Dans son édition du mercredi 08 septembre dernier, L’Indépendant attirait l’attention sur les fortes odeurs de magouille qui empestaient l’atmosphère du marché d’acquisition du serveur de la Caisse nationale d’Assurance maladie (CANAM) que le ministère de Sékou Diakité a payé à plus de 1,5 milliard FCFA, alors que l’INPS, une structure du même département ministériel, a acheté quatre serveurs de dernière génération à un peu plus de 200 millions FCFA.
Depuis lors, nous n’avons arrêté de mener des investigations qui ont abouti à la découverte d’un véritable cas de délinquance financière car le serveur présenté comme acquis à 1 571 541 780 FCFA n’a coûté réellement que 360 612 360 FCFA. La différence, soit 1 210 929 420 FCFA a été distribué à des supposés intervenants comme dans une tontine à ciel ouvert. Selon une enquête conduite par un service de renseignement officiel de l’Etat, le ministre Sékou Diakité aurait reçu un virement de 108 millions de FCFA dans une banque de la place, provenant du "Consultant Afrique" du projet et ayant transité par l’une de ses nombreuses associations de soutien à sa future candidature à la présidence de la République en 2012.
La Caisse nationale d’assurance-maladie (CANAM), cette merveilleuse initiative du président ATT pour améliorer les conditions de vie des Maliennes et Maliens, est prise en otage par le ministre du Développement social de la solidarité et des personnes âgées, Sékou Diakité, dont les agissements mettent en péril la viabilité de ce projet. Non seulement le marché d’acquisition du serveur informatique destiné à la CANAM souffre de manipulations financières, mais, en plus, les capacités et performances informatiques du logiciel livré par la société française CEGEDIM souffrent de beaucoup d’insuffisances. A cela, il faut ajouter des blocages administratifs qui font que la CANAM est actuellement sans budget, sans personnel, en un mot sans le minimum opérationnel alors que le chef de l’Etat compte bien sur un démarrage effectif de ses activités dans le plus bref délai.
Il faut rappeler que c’est lors du Conseil des ministres du 7 janvier 2009 que les projets de textes relatifs à la création de cette structure ont été adoptés, faisant de la Caisse nationale d’assurance-maladie un établissement public national à caractère administratif chargé de gérer le régime d’assurance obligatoire, un dispositif innovant et performant pour l’amélioration du système de santé au Mali. La CANAM est chargée, à ce titre, de l’encaissement des cotisations du régime d’assurance-maladie obligatoire; de l’immatriculation des assurés et la mise à jour des bénéficiaires; l’allocution aux organismes gestionnaires délégués des dotations de gestion couvrant leurs dépenses techniques et de gestion courante ; la passation des conventions avec les formations de soins et le suivi de leur déroulement; le contrôle de la validité des prestations et l’établissement des statistiques de l’assurance-maladie obligatoire.
Pour faire face à ses obligations de gestion et surtout pour assurer l’identification, l’immatriculation, la gestion et le suivi des membres devant bénéficier de sa couverture médicale, la CANAM a besoin d’outils de gestion performants dont justement un serveur informatique de dernière génération, pour stocker toutes les données. Cette préoccupation est à la base de l’appel d’offres lancé par le ministère du Développement social. Lors du dépouillement des offres, l’unanimité s’est faite au sein de la commission chargée de cette opération pour écarter l’une des sociétés soumissionnaires, la française CEGEDIM pour défaut de qualification technique.
Seul le ministre Sékou Diakité ne l’entendra pas de cette oreille. Il mettra la pression pour que la CEGEDIM soit retenue. Faute de parvenir à son but, il décidera de déclarer l’appel d’offres infructueux, puis écrira à son homologue des Finances pour lui démander l’autorisation de passer le marché de gré à gré. Dans sa requête, il a sans doute omis de préciser le montant du marché (du moins l’espère t-on) entraînant celui-ci dans une violation flagrante et scandaleuse de la législation sur les marchés publics. Quoi qu’il en soit, le résultat de ce forcing se présente comme suit: le marché est attribué à CEGEDIM pour la faramineuse somme de 1 571 541 780 FCFA.
Sur cette somme, une portion congrue de 360 612 360 FCFA concerne réellement le serveur, soit le logiciel Esquif RO acquis à 196 787 100 FCFA et la plateforme technique qui a coûté 163 825 260 FCFA. Tout le reste, soit 1 210 929 420 FCFA, a été distribué comme suit : plus de 814 millions à titre d’honoraires, 68 millions FCFA de frais de déplacements et d’hébergement, 55 100 388 FCFA de "dépenses de transport aérien entre le siège du consultant en France et le Mali ".
Au chapitre des honoraires aux allures de tontine, le directeur du projet s’octroie 58 052 194 FCFA, le responsable de projet encaisse 141 194 744 FCFA, les deux experts (fonctionnel et technique) se partagent 158 413 615 FCFA, le consultant fonctionnel français crève le plafond avec 259 758 972 FCFA et son homologue malien, appelé "consultant fonctionnel Afrique" a eu droit, dans ce partage de gâteau, a 196 787 100 FCFA. Fait notable: les noms de ces heureux bénéficiaires n’apparaissent nulle part dans les documenst en notre possession. Pourvu seulement qu’ils existent dans la réalité et qu’ils aient perçu les sommes censées leur être destinées.
D’une enquête diligentée par un service de renseignement très officiel de l’Etat, il ressort que sur la première tranche de 600 millions de nos francs débloquée par le Trésor public en faveur de CEGEDIM, 108 millions auraient atterri sur le compte du ministre Sékou Diakité dans une importante banque de la place, après avoir transité par le compte d’une des nombreuses associations mises sur pied par l’interessé pour soutenir sa future candidature à la présidence de la République en 2012. Car, pour ceux qui l’ignorent, le grand rêve de Sékou Diakité, c’est de s’installer dans le fauteuil que le président ATT devra laisser vacant à cette échéance.
Comme si cela ne suffisait pas, le ministre Sékou demande un avenant, pour saigner davantage le trésor public alors que le serveur acquis est du toc. Les techniciens le qualifient même de progiciel qui devient une contrainte pour la CANAM car, pour toute demande d’adaptation, il faut respecter un temps d’analyse et de développement car les données sont envoyées à CEGEDIM, en France, pour traitement. En effet, le progiciel Esquif ne gère que les informations sur les cotisations, mais cela ne permet pas de faire les calculs et les contrôles y afférents. D’autre part, il n’est pas en mesure d’importer et d’exporter des données en fichier plat. Payer plus de 1,5 milliard pour un piètre progiciel, en plein troisième millénaire, il faut être Sékou Diakité pour le faire. L’opération d’achat de serveur, au plan technique, a été un échec car le système est non adapté. Nous espérons bien que l’avenant qu’il a osé demander (entre 150 et 200 millions dit-on) pour réparer les dégâts causés par son incurie ou plutôt sa cupidité ne lui sera pas accordé par l’argentier de la République.
Car, il faut le préciser, l’attention du ministre a été appelé sur le fait que "dans un contexte où le démarrage est imminent, la CANAM ne peut plus se permettre d’attendre des semaines de développement". Mais que peut-il faire d’autre, dans la mesure où la CANAM devient une captive de CEGEDIM par ce marché de serveur. Des techniciens de la CANAM ont même élevé la voix pour dénoncer 12 articles qui posent problème dans le contrat de licence d’acquisition du serveur. Il s’agit des articles 3, 4, 6, 7, 8.1, 9, 12, 13, 14, 17, 18 et 34. Mais le ministre est resté sourd à ces réserves techniques. Plus grave, la CEGEDIM, comme l’ont dénoncé les exploitants du serveur, prétend ne pas être engagée pour assurer la formation des utilisateurs finaux au logiciel, formation qui serait à la charge de la CANAM. En plus, l’interconnexion des sites régionaux de la CANAM n’est pas prise en compte par le contrat d’acquisition du serveur. Pire encore, le serveur de CEGEDIM, ne gère pas les photos donc il faut un autre serveur pour cette opération. Alors pourquoi dépenser plus de 1,5 milliard FCFA de la République pour si peu ?
Ce scandale financier et technique, qui met en péril le bon démarrage de la Caisse nationale d’assurance-maladie, vient s’ajouter à d’autres problèmes qui méritent une intervention urgente et énergique du président de la République, s’il veut voir la CANAM, un projet qui lui est très cher, opérationnel sous peu, tel qu’il le souhaite ardemment. Il s’agit, entre autres, du recrutement du personnel. A ce niveau, le ministère du Développement social avait chargé un cabinet privé de procéder au recrutement des agents, moyennant 14 millions FCFA.
Une violation des textes de la CANAM qui, en tant qu’établissement public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, a la charge de recruter son personnel. Une liste de recrues envoyée par le ministère du Développement social au directeur de la CANAM a été rejetée par ce dernier.
Depuis lors, c’est la guerre déclarée au directeur de la CANAM, Nouhoum Sidibé, que le ministre a tenté de faire remplacer par l’un de ses proches. En attendant, toutes les propositions émanant de la CANAM sont purement et simplement gelées, de sorte que la structure fonctionne sans budget, sans personnel et dans un dénuement criard. En effet, le ministre a opposé une fin de non-recevoir aux propositions de mise à disposition de cadres et techniciens de la Caisse des retraites et de l’Inps pour assurer un bon déroulement des opérations de démarrage en apportant leur expertise.
De sorte que ces derniers, outrés par l’intransigeance du ministre et soucieux de la réussite de ce projet qui tient à cœur ATT, ont décidé, de leur propre chef, d’assurer des prestations bénévoles pour sauver la situation.Le directeur de la CANAM n’a, pour le moment, ni salaire, ni véhicule, encore moins de budget. Pour se déplacer, il est obligé d’emprunter la voiture d’un de ses collaborateurs, qui attend lui aussi son salaire, comme le directeur.
Signalons aussi que des cadres expatriés sont venus de France pour prêter main forte au directeur dans la mise en place de la structure. Ils ne reçoivent, en contrepartie, que des bons de carburant. Dans quelle République ose-t-on encore pérenniser pareilles situations? Tout cela parce, que refusant de se soumettre au diktat de Sékou Diakité qui voulait interférer dans sa gestion et décider de tout, comme cela se fait pour les crédits de la Direction nationale de la protection sociale et de l’économie solidaire.
Un dossier qui devrait intéresser le pôle économique et financeir.
(A suivre)
Amadou Bamba NIANG