Rapport du Fonds Mondial sur le Mali (1er Juin 2011) – 24 et fin : Conclusion: «Les transactions en numéraire, les plans de formation… sont particulièrement vulnérables aux abus»

0

Fin, avec ce 24ème et dernier épisode de notre feuilleton Fonds Mondial, de la leçon d’audit et d’enquête financière administrée par le Bureau de l’Inspecteur Général du Fonds Mondial à tous ceux qui nous ont fait l’honneur de la lire. Nous avons nous-mêmes appris beaucoup de ce document, un formidable roman policier dont, malheureusement, les péripéties n’étaient pas de la fiction! Le travail du BIG a déjà amené le Fonds à changer ses procédures et à se montrer plus scrupuleux dans ses contrôles. Gageons que les carences des autres structures, au plan national, seront analysées et traitées fermement! Nous pouvons déjà aviser nos fidèles lecteurs qu’un autre rapport explosif va bientôt les tenir en haleine, toujours dans ces colonnes, celui relatif à GAVI (l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation). A très bientôt!

C) Le Secrétariat doit strictement interdire, et ce dès maintenant, à toute entité ou personne ayant des responsabilités dans l’administration des fonds, ou chargée de leur conservation ou de leur contrôle, d’utiliser les retraits en espèces effectués sur les comptes du programme, sauf en cas de nécessité absolue. Tous les récipiendaires des fonds, notamment les fournisseurs, seront réglés directement par chèque ou par virement lors des achats de biens et de services pour les programmes du Fonds mondial.

D) Il sera exigé des récipiendaires principaux et des sous‑récipiendaires qu’ils établissent une liste des fournisseurs autorisés, complète et soigneusement vérifiée, auprès desquels les programmes peuvent acheter des biens et des services en toute sécurité. Il sera possible d’effectuer des achats auprès d’autres fournisseurs uniquement en cas d’urgence et en recourant à des procédures fiables et pouvant être vérifiées. Il sera stipulé dans l’Accord de subvention que les règlements en faveur des fournisseurs autorisés doivent être enregistrés correctement dans les livres et registres comptables et que le nom desdits vendeurs doit notamment être enregistré dans le système comptable.

E) Des clauses particulières doivent être ajoutées immédiatement à l’Accord de subvention des tous les programmes qui autorisent l’utilisation des fonds pour des événements de formation. Dans ce cas, l’Accord de subvention devra comprendre une annexe précisant que les récipiendaires principaux et les sous‑récipiendaires doivent établir des programmes trimestriels de formation et de supervision, qu’ils devront soumettre au LFA afin d’être autorisés à émettre les factures correspondant aux dépenses concernées. Par ailleurs, l’accord passé avec le LFA, et le mandat de celui-ci, devront être modifiés de manière à ce qu’il soit demandé au LFA d’effectuer régulièrement des visites impromptues de ces événements et activités programmées chaque trimestre et de mettre en place d’autres mesures viables à long terme afin de s’assurer que les événements de formation ont lieu et que les factures soumises pour ces événements sont légitimes.

F) Le Conseil d’administration devrait revoir le fait de considérer le montant et le rythme des décaissements des fonds des subventions comme un indicateur clé des résultats du personnel du Secrétariat, privilégier la qualité, plutôt que la quantité, des décaissements, et mettre l’accent sur la nécessité de s’assurer que les fonds sont réellement utilisés (par le biais d’un suivi continu) aux fins prévues par la subvention.

Lettre d’accompagnement du rapport d’enquête du BIG

Genève, Suisse, 1er juin 2011

Cher lecteur,
De février 2010 à avril 2011, le Bureau de l’Inspecteur général (BIG) du Fonds mondial a enquêté sur quatre subventions accordées au Mali. Les résultats de cette enquête sont présentés dans le document intitulé Rapport d’enquête final sur les subventions Paludisme (1 et 6) et Tuberculose (4 et 7) du Mali. L’enquête est le fruit des importants travaux du BIG et fournit une analyse complète et minutieuse de ces subventions au Mali.

Le rapport expose dans le détail les résultats de l’enquête et ses dernières constatations et recommandations. Il décrit comment certaines personnes du pays liées aux programmes – et un certain nombre de leurs fournisseurs et prestataires de biens et de services – ont systématiquement spolié le Fonds mondial et ses programmes pendant plusieurs années. Différentes personnes ont été arrêtées par les autorités pénales maliennes en raison des événements identifiés dans le rapport et sont en attente d’un procès. Le fait que ces fraudes aient été en partie détectées par un audit et totalement révélées grâce à la vigilance du propre Bureau de l’Inspecteur général du Fonds mondial et que les personnes ayant perpétré ces fraudes fassent actuellement l’objet de poursuites judiciaires devrait avoir un effet dissuasif sur les autres.

Plusieurs faiblesses ont été recensées au niveau de la gestion des subventions et le BIG a proposé – et le Secrétariat a pris – des mesures vigoureuses pour améliorer la gestion des subventions. Les anciens récipiendaires ont été remplacés et une subvention a été close. Le Fonds mondial espère que les programmes qu’il soutient au Mali seront bientôt pleinement relancés et améliorés afin de combattre la pandémie liée aux trois maladies. Ces mesures illustrent la politique de «Zéro tolérance à la fraude» du Fonds mondial.

Cette affaire a en fait contribué à la plus importante réforme de la gestion des subventions du Fonds mondial depuis sa création. Nous sommes convaincus que, grâce à ces événements, le Fonds mondial est maintenant beaucoup plus fort et bien mieux préparé pour prévenir et détecter rapidement les fraudes et les abus. Nous pensons également que cette affaire a contribué à améliorer les processus et les contrôles internes du Fonds.

Du fait de la nature de sa mission et afin d’atteindre certaines des populations parmi les plus vulnérables du monde, le Fonds mondial travaille dans des pays dans lesquels l’architecture institutionnelle et de contrôle est peu développée. En s’attaquant aux déficiences de gestion et à la corruption, le Fonds est mû par deux principes de base: une transparence totale et une tolérance zéro à la fraude.

Le présent rapport – qui est publié sur le site Internet du Fonds mondial – témoigne de l’engagement que ce dernier a pris d’identifier et d’enquêter avec fermeté sur les fraudes qui affectent ses subventions et ses engagements vis-à-vis d’une transparence réelle et totale.

Il est important d’insister sur la distinction qui doit être faite entre les actes répréhensibles commis par certaines personnes et les efforts louables de la majorité des acteurs qui travaillent à promouvoir la santé au Mali. Je souhaite, en particulier, remercier le Président du Mali, Son Excellence Amadou Toumani Touré, pour son appui indéfectible aux travaux engagés par le Bureau de l’Inspecteur général du Fonds mondial pour détecter et mettre un terme aux actes frauduleux affectant ces subventions. Je voudrais, par ailleurs, saluer les activités mises en place par Le Secrétariat pour renforcer les programmes subventionnés afin de prévenir toute nouvelle défaillance des contrôles et de garantir aux subventions une performance optimale.

La mission du Fonds mondial est de sauver des vies et d’aider les pays à construire des systèmes de santé solides et pérennes. Chaque dollar détourné est un dollar perdu pour ce combat. Le Fonds mondial entend protéger sans relâche ses actifs et compte y parvenir grâce à un engagement infaillible envers les pays auxquels il apporte ses services.

Veuillez croire, Cher lecteur, en l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Martin Dinham,
Présidence du Conseil


Réponse du Secrétariat du Fonds mondial au rapport d’enquête sur le Mali,
19 avril 2011

Le Secrétariat remercie le BIG pour les travaux impressionnants engagés pour cette enquête.
Le Secrétariat rappelle qu’il a commenté la version préparatoire du rapport d’enquête le 14 mars 2011. Il est informé que le BIG a communiqué une version préparatoire du rapport d’enquête à la CCM au Mali et qu’il reste dans l’attente de ses commentaires.En réaction aux premières informations du BIG, le Secrétariat a clôturé en décembre 2010 une subvention Tuberculose attribuée au Ministère de la Santé du Mali, tout en assurant la poursuite du traitement des treize patients traités au moment de cette clôture. Parallèlement, deux subventions Paludisme (attribuées au Ministère de la Santé et à l’organisation non gouvernementale «Groupe Pivot») ont été suspendues. Des dispositifs de mise en œuvre alternatifs – impliquant un nouveau récipiendaire principal – ont été identifiés et sont actuellement en cours de négociation.

Au moment de la clôture (subvention Tuberculose) et de la suspension (subvention Paludisme), les procédures prévues par la «Additional Safeguards Policy» ont été invoquées par le Directeur Exécutif. Fondamentalement, cela assujettit toute décision de gestion importante au Mali à l’approbation du Secrétariat, ce qui contribue à intensifier le contrôle fiduciaire.

Le Secrétariat prendra toutes les mesures possibles pour récupérer les fonds de subvention perdus.

Le BIG félicite le LFA pour sa coopération exceptionnelle lors de son enquête et pour sa vigilance accrue. Le Secrétariat s’assurera que la qualité actuelle de la supervision du LFA soit maintenue à l’avenir.

Le Secrétariat prend note de l’importance du rôle des récipiendaires principaux suspendus dans la riposte nationale à la tuberculose et au paludisme, et travaillera – principalement par l’intermédiaire de partenaires – pour s’assurer que ces entités reçoivent une assistance technique appropriée qui leur permette de reprendre leurs responsabilités dans la gestion des subventions.

Le Secrétariat appliquera les enseignements tirés de l’enquête lors de la négociation des subventions attribuées aux soumissions approuvées de la Série 10. L’accent sera spécialement mis sur un examen minutieux renforcé des transactions en numéraire, des plans de formation et d’autres lignes budgétaires identifiées par le BIG comme particulièrement vulnérables aux abus.
Fin.
Ramata DIAOURE

Commentaires via Facebook :