L’Indépendant, premier quotidien privé, qui possède sa propre imprimerie, a réalisé en 2009 un CA d’environ un demi milliard de FCFA et s’apprête à emménager dans ses propres locaux dans le quartier ACI 2000, nouveau centre des affaires à Bamako. Saouti Haïdara, Directeur de la publication, met le doigt sur un point noir des années du Président Amadou Toumani Touré (ATT) : la corruption.
Marchés Africains : Quelle est votre ligne éditoriale ?
Saouti Haïdara : Ce journal est animé par un véritable esprit d’indépendance. Avant son lancement, l’équipe dirigeante était à la tête d’un autre journal, Le Républicain, dont Tiébilé Dramé, ancien chef de la diplomatie malienne – dans le gouvernement de transition entre 1991 et 1992 -, leader d’une formation politique connue sous le nom du Parena, était le propriétaire. C’est pour affirmer notre indépendance vis-à-vis des partis et des courants politiques que cette équipe a quitté Le Républicain pour créer L’Indépendant, il y a seize ans. Notre ligne éditoriale est de nous tenir à distance des formations politiques. Cependant, en ce qui concerne les sujets clés, nous ne transigeons pas.
Quand l’intégrité territoriale du Mali est menacée par les rebellions successives que nous avons connues dans le nord du pays, nous affichons un nationalisme clair et intransigeant. Comme nous n’hésitons pas à dénoncer les dérives qui mettent en péril la souveraineté nationale ou en danger le système démocratique du pays en construction, pour lequel le peuple malien a payé le prix fort, ou lorsqu’il y a des atteintes graves aux questions des droits de l’homme…
Dans ces conditions, nous sortons de notre neutralité pour défendre ces valeurs…
M.A : Le règne du président ATT est marqué par une quasi-inexistence de l’opposition, qui se trouve absorbée par ce qu’on appelle, ici, le «consensus». N’êtes-vous pas enclin à incarner l’opposition dans vos colonnes ?
S.H : Je pense que L’Indépendant affiche une ligne assez critique, notamment sur certaines dérives dans la gestion gouvernementale. C’est ce qui fait sa force, et d’ailleurs son audience. Il est admis de façon générale que la corruption a gagné plus de terrain sous l’ère ATT que durant les règnes précédents. Les rapports du Vérificateur Général ont fait ressortir cette année que le manque à gagner pour le Trésor public a été de 112 milliards (Mds) de FCFA. C’est un précédent, alors qu’il y a un ou deux ans, ce manque à gagner se situait autour de 80 Mds.
M.A : Peut-on parler de mauvaise gestion des finances publiques, alors que tout le pays est en chantier?
S.H : En effet, et ce malgré tous les projets mis en chantier par le gouvernement Modibo Sidibé sous les auspices d’ATT. Le Mali entier est en chantier. Il y a des infrastructures économiques socio-sanitaires qui poussent partout : des ponts, des échangeurs, des routes et des projets d’autoroute, c’est un travail remarquable que l’équipe d’ATT a réalisé depuis ces huit années. Mais, parallèlement, il y a des choses à dénoncer, comme la corruption. On constate véritablement une mauvaise gestion des finances publiques et l’on note des détournements de fonds…
Propos recueillis par Christian Lapeyre (Numéro spécial Mali)