficiaires qui ont battu tous les records. Ainsi, Akama Sa, spécialiste supposé d’équipements médicaux, a engrangé de 50% à 509% de marge bénéficiaire pour les différents matériels que la société a fourni au PNLP, soit 238% en moyenne. De quoi devenir rapidement un nouveau riche 

Dans le cas de chevauchement entre les DAF et le PNLT, où l’OIG a trouvé des preuves que le comptable de la DAF à obtenu des fonds de manière inappropriée et que les responsables du PNLT ont produit de fausses factures à l’appui de ces décaissements sur leurs propres ordinateurs, il est raisonnable de déduire qu’il a existé un certain niveau de coordination dans les détournements entre les deux institutions. Dans le cas du PNLP, la collaboration est susceptible d’avoir été aussi importante, étant donné  (i) les aveux de l’Individu A, comptable de la DAF aux autorités judiciaires maliennes, où il affirme avoir partagé l’argent détourné avec le Directeur du PNLP, l’Individu D, et (ii) la découverte par l’OIG que l’Individu A a produit de faux reçus de fournisseurs pour les dépenses pour lesquelles l’Individu D a falsifié des signatures.

Le fait que plus de la moitié des retraits présentaient des preuves de détournements des fonds provenant des comptes bancaires a également été complètement prouvé par toute la fausse documentation des dépenses. Dans ce cas, il est également possible que la DAF ait détourné des fonds à l’insu ou sans la collaboration d’autres institutions. L’absence de documentation, qui aurait du être produite dans le cadre de la mise en œuvre du programme, sape davantage la probabilité que ces retraits aient été utilisés aux fins prévues. En effet, le PR (Bénéficiaire Principal) n’a pas été en mesure de prouver le contraire à ce jour.

 

5. Autres retraits non justifiés

L’OIG a identifié un total de 381 retraits, totalisant 1.746.573 USD (831 368 763 FCFA) qui n’ont été justifiés par aucune documentation (La SEC Diarra a calculé que ce montant en dollars représentait 727 318 083 FCFA. L’OIG et elle, au vu des efforts requis pour ce faire, n’ont pu s’accorder sur un même chiffre). Sur ce montant, 711 638 USD montraient des preuves manifestes de fraudes bancaires et de détournements, comme décrit précédemment dans ce rapport. Les retraits non justifiés restants, de 1.034.935 USD, n’ont pas été effectués par, ou remis, au comptable de la DAF et l’OIG n’a pas pu prouver, de manière tangible, qu’ils étaient eux aussi frauduleux, car plus de 70% d’entre eux avaient entre 2 et 5 ans au moment de l’enquête, pour avoir été effectués entre 2004 et 2008. L’âge de ces avances soulève de sérieuses préoccupations quant à savoir si ces fonds ont été utilisés aux fins prévues.

 

Retraits non pris en charge par année

Année ;  CFA ; USD ; nombre

2009 ; 111.814.462 ; 234.904 ; 36

2008 ; 147.125.873 ; 309.088 ; 69

2007 ; 156.114.836 ;  327.972 ; 57

2006 ; 54.234.704 ; 113.938 ; 20

2005 ; 23.339.000 ; 49.032 ; 7

Soit un total de  492,628,875 francs CFA, 1,034,935 USD.

 

En outre, près de 25% de tous les prélèvements non pris en compte par l’enquête ont été faits par le régisseur de la DAF, l’Individu F. Il était, en effet, autorisé à faire de tels retraits, mais sa pratique de remise d’espèces au comptable de la DAF soulève de graves préoccupations quant au fait que ces retraits (pour lesquels il n’y avait aucune anomalie dans les décharges) peuvent également n’avoir pas été utilisés aux fins prévues.

 

Nonobstant les indices décrits ci-dessus, les services juridiques du GF (Fonds Mondial) ont précisé, dans une note interne datée du 13 Novembre 2010 que «l’échec à conserver ou à présenter de la documentation pour les coûts engagés par le programme … constitue une violation de l’article 13, alinéa (a) des Conditions Générales (STC) des accords de subvention du Fonds]»et que le PR peut être tenu pour responsable du remboursement des fonds de la subvention dont les utilisations sont insuffisamment documentées" conformément à l’article 27 des STC. A la lumière de cet avis, et du fait que la totalité des preuves démontre la fraude à grande échelle et les détournements dans les subventions octroyées au Mali, l’OIG a inclus ces retraits sans aucun justificatif dans les pertes globales.

B. Surfacturations et appropriation frauduleuse de fonds

En plus de la fraude bancaire et dans la documentation, l’OIG a trouvé des preuves que les vendeurs de biens de haute valeur, tels que les équipements médicaux, le matériel informatique et les motos, ont été surfacturés de manière exorbitante ou doublement facturés aux programmes. L’OIG a également appris de source confidentielle que les produits de certaines de ces transactions ont été partagés entre les vendeurs et les responsables des programmes.

Etant donné la grande quantité d’argent liée à ces quelques transactions, les autorités judiciaires maliennes ont concentré leurs enquêtes sur certains vendeurs. L’OIG n’a pas poursuivi son enquête sur ces opérations, en raison de son engagement à respecter la primauté de l’enquête pénale nationale, mais a appris de ses sources que les vendeurs en question sont actuellement détenus ou ont fui le pays.

1. Surfacturations d’équipements médicaux au PNLT

L’OIG a constaté que, en violation des règles en matière d’approvisionnement, le programme TB a surpayé certains équipements médicaux de plus de 200 %, soit environ 270 000 USD. Ce constat se rapporte à quatre achats de matériel médical dans le Round 7, pour un montant de 658 329 USD 313 364 426 FCFA), auprès du fournisseur Akama SA.

Avant l’implication des autorités pénales maliennes dans ce cas particulier, l’OIG avait rencontré le propriétaire d’Akama SA à son siège social (qui était aussi sa résidence personnelle). Le propriétaire d’AkamaSA n’a pas été en mesure de fournir à l’OIG la preuve qu’il dirigeait une entreprise bien établie qui fournissait de l’équipement médical, car il n’était pas en mesure d’indiquer quelque vente d’équipements médicaux autre que les quatre contrats conclus avec le projet Tuberculose.


Le propriétaire d’Akama Sa n’a fourni à l’OIG l’identité de son fournisseur que pour un seul des quatre contrats, celui d’une société française dénommée Labo Moderne. Labo Moderne, à son tour, a transmis à l’OIG les factures de vente à Akama SA pour les équipements listés dans la facture N°4 de cette société. (cf fac similé). Labo Moderne a aussi informé l’OIG qu’il n’avait fourni aucun des équipements médicaux répertoriés sur les factures 1 à 3 d’Akama SA. Akama SA, par contre, a donné à l’OIG les noms d’autres vendeurs, qui ont affirmé à l’OIG n’avoir jamais livré quoi que ce soit à la société.

En comparant ces prix, l’OIG a conclu que la marge de profit générée par Akama SA dans le cas des quatre factures s’est élevée à  276,280.11 USD (131 509 332,86 FCFA), soit une moyenne de 238% de profit.

Avec une telle marge, les fonds du GF n’ont pas été utilisés pour acheter du matériel médical à un «prix raisonnable», ce que la convention de subvention requiert pourtant. En supposant qu’une marge bénéficiaire raisonnable se situe aux alentours de 30%, et en supposant que les équipements énumérés dans les trois autres factures ont été effectivement livrés, les estimations de l’OIG montrent que le programme a surpayé tous les équipements médicaux achetés à ce vendeur fournisseur, pour 270 754 USD, soit 128 878 811, 42 FCFA.

Il convient également de noter que deux des quatre achats (factures 3 et 4) ont été l’œuvre fournisseur unique, sans aucun processus d’approvisionnement concurrentiel. Selon les informations obtenues auprès d’un témoin confidentiel, le premier responsable de la DAF, l’Individu G, a pris la décision de contourner les procédures d’achat standard, sous le prétexte qu’il y avait un besoin urgent d’obtenir ces équipements. L’Individu G est, depuis, détenu par les autorités maliennes pour son rôle dans les achats auprès d’Akama. L’OIG a demandé à passer physiquement en revue les équipements médicaux achetés sous la facture N°4 d’Akama, en Juillet 2010. Il a constaté que le matériel existait bien, mais qu’il était encore dans ses emballages d’origine dans une unité de stockage du PNLT, une année complète après que l’achat ait été effectué.

Dans le cas des factures 1 et 2, l’OIG a retrouvé des documents attestant d’un processus d’approvisionnement, mais toutes les offres associées présentaient des indices montrant que le processus d’approvisionnement n’était probablement pas authentique. Dans les deux cas, les deux mêmes soumissionnaires en lice, Etragfa.Sarl et Fayida.Sarl, ont prétendument soumis des offres. Les signes de soumissions frauduleuses pour ces cas ont été:

• Les appels à soumissions de candidature ont été émis à la même date, le 1er  Décembre 2008. Ils sont tous les deux signés du Directeur de la DAF, l’Individu G. Il est difficile de comprendre pourquoi le PNLT aurait choisi d’acheter des équipements médicaux, dans deux offres différentes, dans la même journée, d’autant plus que ce sont les mêmes vendeurs qui ont soumis des offres dans les deux cas.

• Les modèles de soumission utilisés par Etragfa Sarl et Fayida Sarl montrent de nombreuses similitudes en termes de formulation et d’espacement des textes.
• La Sarl Etragfa et Fayida Sarl ont présenté des offres datées du même jour, le 2 Décembre 2008. Ces dates ont été écrites dans la même écriture. Les soumissions d’Akama-SA, ainsi que les factures qui en résultent, ne sont pas datées.


• L’OIG a téléphoné au numéro indiqué sur les offres portant le nom de Etragfa Sarl.


La personne qui a répondu au téléphone a déclaré que son entreprise n’était plus opérationnelle depuis 2008 et a refusé de rencontrer l’OIG.

• L’OIG a rencontré l’autre soumissionnaire, Fayida Sarl, et a constaté que ce n’était pas une entité commerciale, mais plutôt un organisme sans but lucratif, connu sous le nom Fondation Fayida. Les bureaux que l’OIG a visités ne semblaient pas indiquer une capacité à vendre de l’équipement médical. L’OIG a montré au Vice-président de la fondation les deux soumissions relatives à son entreprise. Bien que le Vice-président ait affirmé que les candidatures étaient authentiques, il n’a pas été en mesure de produire une offre d’assistance technique pour un échantillon similaire ou une facture pour valider leur authenticité.

A suivre…

Ramata DIAOURE

 

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