«Contrairement à ce qu’il avait constaté pour le programme Tuberculose, le Fonds mondial a rapidement remarqué les lacunes considérables présentées par le PNLP, le PR chargé de la gestion des subventions Paludisme… ». Dans cette 21ème partie du Rapport d’enquête du Bureau de l’Inspecteur Général (BIG), version française de juin 2011, c’est le Fonds Mondial lui-même, en l’occurrence l’Unité Finance, qui est dans l’œil du cyclone, pour n’avoir pas «correctement pris en compte les risques de fraudes et de détournement des subventions» au niveau du PNLT. En fait, les rapports successifs félicitaient plutôt «des personnes exceptionnellement compétentes et motivées», malgré «les inquiétudes du Ministère de la Santé lors de sa première évaluation». C’était quasiment une épidémie de cécité!
3. Fonctions et responsabilités de l’Unité Finance
Selon l’avis publié en 2010 par le Service des Ressources Humaines du Fonds mondial, pour le poste d’analyste financier au sein de l’équipe financière du programme, l’Unité Finance soutient les FPM (Gestionnaires de portefeuilles du Fonds) par le biais des activités suivantes:
– Signature et reconduction des subventions: examiner les données financières et opérationnelles (budgets, plans de travail et aspects financiers de la mise en œuvre) avant la signature d’une nouvelle subvention ou pour la reconduction d’une subvention;
– Aspects financiers de l’administration des subventions: conseiller les équipes des programmes des pays sur les aspects financiers de l’administration des subventions, avec notamment des visites dans les pays et l’apport d’informations et de conseils financiers (oraux et écrits) aux équipes des programmes des pays et aux acteurs présents sur le terrain;
– Formation et analyse: soutenir les projets dans des domaines tels que l’élaboration des politiques, l’analyse des données et la formation;
– Examen de la conformité: vérifier la conformité des décaissements des subventions, notamment par le biais de contacts avec les équipes des programmes des pays destinés à garantir la qualité des documents relatifs aux décaissements;
– Décaissement: soutenir le suivi et l’établissement de rapport relatifs au processus de décaissement et participer à la conception d’outils destinés à appuyer ce processus;
– Examen des rapports financiers améliorés: examiner la qualité des rapports financiers améliorés transmis par les pays mettant en œuvre les subventions, appuyer le suivi et l’analyse des données des rapports financiers améliorés remis par les pays;
– Gestion des connaissances: superviser la création de systèmes de gestion des connaissances financières appropriés pour soutenir le processus de gestion des subventions.
4. Evaluation des subventions par le Fonds Mondial
Le BIG a constaté qu’aucun des documents fondamentaux (rapports sur les performances de la subvention, lettres à la direction) ou des documents internes (notes de suivi) n’a évoqué la possibilité de l’existence de fraudes ou de malversations pendant toute la durée des subventions examinées ici. Les entretiens avec le personnel du Secrétariat ont confirmé que le Fonds mondial n’avait pas correctement pris en compte les risques de fraudes et de détournement des subventions.
a) Tuberculose
Le personnel du Secrétariat du Fonds mondial qui a supervisé le programme Tuberculose a déclaré qu’il s’agissait d’un programme «modèle». Selon lui, les personnes en charge du PNLT, en particulier l’Individu B., le coordonnateur, étaient «exceptionnellement compétentes et motivées». D’après les notes transmises par le Secrétariat, le taux de dépenses du programme était satisfaisant, de même que les économies réalisées. Le Secrétariat a également déclaré que le système de suivi et d’évaluation, élaboré et géré par le PNLT lui-même, qui a organisé des missions de supervision pour collecter les statistiques nécessaires aux indicateurs de performances du programme, était «le meilleur du pays». Le Secrétariat avait néanmoins relevé quelques problèmes avec le PNLT, notamment le fait que les rapports sur l’état d’avancement du programme étaient régulièrement transmis en retard au LFA, que les rapports remis par les régions n’étaient pas systématiquement établis en bonne et due forme et que le système de gestion des documents du programme présentait de nombreuses lacunes.
Nb: Extrait du Manuel pour le suivi et l’évaluation du Fonds mondial. «Dans le cycle classique des subventions, les fonds sont levés, puis utilisés pour mettre en œuvre des activités, qui doivent ensuite faire l’objet d’un rapport, afin qu’un nouveau financement puisse être attribué. Dans le cas des subventions accordées par le Fonds mondial, la fourniture d’éléments attestant des performances du programme constitue une condition requise pour tous les versements suivant le décaissement initial. Le cycle se répète de la même manière jusqu’à l’arrivée à terme de la subvention. Le système de suivi et d’évaluation évolue les performances et fournit les données permettant de déterminer dans quelle mesure le financement peut être reconduit. Il est impossible d’attribuer un financement fondé sur les performances sans disposer d’un système de suivi et d’évaluation fiable». Module 1, p. 3.
Série 4: Bien qu’il ait pris en compte les inquiétudes du Ministère de la Santé lors de sa première évaluation du PR, le rapport des performances de la subvention (GPR) réalisé par le Fonds mondial indique que le PNLT «paraît satisfaire aux critères de niveau B1» en ce qui concerne les systèmes et la gestion financière. Le Fonds mondial souligne que l’expérience acquise par le PNLT lors de l’administration d’un vaste projet (2,3 millions USD) pour la Royal Netherlands Chemical Society «devrait garantir la mise en œuvre de systèmes opérationnels et relatifs au programme adaptés pour la subvention». Selon le GPR, le LFA n’a pas constaté de carences importantes ni de faits particuliers lors des contrôles internes. Lors des examens préalables à la décision de passer à la phase Il de la subvention, en 2007, le Fonds mondial a indiqué que le Ministère de la Santé «avait présenté un état d’avancement du programme satisfaisant et des activités de gestion financières saines», que «tout le personnel technique central possédait les compétences nécessaires à une mise en œuvre et à une gestion efficaces de la subvention», qu’il existait une bonne collaboration entre la CCM et les autres partenaires et que les équipes techniques effectuaient régulièrement des visites de supervision dans les régions et les communautés. En 2008, lorsqu’il a transmis à son successeur l’administration de la subvention, le FPM a écrit au sujet du PNLT: «l’équipe chargée de la gestion de la subvention/du programme est très compétente et dynamique et déploie ses meilleurs efforts pour surmonter les difficultés rencontrées lors de ta mise en œuvre». Le GPR a également noté que la DAF devait collaborer davantage avec le PNLT pour «l’exécution optimale des décaissements et des achats» et qu’elle devait «clarifier ses procédures internes pour améliorer sa transparence financière sur le long terme et l’efficacité de ses procédures d’achat». Nb: Conclusions du Secrétariat en décembre 2009, à l’issue de sa visite dans les bureaux du PNLT. Il lui a été rarement possible d’obtenir les documents qu’il avait demandés et le personnel du programme se présentait souvent aux réunions sans aucun document.
La dernière note de performance attribuée à la série 4 de la subvention Tuberculose, en novembre 2010, a été B1, ou «adéquate», car le PR avait atteint un niveau situé entre 60 et 89 % pour les objectifs évalués par les indicateurs de performance. Ces indicateurs portaient notamment sur les éléments suivants :
108%: Nombre de membres du personnel formés à la stratégie DOTS
100%: Nombre de techniciens de laboratoire formés à la microscopie de la tuberculose au niveau régional ou national
120%: Nombre de patients atteints de la tuberculose recevant une aide nutritionnelle
120%: Nombre de leaders d’opinion sensibilisés à la tuberculose par des sessions d’information d’une journée
0%: Nombre d’administrateurs du programme Tuberculose formés ou ayant participé à un congrès international
Série 7: Lors de la première évaluation en vue de l’octroi de la subvention suivante, la série 7, le PNLT a obtenu la note globale A2, ainsi que la note A2 pour les domaines institutionnels et du programme et les systèmes et la gestion financière. Lorsque le deuxième FPM a transmis à son successeur la gestion de la subvention du Mali, la série 7 venait juste de commencer. Il indique dans sa note de suivi: «compte tenu des performances élevées réalisées par le PR lors de la série 4, nous estimons qu’aucun problème majeur ne devrait empêcher la réussite de la mise en œuvre de la subvention». La dernière note de performance attribuée à cette subvention, en novembre 2010, a été B2, ou «inadéquate», mais a démontré son potentiel, car le PR avait atteint un niveau situé entre 30 et 59 % pour les objectifs évalués par les indicateurs de performance. Ces indicateurs portaient notamment sur les éléments suivants:
100%: Nombre de techniciens de laboratoire des secteurs privé et public formés à la microscopie de la tuberculose au niveau régional ou national
95%: Nombre de cas de tuberculose à frottis d’expectoration positif ayant suivi un traitement dans son intégralité
25%: Nombre d’agents sanitaires formés à la stratégie DOTS
0%: Nombre de cas de tuberculose multi résistante traités selon les directives de l’OMS
b) Paludisme
Contrairement à ce qu’il avait constaté pour le programme Tuberculose, le Fonds mondial a rapidement remarqué les lacunes considérables présentées par le PNLP, le PR chargé de la gestion des subventions Paludisme. Le premier administrateur du PNLP, qui a supervisé la série 1, a été remplacé avant la série 6, parce que les performances enregistrées par la série 1avaient été jugées beaucoup trop faibles . Or, même après ce changement, les FPM ont indiqué que le personnel du programme PNLP ne paraissait pas impliqué et ne faisait pas montre de grandes capacités. Le taux de dépenses du programme était très bas et son système de suivi et d’évaluation insuffisant.
Série 1: Dès le début de la subvention, le GPR du Fonds mondial a soulevé le fait que le logiciel comptable du Ministère de la Santé ne présentait pas les conditions de sécurité requises et que les dépenses «n’étaient pas toujours clairement identifiées, que les systèmes financiers régionaux étaient manuels et que les rapports étaient souvent remis en retard». Il a noté également que la CCM «ne fonctionnait pas correctement». Il n’a été attribué aucune note (seulement un «x») au contexte, aux systèmes et à la gestion financière et aux aspects institutionnels et du programme. Le plan de gestion des achats et des stocks a été noté C1. Lors de l’examen préalable au renouvellement de la subvention, lors de la phase 2, le Fonds mondial a constaté que si l’un des deux sous ‑ récipiendaires, PSI, réalisait ses objectifs et avait démontré sa capacité de gestion, le PNLP présentait «une gestion très insuffisante et était en retard sur le calendrier prévu pour les décaissements et les objectifs». Il a également souligné que «l’administration technique du programme national souffrait aussi de nombreuses carences (ressources limitées et importante rotation du personnel)». Dans sa note de suivi, le deuxième FPM du Mali a précisé au sujet de la série 1 que la phase 2 avait «reçu une approbation conditionnelle, en raison des faibles performances réalisées jusqu’alors et des problèmes importants au niveau du système d’information et de la collecte des données, qui ne permettent pas de compléter correctement les indicateurs du cadre de performances. PSI est intervenu en tant que sous-récipiendaire pour l’achat et la distribution de MIILD, ce qui a permis à la demande de subvention de ne pas être rejetée».`
À la fin de la subvention, le Secrétariat du Fonds mondial lui a attribué la note globale de B1, «adéquate», car le PR avait atteint un niveau situé entre 60 et 89 % pour les objectifs évalués par les indicateurs de performance. Ces indicateurs portaient notamment sur les éléments suivants:
120%: Nombre de fournisseurs du district et des centres de santé communautaires formés à la prise en charge des cas de paludisme dans le cadre de la PCIME (3 formateurs par région Kayes, Sikasso, Bamako, Koulikoro et Mopti)
32%: Nombre de formateurs intervenant auprès des praticiens traditionnels formés à la promotion des pratiques familiales de base relatives au paludisme (7 formateurs pour les régions de Sikasso et Bamako et 15 pour les districts de Kayes et Mopti)
13 %: Nombre de travailleurs communautaires formés dans les 7 districts
100%: Nombre d’agents formes à la prise en charge des épidémies dans les sites sentinelles à risque
120%: Nombre de moustiquaires distribuées aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 5 ans
96%: Pourcentage de cas de paludisme simple ou grave parmi les enfants de moins de 5 ans correctement pris en charge dans les centres de santé
Série 6: Le Secrétariat du Fonds mondial a constaté que le programme enregistrait des résultats insuffisants, en raison des faibles dépenses engagées. Lors du changement d’équipe, le personnel sortant du Secrétariat a indiqué: «ce programme a connu d’importants retards en ce qui concerne l’établissement des rapports et le PR est en retard de plusieurs mois pour la soumission de la demande du deuxième décaissement et de la mise à jour du premier programme. Il n’existe par conséquent aucune information sur le taux des dépenses ou l’état d’avancement du programme. Le PR a déclaré au LFA qu’il disposait d’un stock de médicaments suffisant pour poursuivre les traitements prévus et que c’est la raison pour laquelle il n’avait pas déposé d’autres demandes de décaissement. Les achats constituent la principale activité de ce programme».
La dernière note de performance attribuée à la subvention, en novembre 2010, par le Fonds mondial était B1, «adéquate», ce qui signifie que les résultats obtenus pour les objectifs évalués par les indicateurs de performance se situaient entre 60 et 89 %. Ces indicateurs portaient notamment sur les éléments suivants:
100%,: Nombre de praticiens traditionnels formés au paludisme (2 par district)
91%: Nombre de personnes ayant bénéficié de visites à domicile et de réunions de formation
9%: Nombre de formateurs formés au soin du paludisme et à son traitement au niveau régional et des districts
34 %: Nombre d’enfants de moins de 5 ans touchés par un paludisme sans complication et traités avec les CTA dans les centres de santé disposant de fournitures.
A suivre…
Ramata DIAOURE