Rapport du Fonds Mondial sur le Mali (1er Juin 2011) – 20: La CCM: «notre mandat ne comprenait pas la surveillance»

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20ème partie du Rapport d’enquête du Bureau de l’Inspecteur Général (BIG), version française de juin 2011. Nous nous intéressons aujourd’hui à la CCM (l’Instance de consultation nationale), qui a la charge, entre autres tâches, de coordonner l’élaboration des propositions de subvention et leur soumission au Fonds mondial, superviser la mise en œuvre de la subvention approuvée par le Fonds mondial et soumettre les demandes de reconduction. Un rôle central, puisque c’est la CCM qui sélectionne les projets et programmes qui bénéficieront des fonds du GF. Mais la nôtre n’a pas joué son rôle de contrôle ou de supervision, l’un de ses Présidents ayant même répondu aux enquêteurs que son mandat ne comprenait pas la surveillance. Lacune découverte aussi chez certains services du Fonds Mondial lui-même. Une attitude de Ponce Pilate qui a permis aux Individus véreux de mener leurs coupables activités sans risques pendant longtemps.

D. Instance de Coordination Nationale (CCM)
1. Contexte

L’instance de coordination nationale (CCM) désigne un partenariat mis en place entre plusieurs parties prenantes dans le pays concerné et propre au schéma de subventions du Fonds mondial. Elle rassemble des représentants des secteurs public et privé, tels que des organismes d’État, des agences multilatérales ou bilatérales, des organisations non gouvernementales, des institutions universitaires, des entreprises privées et des personnes vivant avec les maladies.
Au Mali, la CCM a été fondée en 2003. Son mandat a été revu en 2005 et un poste de Secrétaire permanent a été créé. Elle comprend 19 membres, issus de plusieurs secteurs, et a été supervisée à ce jour par trois présidents différents. Le premier (de 2003 à 2005) était un représentant du Ministère de la Santé et les autres représentaient des organisations internationales (l’OMS, l’USAID et l’UNICEF).

Jusqu’en février 2010, la CCM pouvait recevoir des fonds de la part des PR, afin de couvrir ses frais de fonctionnement. Cela est désormais interdit et elle perçoit aujourd’hui une (modeste) aide financière de la part de plusieurs donateurs (I’USAID et l’OMS) et des subventions versées chaque année par le Fonds mondial.

2. Fonctions et responsabilités de la CCM
La CCM est chargée de (i) coordonner l’élaboration des propositions de subvention et leur soumission au Fonds mondial, (iii) (point particulièrement important dans le cadre du présent rapport) superviser la mise en œuvre de la subvention approuvée par le Fonds mondial et soumettre les demandes de reconduction, (iv) approuver les demandes de renouvellement de programme et de reconduction des financements et (v) assurer la liaison et la cohérence entre les subventions attribuées par le Fonds mondial et les autres programmes nationaux de développement et de santé.

Bien que les CCM aient toujours été chargées de la mise en œuvre des subventions, le Fonds mondial n’avait pas mis l’accent sur cet aspect de leurs responsabilités au cours des premières années de leur fonctionnement, car il s’était alors surtout attaché à rendre ces structures pleinement opérationnelles et à recevoir de leur part les propositions de subvention. Bien que les fonctions des CCM soient gérées en coordination avec l’Unité des partenariats opérationnels et d’appui aux pays, le Fonds mondial n’a créé une Unité CCM chargée de superviser les activités des CCM qu’en 2008 et il encourage l’utilisation des outils de gestion et de surveillance, comme le «Tableau de bord», depuis la fin de cette même année. La surveillance des CCM figure de plus en plus parmi les priorités du Secrétariat et du Conseil d’administration du Fonds mondial et, en 2010, ce dernier a commencé à élaborer des lignes directrices visant à renforcer la surveillance des CCM.

Au moment de l’enquête du BIG, le Fonds mondial disposait déjà d’un document d’orientation sur la surveillance des CCM, qui stipule notamment:

«La surveillance garantit que les activités sont mises en œuvre comme prévu, en fournissant des orientations stratégiques aux principaux récipiendaires, en veillant aux respects des mesures et des procédures définies, en instituant des contrôles financiers (dont des audits indépendants) et en suivant des recommandations clés».

Bien que les lignes directrices n’exigent pas de manière explicite des CCM qu’elles repèrent les risques de fraudes et de malversations et y répondent, elles leur demandent de prêter attention à des questions susceptibles de refléter l’existence de problèmes dans la gestion des subventions:
« – Financement. Où est l’argent? Est-il versé à temps? Est‑il distribué correctement et rapidement? Qui en bénéficie?

– Achats. Les médicaments, les moustiquaires, les fournitures de laboratoire, etc., sont‑ils livrés au bon endroit? Les personnes qui les utilisent les reçoivent‑ils à temps? Le système de distribution est‑il sûr? Les patients les reçoivent‑ils?

– Mise en œuvre. Les activités sont‑elles programmées? Les services sont‑ils fournis aux personnes qui en ont besoin?

– Établissement des rapports. Des rapports complets et exacts sont‑ils remis dans les délais prévus?
– Assistance technique. Quels éléments freinent la mise en œuvre de la subvention (procédures d’achats, ressources humaines, etc.)? Quel type d’assistance technique faut‑il apporter pour construire les capacités et résoudre les problèmes? Quels sont les résultats de l’assistance technique?

3. Examen de la CCM par le Fonds Mondial
D’après le Secrétariat du Fonds mondial, les prestations de la CCM du Mali ont généralement été conformes à celles de ta plupart des autres CCM pendant toute la durée des subventions. Lorsque le Fonds mondial a commencé à s’intéresser plus particulièrement à la qualité des fonctions de surveillance de la CCM, il s’est aperçu de la faiblesse de ses capacités en la matière. En 2008, la CCM du Mali s’est portée volontaire pour participer à un exercice pilote mené par le Fonds mondial et portant sur l’utilisation du Tableau de bord, un outil d’information destiné à aider les CCM à exercer leurs fonctions de surveillance. Le consultant chargé de mettre cet outil en place a souligné les carences de la CCM en matière de surveillance : elle ne disposait pas (i) d’un sous-comité chargé de la surveillance, (ii) de procédures de surveillance, (iii) d’un expert responsable de la surveillance, (iv) des ressources nécessaires à la surveillance.

Il a également constaté que la capacité d’agir de la CCM était limitée par des luttes d’influence, les donateurs de l’ONU cherchant à s’imposer, alors que les représentants de l’État et de la société civile n’intervenaient pas. Il a aussi été relevé une absence d’engagement de la part des plus hauts représentants de l’État. D’après le consultant, ces différents facteurs ont considérablement diminué la capacité de la CCM à détecter les problèmes de gestion des subventions et à y répondre.

Le BIG n’a trouvé aucune preuve indiquant que la CCM du Mali avait envisagé la possibilité que les fonds de la subvention n’étaient pas utilisés tels qu’ils auraient dû l’être. Les entretiens menés avec les membres de la CCM ou des personnes en rapport avec elle ont même révélé que la CCM n’avait pas la capacité de détecter ces risques et ne reconnaissait pas que cette tâche relevait de sa responsabilité.

Le BIG a constaté que les processus de surveillance de la CCM ne lui permettaient pas de détecter les risques de fraudes ou de malversations. Comme l’a expliqué le consultant chargé de mettre en place le Tableau de bord dans les CCM, elle se référait uniquement aux informations fournies par les PR (c’est‑à‑dire les DR/PU) pour évaluer l’avancement de la mise en œuvre des subventions. Étant donné que les PR étaient directement impliqués dans les fraudes, le fait qu’elle n’ait pas confronté les données qu’ils lui transmettaient à d’autres sources d’informations ‑ en vérifiant les rapports d’audit internes, les rapports du LFA, les statistiques des performances établies par le système national d’informations, ou en organisant des vérifications aléatoires sur le terrain ‑ a considérablement diminué sa capacité à déceler une mauvaise utilisation des fonds.

Le BIG s’est entretenu avec le Président de la CCM sur sa responsabilité de garantir que les fonds soient utilisés conformément ce qui a été prévu. Le Président avait alors protesté que le mandat de la CCM ne comprenait pas la surveillance, surtout s’il s’agissait de repérer des risques de fraudes, de malversations ou de toute autre mauvaise utilisation des fonds.

E. Fonds Mondial – Gestionnaire de portefeuille du Fonds (FPM) et Unité Finance
1. Contexte

Au sein du Fonds mondial, deux bureaux (départements) sont chargés de garantir l’utilisation à bon escient des fonds octroyés par le Fonds mondial. Le département des Programmes de pays regroupe les Gestionnaires de portefeuille du Fonds (FPM), qui sont responsables de l’administration des subventions. Le Département Finance soutient les FPM dans de nombreux aspects de leurs fonctions et s’occupe de la gestion financière.

Jusqu’en 2005, les subventions attribuées au Mali ont été administrées par l’équipe d’Afrique centrale et occidentale. Elles dépendent depuis de l’équipe d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Quatre FPM ont jusqu’à présent géré les subventions maliennes: le premier de 2003 à 2005, le deuxième de 2005 à 2008, le troisième pendant quelques mois, de fin 2008 à mi 2009, et le quatrième de mi 2009 à aujourd’hui.

2. Fonctions et responsabilités des FPM
Ainsi que l’indique le service des ressources humaines du Fonds mondial sur les avis de vacance de poste des FPM, ces derniers sont chargés de superviser la mise en œuvre des subventions, de gérer les risques du programme et d’assurer les fonctions suivantes:

– Négociation des subventions: conduire le processus de négociation de la subvention et gérer les différentes étapes du cycle de la subvention et l’équipe pluridisciplinaire du Secrétariat;
– Administration et décaissement de la subvention: examiner et analyser les demandes de décaissement, les rapports du LFA (Agent Local du Fonds) et les informations contextuelles relatives au pays et à la subvention, déterminer les montants à décaisser à intervalles réguliers, gérer le suivi et l’évaluation du processus de mise en œuvre de la subvention et des principaux événements liés à celle‑ci;

– Gestion et analyse du programme: mener une analyse approfondie des performances et du programme, identifier et gérer les risques et proposer des mesures, en concertation avec le responsable d’équipe et les autres équipes;

– Gestion du LFA: gérer, superviser et évaluer le travail sur le terrain du LFA, notamment sa gestion des budgets attribués et des contrats des subventions;

– Gestion des informations: rassembler des documents et établir des rapports sur l’élaboration et les résultats de la mise en œuvre des subventions en fonction des demandes d’informations des parties prenantes, internes et externes, conserver des profils documentaires et des données à jour sur les portefeuilles des subventions et les programmes par pays, afin de couvrir les trois maladies;
– Représentation du Fonds mondial: gérer les partenariats, les discussions et la diffusion d’informations dans les pays (État, organisations non gouvernementales, organisations multilatérales, secteur privé, etc.) en encourageant les interventions appropriées et en mobilisant des efforts de grande ampleur dans les pays concernés; favoriser l’existence de CCM efficaces et actives, en garantissant une gouvernance adaptée des programmes;

– Politique et stratégie: contribuer à l’élaboration de la politique et de la stratégie de l’organisation, l’élaboration des politiques opérationnelles, des procédures et des outils;
– Soutien et supervision: soutenir les événements et les initiatives prises par l’équipe du pays, notamment la préparation des budgets et des plans de travail, et superviser le personnel affecté.
A suivre…
Ramata Diaouré

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