Décidément, on sent le feu aux abords des maisons.
Au lendemain des événements du 22 mars 2012, les maliens, la classe politique, les intellectuels, les leaders religieux, les élèves et étudiants, les hommes d’affaire, les paysans, étaient unanimes que l’Etat avait failli. La corruption, la gabegie financière, le népotisme, le favoritisme, les intérêts sordides étaient devenus la règle et l’orthodoxie, l’exception. Ce qui a permis de donner une certaine légitimité au coup d’Etat. En effet, les masses populaires, assoiffées de justice, d’équité, d’égalité, de paix, de sécurité de civisme et même de considération, ont applaudi des mains et des pieds le renversement du régime. Les auteurs du putsch étaient ainsi devenus leurs idoles. Et le malin IBK pouvait profiter de son stratégique flirt avec les putschistes pour fabriquer son futur électorat, la suite est connue…le plébiscite.
Cependant la chaise des putschistes était trop musicale et éjectable, mais pas autant que les bérets rouges pouvaient l’imaginer. Mais ceux-ci ne le crurent qu’après l’avoir essayé et en appris à leurs dépens. Et ça y est, le casting du couloir d’exécution et de l’escadron de la mort pouvait commencer. 21 bérets rouges sont présumés exécutés. Mais combien de bérets verts y sont tombés ? Cas n’en est même pas fait. Les forces armées et de sécurité du Mali perdirent ainsi leur deuxième front, celui du sud (Kati et l’ORTM) qu’elles ont ouvert par leur égo et non dans les intérêts du peuple malien, au même moment qu’elles perdaient celui du nord.
N’ayant pu être à la hauteur des attentes des maliens, le Général SANOGO et ses acolytes sont poussés à la sortie. Ils auraient dû savoir limiter le plaisir. Et leurs têtes sont réclamées par des dignitaires du régime ATT, notamment le FDR. Ils ont eu à moitié gain de cause, SANOGO et les siens sont arrêtés le 27 novembre 2013 et attendent d’être traduits devant le juge, sans que ses fans ne crient à la chasse aux sorcières.
Mais les ATTetistes n’ont pas attendu ce stade pour dénoncer à corps et à cri, l’annonce d’une éventuelle procédure contre leur mentor.
Leur principale ligne argumentaire est l’inopportunité de la procédure eu égard aux priorités de l’heure, la très sensible question de Kidal.
Ce qui laisse perplexe tout observateur de la scène politique malienne sur ce que veulent réellement les maliens : un Etat de droit ou un Etat de non droit ?
En effet, un Etat de droit voudrait dire que nul n’est et ne sera au dessus de la loi. À peine a-t-on lancé le processus de la procédure (car la procédure à proprement parler, n’est pas encore lancée, il faudra attendre le vote des 2/3 des députés de l’Assemblée Nationale), ceux qui se sentent morveux se sont mouchés. Une procédure judiciaire aboutit à un procès dont l’objet est la manifestation de la vérité. A leur place, tranquille avec ma conscience, ne me reprochant rien, j’allais avoir hâte de vivre ce procès comme étant une occasion inouïe de convaincre les maliens du bien fondé de mon innocence, étant donné que tous les droits de la défense seront garantis y compris les sacro-saints principes du contradictoire et de la présomption d’innocence. Mais hélas, tout le monde crie au scandale comme si c’est un verdict donné sans procès préalable.
Cette procédure est tout simplement l’application du droit. Elle permettra d’ailleurs de situer toutes les responsabilités au delà même de la seule personne d’ATT et ainsi à beaucoup d’autre qui seraient soupçonnés à tord par les rumeurs de la place publique d’être blanchis.
S’agissant de la comparution personnelle de l’ex-homme fort de Bamako, il pourrait être extradé si jamais par manque de confiance en soi, il refusait de comparaitre d’office. Car, entre le Mali et le Sénégal il existe un accord de coopération judiciaire depuis 1965. Mais au delà, pour qui connait l’engagement du Président sénégalais, Macky SALL, dans la lutte contre l’impunité et la corruption, tout porte à croire qu’il ne s’opposera pas à cette extradition, si elle était demandée et si la procédure était lancée et s’il existait des indices graves et concordant de nature à motiver l’inculpation d’ATT.
Parlant de l’opportunité de la procédure, pour ce qui ne le savent pas, un gouvernement c’est plusieurs départements ministériels, chargés chacun d’une ou de plusieurs missions bien déterminées sans chevauchement de compétence d’attribution.
Alors, question : faut-il arrêter de manger, de soigner les malades, d’aller au travail, fermer les universités, etc. pour permettre aux Ministres de la Défense et de la Réconciliation et du Développement du Nord de reconquérir Kidal et de réconcilier les maliens ?
Il y a vraisemblablement une manœuvre dilatoire dans cet argument pour tromper la religion de la justice malienne. Ou encore, la vague d’arrestation de SANOGO et Compagnons n’a-t-elle aucun risque sur la situation actuelle ?
Alors ayons confiance à notre justice tout en restant vigilant en ne lui donnant qu’une seule vitesse et en lui exigeant la garantie des droits de la défense. Notre démocratie y a tout à gagner.
M.D