Décidément, la justice malienne a juré d’avoir la peau de toutes les personnes impliquées dans le détournement des ressources mises à la disposition de notre pays dans le cadre du Fonds mondial et du Fonds GAVI. En effet, après la démission, sous la pression du Fonds mondial, de Oumar Ibrahima Touré, ancien ministre de la Santé, le 5 décembre dernier, ce sont cinq autres têtes, certes de moindre importance, qui viennent de tomber dans le cadre des enquêtes sur les malversations opérées au niveau du ministère de la Santé.
Il s’agit du Médecin-chef du Centre de santé de référence (Cesref) de Baraouéli, Dr Thierno Boubacar, et de son gestionnaire, Oumar Abdramane Touré ; Dr Issa Ben Zakour, Médecin-chef du Cesref Famory Doumbia de Ségou, de son gestionnaire, Diakalia Diallo et du comptable Guy Traoré. Si les deux premiers sont incarcérés depuis presqu’une semaine à la maison centrale d’arrêt de Bamako, les trois derniers sont encore au niveau du Pôle économique et financier de Bamako, dans les griffes du Procureur anticorruption Sombé Théra.
Leur arrestation fait suite à une mission conjointe Alliance GAVI-Bureau du Vérificateur Général menée dans la région de Ségiou, le 27 novembre 2010.
A la prison centrale de Bamako, les deux infortunés responsables de la Santé de Baraoueli rejoignent ainsi d’autres cadres et agents notamment de la Direction administrative et financière (DAF) du ministère de la Santé et de la Direction nationale de la Santé, incarcérés, pour la plupart, depuis le 4 août 2010. En effet, suite au scandale du Fonds mondial, le Directeur administratif et financier du ministère de la Santé, Ousmane Diarra, et une dizaine de cadres et agents attendent toujours d’être fixés sur leur sort. Avec l’évolution de la situation, suite au changement opéré à la tête du département, ils sont nombreux ceux qui espèrent sur la diligence des juges afin que la vérité puisse éclater au grand jour.
Rappelons qu’en plus des fonctionnaires écroués à la maison centrale d’arrêt de Bamako, il y a également des opérateurs économiques qui sont emprisonnés à cause des marchés fictifs dont ils sont présumés auteurs et cela au détriment du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), financé par le Fonds mondial. L’ancienne Coordinatrice dudit programme, Dr Diallo Halima Nako, est également écrouée depuis le mois d’août dernier à la prison pour femmes de Bollé alors que son ex-adjoint, Mohamed Berthé, croupit à la maison centrale d’arrêt de Bamako-coura. Il leur est reproché d’avoir passé des marchés fictifs évalués à plusieurs centaines de millions de F CFA en complicité avec des opérateurs économiques et, certainement, des hauts cadres du Cabinet de l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré. De sources concordantes, les commissions perçues sur ces marchés fictifs ont été partagées entre des membres du Cabinet de l’ex-ministre de la Santé, des cadres de la DAF et des responsables du PNLT. C’est vrai qu’aujourd’hui certains hauts cadres du Cabinet du ministère de la Santé essayent de se faire passer pour propres dans cette affaire alors que le commun des mortels, en tout cas au niveau de la Santé, sait qu’ils sont loin d’être blancs comme neige. La justice a maintenant les mains libres pour faire éclater la vérité.
L’ancien ministre en très mauvaise posture
Avec l’inculpation plus que probable de l’ancien ministre de la Santé – compte tenu de son supposé degré d’implication dans l’affaire du Fonds mondial et de ses accointances avec un homme d’affaires aujourd’hui incarcéré -, il y a à parier que l’affaire du Fonds mondial connaîtra bientôt une évolution positive. Il est vrai que, Oumar Ibrahima Touré, ressortissant de Goundam, n’est pas le seul à avoir bâti un château et des villas. D’autres responsables de la Santé auraient aussi magouillé sur les ressources de ce département pour construire château et villas, ici même à Bamako. Ceux-ci seraient déjà dans l’œil du cyclone dans le cadre des enquêtes sur les détournements des subventions du Fonds mondial et du Fonds GAVI et de la récupération des biens mal acquis. Il y a également un ancien ministre de la Santé qui aurait eu à attribuer, en l’antidatant, un marché de moustiquaires imprégnées d’un montant de 800 millions de F CFA alors même que le gouvernement avait démissionné. C’est dire que le ministre en question voulait, coûte que coûte, partir avec sa commission. Ce qui a été fait, selon nos sources. Cet argent n’a-t-il pas servi à construire son château digne d’un prince arabe ? En tout cas, l’opérateur économique qui a bénéficié du juteux marché continue toujours à avoir ses entrées au ministère de la Santé où il vient récemment de se faire octroyer un marché de 100 millions de F CFA sur entente directe. C’est vrai que cette affaire est encore loin d’avoir livré tous ses secrets. Et cela en dépit des multiples tentatives de l’étouffer. La justice ira-t-elle jusqu’au bout ou va-t-elle s’arrêter en si bon chemin ? Comme on a l’habitude de le voir dans notre pays. En tout cas, les personnes incarcérées depuis plusieurs mois espèrent pouvoir, le plus rapidement possible, recouvrer la liberté ou voir leurs complices les rejoindre là où ils sont. Et cela quel que soit leur ancien statut. Afin qu’éclate toute la vérité.
Affaire à suivre.
Mamadou FOFANA