A travers son rapport rendu public la semaine dernière, la mission de vérification financière et administrative 2020 du Bureau du vérificateur général a constaté des irrégularités financières estimées à plus de 830 millions de FCFA.
De par sa mauvaise gestion, l’Office des produits agricoles du Mali (Opam) est régulièrement cité dans les différents rapports du Vérificateur général de ces dernières années.
La présente vérification financière,qui porte sur la gestion de l’Office des produits agricoles du Mali (Opam) au titre des exercices 2016, 2017, 2018 et 2019 (31 août), est aussi accablante que les précédentes. Elle révèle que la régularité et de la sincérité des
opérations de recettes et de dépenses ainsi que du respect des conditions d’emploi du personnel en stage de qualification ne sont pas au rendez-vous.
Au titre des irrégularités financières
Dans le présent rapport, le tableau dressé au compte de l’Opam est sombre. Le montant total des irrégularités financières s’élève à 830 438 105 FCFA.Ces irrégularités sont détaillées par le bureau du vérificateur général ainsi qu’il suit :la Directrice financière et comptable n’effectue pas un suivi régulier du recouvrement des frais de location des magasins. Des locataires de magasins ont cumulé des retards de paiement des frais de location et les dossiers correspondants n’ont pas été transmis au service chargé du contentieux en vue d’engager la procédure contentieuse. Suite aux travaux de la mission de vérification, la Directrice financière etcomptable a recouvré, à travers les services d’un huissier recruté à
cet effet, un montant total de 19,68 millions de FCFA, soit un restant à recouvrer de 60,91 millions de FCFA.
Les membres de la commission de réception ont accepté 100 425
sacs vides neufs en jute inappropriés pour l’ensachage des céréales pour un montant de 68,79 millions de FCFA. La Direction générale a revendu lesdits sacs pour un montant total de 60,26 millions FCFA, d’où une perte de 8,53 millions de FCFA. Aussi, poursuivra le rapport, la Directrice financière et comptable n’a pas appliqué des pénalités aux fournisseurs qui ont accusé des retards dans la livraison des commandes. Les pénalités non appliquées s’élèvent à 27,25 millions de FCFA sur lesquelles 1,03 million de FCFA ont été régularisés, soit un reliquat de 26,22 millions de FCFA à recouvrer.
La Directrice financière et comptable, précise-t-on, n’a pas reversé l’intégralité des recettes issues des ventes du Stock d’intervention au Secrétariat technique et financier du Dispositif national de sécurité alimentaire (STF/Dnsa). Le montant total des ventes de céréales non reversé au STF/Dnsa durant la période sous revue s’élève à 734,77 millions de FCFA.
Les irrégularités administratives
Il ressort du présent rapportdes dysfonctionnements du contrôle interne. A ce sujet, indique le document, la Direction générale ne dispose pas de manuel de procédures validé par la commission de suivi des systèmes de contrôle interne dans les organismes publics pilotée par le Contrôle général des services publics. Aussi, dénonce le rapport, la Direction générale n’a pas soumis des marchés au visa du Contrôleur financier. Elle a ordonné l’exécution de 71 contrats nonvisés par le Contrôleur financier dont 27 en 2016 et 44 en 2018. Non seulement l’Opam ne dispose pas d’un agent comptable régulièrement nommé, mais aussi son PDG a nommé une directrice financière et comptable assurant les attributions de l’agent comptable, par décision, en lieu et place d’un arrêté conjoint du ministre de tutelle et du ministre chargé des Finances. Comme si cela ne suffisait pas, il a été révélé que la Direction générale ne procède pas au contrôle phytosanitaire des céréales. Elle n’a pu fournir aucun bulletin d’analyse et de vérification d’usage matérialisant l’effectivité du contrôle de la qualité phytosanitaire des céréales achetées pendant la période sous revue. Elle n’a pas prévu de garantie de l’avance
de démarrage dans trois (3) marchés relatifs au transit et au dédouanement de riz. Elle n’a pas également procédé à une mise en concurrence des fournisseurs lors du transport des céréales du Stock national de sécurité des exercices 2016 et 2018 ainsi que lors des achats des biens de l’Opam. Elle n’a pu fournir aucune preuve justifiant la mise en concurrence dans le choix des prestataires et fournisseurs retenus.
L’autre manquement est l’absence de mise en place des commissions deréception des céréales du Stock national de sécurité. Les céréales achetés dans le cadre du Stock national de sécurité sont admises en magasin sur la base d’un bon d’achat signé par le magasinier et le représentant du fournisseur en lieu et place d’une commission régulièrement constituée. Aussi, regrette le Vérificateur général, la Direction générale n’a pas soumis des marchés à la numérotation de la Dgmp-DSP. Il s’agit de dix-neuf (19) marchés, dont quatre (4) de 2016 et quinze (15) de 2018, exécutés sur financement de la Banque islamique de développement dans le cadre de la constitution du Stock d’Intervention de l’Etat. La Directrice Financière et Comptable (DFC) n’a pas mobilisé, aux fins d’encaissement, des cautions de bonne exécution des prestataires défaillants dans le cadre de l’exécution des marchés n°19, 21, 22 et 26 de 2017, tous relatifs à la livraison de céréales à l’Opam. La Directrice Financière et Comptable n’effectue pas de suivi régulier des comptes de dépôts à terme de l’Opam dans les différentes banques. En effet, les intérêts sur les dépôts à terme ne sont pas crédités à temps sur les comptes de l’Opam, conformément aux délais des conventions, en l’absence de toute action de la part de l’Opam.
Pour corriger les manquements, le Bureau du vérificateur général invite le PDG à faire valider le manuel de procédures par la commission compétente ; soumettre les marchés au Contrôleur financier pour visa avant toute exécution ; prendre les dispositions nécessaires pour la nomination d’un Agent comptable conformément à la réglementation en vigueur ; procéder au contrôle phytosanitaire lors de toutes réceptions de céréales
achetées conformément à la réglementation en vigueur ; prévoir dans les marchés une clause relative au paiement de l’avance de
démarrage ; procéder à la mise en concurrence des fournisseurs lors des achats conformément à la réglementation en vigueur ; respecter les modalités de réception des céréales conformément à la réglementation en vigueur. Et à procéder à la numérotation des marchés conformément aux dispositions réglementaires en vigueur.
A la Directrice financière et comptable, le vérificateur général recommande à : mobiliser les cautions de bonne exécution des prestataires défaillants et à suivre régulièrement l’imputation des intérêts des dépôts à termes sur les comptes de l’Office des produits agricoles du Mali conformément aux
conventions en cours.
Les constatations issues de la présente vérification mettent en exergue des
irrégularités administratives et financières. Les irrégularités administratives sont assorties de recommandations tandis que les financières donnent lieu à des transmissions et dénonciations aux autorités judiciaires.
Au titre des irrégularités administratives.
Dénonciation faite au Pôle économique et à la Cour suprême
Au titre de réparation des irrégularités financières, le Bureau du vérificateur a fait une transmission et dénonciation de faits au président de la section des comptes de la Cour suprême et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako, charge du Pôle économique et financier relativement à la non-application des procédures de recouvrement des frais de location des magasins ayant entraîné des retards de paiement des frais de location pour un montant de 60,91 millions de FCFA ; à des pertes dues à la livraison de sacs non conformes pour un montant de 8,53 millions de FCFA ;
à la non-application des pénalités de retard sur des marchés pour un montant de 26,22 millions de FCFA ; au non-reversement des recettes issues de la vente du Stock d’Intervention
pour un montant de 734,77 millions de FCFA.
Oumar KONATE