Irrégularités de plus de 50 milliards FCFA dénoncées devant la justice
Mise à part la vérification de la gestion des fonds du projet d’intervention d’urgence Covid-19 qui a fait l’objet de recommandations et de dénonciations devant la justice, le Vérificateur Général a initié la vérification financière de la gestion des ressources de l’Etat utilisées dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 au titre de l’exercice 2020. Les irrégularités financières, constatées et dénoncées devant la Section des comptes de la Cour suprême et le procureur chargé du Pôle économique et financier près le tribunal de Grande instance de la commune, dépassent 50 milliards de Fcfa. La balle est donc dans le camp de la justice pour la suite logique attendue par les citoyens.
Comme le rappelle si bien le Vérificateur général, en réponse à cette pandémie de la Covid-19, le Mali a adopté son premier plan gouvernemental de préparation et de riposte le 4 mars 2020 avec un financement de 3,3 milliards de Fcfa. Celui-ci a connu une première révision le 10 mars 2020 et a été porté à 5,1 milliards de Fcfa.
Au-delà de ce plan de riposte, précise le Vérificateur général, le Gouvernement a initié un ensemble de mesures destinées à atténuer les impacts socioéconomiques de la pandémie estimés à un montant révisable de 500 milliards de Fcfa. Les partenaires techniques et financiers ont également pris des initiatives visant à soutenir les plans du Gouvernement et activer leurs propres plans ou mécanismes spéciaux d’appuis multidimensionnels à la gestion de la riposte ainsi que la phase de relèvement post-pandémie. Ainsi, pour soutenir ces efforts, la redevabilité des acteurs a été reconnue comme un facteur déterminant dans la bonne gouvernance des structures chargées de la gestion des fonds Covid-19. Et c’est là où gît toute la pertinence des missions de vérification initiées par le Vérificateur général pour voir clair dans la gestion des ressources publiques utilisées dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 au titre de l’exercice 2020.
Pour les irrégularités financières constatées et dont le montant total dépasse 50 milliards de Fcfa, la justice a été saisie concernant la plupart des faits incriminés puisque, conformément à la loi, le Vérificateur général a procédé à leurs dénonciations auprès du président de la Section des comptes de la Cour suprême et du procureur de la République en charge du pôle économique et financier près le tribunal de Grande instance de la commune III de Bamako. La suite, à ce jour, est attendue du côté de la justice qui doit déterminer le niveau de responsabilité de chacun et la qualification des faits reprochés afin de donner une suite judiciaire aux dénonciations.
Ces irrégularités relevées par le Bueu du Vérificateur Général qui les a consignées dans un rapport rendu public concernent :
Président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim) : des marchés d’acquisition de masques par la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim) sans contrat à hauteur de 9 462 500 000 Fcfa et lesdits marchés ont été attribués à des entreprises ivoiriennes ; des droits d’enregistrement et redevance de régulation non exigés par la Ccim pour 378 087 500 Fcfa.
Directeur général du FGSP: il s’agit de montants non déposés dans les banques par le directeur général du Fonds de garantie du secteur privé, à hauteur de 6 500 000 000 Fcfa.
Coordinateur du projet Jigisemejiri : un montant non transféré par le Coordinateur du Projet Jigisemejiri pour un montant de 30 097 471 525 Fcfa ; des dépenses indues effectuées par le Coordinateur du Projet Jigisemejiri pour 25 200 000 Fcfa.
Régisseur du Ministère des Maliens de l’Extérieur ; des dépenses indues effectuées par le Régisseur de la caisse d’avance du Ministère des Maliens de l’Extérieur à hauteur de 436 679 741 Fcfa.
2 ex-ministres : une dépense indue au profit d’un opérateur économique ordonné par un ex-ministre de l’Économie et des Finances et un ex-ministre de l’Industrie et du Commerce pour un montant de 2 085 600 000 Fcfa.
Régisseur du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile : des dépenses irrégulières du Régisseur d’avances du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile pour un montant de 55 090 078 Fcfa.
Primature : Le Régisseur spécial d’avances de la Primature doit répondre de 202 802 875 Fcfa ; sans compter des dépenses non justifiées par le directeur administratif et financier de la Primature.
Pdg de l’Opam : il a payé des contrats non enregistrés occasionnant une perte de recettes pour l’Etat de 20 727 000 Fcfa.
Directeur Général de l’Insp : Il a effectué des dépenses indues à hauteur de 144 630 000 Fcfa.
Médecins-chefs des CSRéf des Communes I, II, III, IV, V et VI du district de Bamako et leurs comptables : des dépenses indues dont le montant total s’élève à 29 400 000 Fcfa.
Médecins-chefs de CSRéf : Banamba (dépenses indues de 1 660 000 Fcfa) Dioïla (1 900 000 Fcfa) Fana (1500 000 Fcfa) et Kalabancoro (3 270 000 Fcfa) Kati (1 490 000 Fcfa) Kolokani (1 310 000 Fcfa) Koulikoro (1 040 000 Fcfa) Niono (1 350 000 Fcfa) Sikasso (1 825 000 Fcfa) Bougouni (2 173 742 Fcfa) Anderamboukane (1 800 000 Fcfa).
Directeurs généraux d’hôpitaux: CHU du Point G (dépenses indues de 24 320 800 Fcfa) CHU Gabriel Touré (100 551 667 Fcfa) Hôpital de Kayes (utilisation irrégulière de pièces comptables pour justifier des dépenses de carburant et de gardiennage à hauteur de 18 985 680 Fcfa et des dépenses indues pour un montant de 21 156 000 Fcfa) DG du CHU Bocar Sall de Kati (dépenses indues à hauteur de 88 953 387 Fcfa) Hôpital du Mali (dépenses indues à hauteur de 53 411 000 Fcfa) hôpital de Sikasso (l’autorisation d’un payement irrégulier d’indemnités à hauteur de 2 940 000 Fcfa et des dépenses indues de 9 346 180 Fcfa ) Hôpital Nianankoro Fomba de Ségou (dépenses indues de 10 376 750 Fcfa) Hôpital de Mopti (des dépenses indues effectuées pour 24 335 000 Fcfa) .
Directeur Général du Centre de recherche et de lutte contre la Drépanocytose : des dépenses indues effectuées pour un montant de 3 900 000 Fcfa.
Directeur régional de la Santé de Kayes : dépenses indues effectuées à hauteur de 4 810 000 Fcfa.
Régisseur de la Direction régionale du Budget de Sikasso : utilisation irrégulière de Bon de caisse pour un montant de 12 233 362 Fcfa.
Médecins-chefs de CSRéf et leur comptable : Kayes (des dépenses indues effectuées pour un montant de 1 080 000 Fcfa) Kita (des dépenses indues effectuées pour un montant de 871 000 Fcfa) Koutiala (3 347 520 Fcfa) Ansongo (228 000 Fcfa) Bourem (222 000 Fcfa) Almoustarat (228 000 Fcfa).
Directeurs régionaux de la Santé: Ségou pour des dépenses indues de 6 299 460 Fcfa ; Sikasso pour 4 422 627 Fcfa ; Tombouctou et Kidal pour un montant total de 74 780 000 Fcfa ; Koulikoro : des dépenses indues effectuées pour 15 484 003 Fcfa.
Edm-sa : surplus de facturation payés à l’Edm-sa sur la gratuité de consommation à hauteur de 760 177 650 Fcfa.
Agents des impôts : minoration de droits d’enregistrement et de redevances de régulation sur des contrats conclus par l’Opam pour un montant de 27 381 557 Fcfa.
Comme une tontine nationale :
Comme on le voit, la gestion des fonds Covid19, au vu des innombrables irrégularités constatées par le Bureau du Vérificateur Général, renvoie donc à une tontine à ciel ouvert où chacun se sert, selon son tour et à qui mieux-mieux.Si certains des responsables des faits incriminés sont toujours à leur poste, d’autres, au contraire, ont été relevés ou appelés parfois à des fonctions plus juteuses. Raison pour laquelle, il faut savoir distinguer l’auteur des faits ciblés d’un quelconque occupant du poste de responsabilité cité car les hommes passent, mais l’Administration demeure.
Amadou Bamba NIANG