Après l’arrestation la semaine dernière des cadres de la Santé de Ségou et Baraoueli, actuellement en détention à Bamako, ce sont ceux du Centre de santé de référence de Kayes (Cesref) qui sont présentement dans le collimateur des juges anticorruption. Ceux-ci veulent, en effet, savoir où est passée, sans laisser de trace, une partie importante (quelque 250 millions F CFA) des subventions que l’Alliance Mondiale pour les Vaccins et l’Immunisation (GAVI) a mise à la disposition des autorités sanitaires de la région pour le financement des activités de vaccination? Le lundi dernier, des cadres de la Santé étaient devant le Pôle économique et financier de Kayes.
Depuis le 18 octobre dernier, date de l’arrivée des enquêteurs du Fonds GAVI dans notre pays, rien ne va plus dans certaines structures sanitaires de notre pays. Et pour cause : l’argent donné au Mali pour financer des activités de vaccination (vaccination de routine, stratégie avancée, etc.), l’achat des intrants, des carnets de vaccination et la prise en charge des vaccinateurs…a été détourné pour construire des villas, des châteaux, des immeubles ou pour acheter de grosses cylindrées afin de narguer les pauvres populations. Ayant fait le constat de ce désastre, le Fonds GAVI a décidé, en août 2009, de geler, dans un premier temps, un financement de 1,5 milliard F CFA destiné à notre pays. Et cela avant l’envoi d’une mission d’enquêteurs afin de voir plus clair dans la gestion des structures qui ont reçu lesdites subventions. En effet, depuis 2000, le Fonds GAVI a injecté plus de 11 milliards F CFA dans les caisses de l’Etat du Mali, à travers le ministère de la Santé.
Arrivés dans notre capitale il y a deux mois, les enquêteurs du Fonds GAVI se sont fait aider par le Bureau du Vérificateur général afin de passer au peigne fin la gestion des services du département de la Santé qui reçoivent leurs subventions. C’est ainsi que l’imperturbable Sidi Sosso Diarra, Vérificateur général, a désigné le brillant Vérificateur Moumouni Guindo pour accompagner cette mission du Fonds GAVI dans son travail. Voilà que ce travail, très méticuleux, est en train de porter ses fruits. Plusieurs cas de détournements ont été décelés. Au Centre de santé de référence (Cesref) de Kayes, par exemple, ce sont quelque 250 millions F CFA, destinés à la vaccination, qui auraient manqué dans la caisse du Fonds GAVI. Ce qui a poussé, le lundi 13 décembre 2010, le Pôle économique et financier de Kayes, à écouter la gestionnaire dudit centre. Le Médecin-chef, qui était en mission en Tunisie, devrait incessamment l’être également puisqu’il est déjà de retour. D’autres responsables de la Santé au niveau de la région seraient également dans l’œil du cyclone de l’Alliance GAVI et du Bureau du Vérificateur général. Il en est de même pour des cadres et agents des services de Santé de Bamako et d’autres localités à l’intérieur du pays. Des gens auraient détourné des sommes importantes comme s’il ne devrait jamais avoir de contrôle. Ni aujourd’hui ni demain. Ces mêmes gens, étant depuis des lustres habitués à carotter la part du Budget national réservée au département de la Santé, dans l’insouciance totale, sont passés, cette fois-ci, à côté, en osant le faire avec de l’argent du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme et du Fonds GAVI destiné à financer la vaccination dans les pays pauvres. Rappelons que le Fonds GAVI et le Fonds mondial sont deux importantes institutions qui reçoivent tous d’importants dons notamment de la Fondation Bill et Melinda Gates.
Des anciens ministres de la Santé concernés par la mauvaise gestion du Fonds GAVI
Récemment Michel Kazatchkine, Directeur exécutif du Fonds mondial, dans une interview à un périodique international fustigeait un vaste système de détournements de ressources du Fonds mondial qui est en train d’être mis au jour au Mali. Pour le premier responsable du Fonds mondial, cela est " absolument décevant, choquant et insupportable. D’autant plus qu’une telle affaire peut nourrir certains esprits critiques à l’égard des politiques de développement. " Voilà que de l’avis des personnes proches du dossier, les détournements au niveau du Fonds GAVI seraient beaucoup plus importants que ceux opérés au niveau du Fonds mondial dans notre pays.
D’après certaines sources, les sommes détournées au niveau de ce Fonds seraient de l’ordre de quelque 6 milliards F CFA. Une somme que l’Etat malien sera obligé de rembourser ; et cela suivant l’accord qui lie notre pays à cette institution internationale. Quant au Fonds GAVI, il est loin d’avoir livré tous ses secrets. Mais au rythme où vont les choses, il n’est pas exclu, selon certaines confidences, que des anciens ministres de la Santé soient également interpellés voire écroués. Car, il semble que des anciens ministres, prédécesseurs de Oumar Ibrahima Touré, se seraient également sucrés sur le dos du Fonds GAVI. Pour le moment les enquêtes vont bon train. Ici à Bamako, des interpellations ne devront plus tarder au vu déjà de l’étendue des détournements et des malversations constatés par l’équipe mixte Fonds GAVI-Bureau du Vérificateur général. Affaire à suivre.
Mamadou FOFANA