La corruption gagne du terrain et les gouvernements africains sont impuissants à enrayer le phénomène, d’après un sondage d’opinion mené par Afrobaromètre pour Transparency International (TI) dont les résultats ont été présentés le 1er Décembre 2015. Le constat est amer et sans appel: 75 millions d’Africains ont versé un pot-de-vin au cours de l’année dernière.
Une majorité d’Africains déclare en effet que la corruption a progressé au cours des 12 derniers mois et juge que la plupart des gouvernements ne remplissent pas leurs obligations pour enrayer les abus de pouvoir, la corruption et les ententes secrètes.
Dans le cadre du rapport People and Corruption: Africa Survey 2015 du Baromètre mondial de la corruption, Transparency International s’est associé à Afrobaromètre, qui a interrogé 43 143 personnes, dans 28 pays d’Afrique subsaharienne, entre mars 2014 et septembre 2015 sur leurs expériences et perceptions de la corruption dans leur pays.
58 % des Africains sondés affirment que la corruption a augmenté au cours des 12 derniers mois. Dans 18 pays, la grande majorité des personnes interrogées considère que le gouvernement de leur pays ne fait pas correctement son travail en matière de lutte contre la corruption. Malgré ces conclusions décevantes, quelques pays se distinguent, dont le Botswana, le Burkina Faso, le Lesotho et le Sénégal.
Pour la 1ère fois, les personnes interrogées ont déclaré qu’elles percevaient les dirigeants d’entreprises comme hautement corrompus. Le monde des affaires est classé comme le 2ème secteur affecté, juste après la police, régulièrement évaluée comme fortement corrompue.
Les populations défavorisées subissent de plein fouet le poids de la corruption quand elles tentent d’avoir accès aux services publics de base. 22% des gens qui ont été en contact avec un service public au cours des 12 derniers mois ont versé un pot-de-vin.
Sur les six principaux services publics enquêtés, ce sont les tribunaux et la police qui sont les plus dénoncés. Respectivement 28 % et 27% des personnes qui ont eu un contact avec ces services ont versé un pot-de-vin.
Sur tout le continent, les pauvres ayant recours aux services publics sont deux fois plus susceptibles que les riches de verser un pot-de-vin et, dans les zones urbaines, ils sont encore plus susceptibles d’en payer.
L’enquête indique également que les mécanismes de dénonciation de la corruption sont souvent perçus comme trop dangereux, inefficaces ou peu clairs. Plus de 1 Africain sur 3 pense qu’un lanceur d’alerte s’expose à des conséquences négatives s’il dénonce ces pratiques de corruption, ce qui est la raison pour laquelle la plupart des gens ne le font pas.
«La corruption crée et alimente la pauvreté et l’exclusion. Alors que des individus corrompus, qui jouissent d’un pouvoir politique, mènent un train de vie somptueux, des millions d’Africains sont privés de la satisfaction de leurs besoins fondamentaux comme l’alimentation, la santé, l’éducation, le logement, l’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires.
Nous appelons les gouvernements et les juges à venir à bout de la corruption, à mettre un terme à l’impunité et à mettre en œuvre l’Objectif 16 des Objectifs de développement durable édictés par les Nations unies, visant à réduire la corruption. Il est temps de dire ça suffit et de démasquer les corrompus», a déclaré José Ugaz, Président de Transparency International.
Sur la base de ce travail minutieux, TI fait des recommandations, dont, entre autres: l’obligation pour les gouvernements de renforcer et de faire respecter la législation applicable aux hommes d’affaires corrompus et à la lutte contre le blanchiment d’argent, pour juguler le volume élevé des flux illicites en provenance du continent et de manifester un engagement profond et durable pour agir contre la corruption à tous les niveaux de la police, en conjuguant mesures punitives et changements structurels à court et moyen terme.
Ramata Diaouré (Avec TI)