Au Mali, depuis les premières années de l’indépendance l’Etat a mené plusieurs actions tant sur le plan politique que sur le plan normatif pour lutter contre la corruption. Ainsi, sous les deux premières Républiques, les actions menées sur le plan normatif ont conduit à la qualification de la corruption comme crime d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, relevant exclusivement de la compétence de la Cour Spéciale de la sûreté de l’Etat, juridiction d’exception.
A l’avènement de la troisième République, un souffle nouveau a été donné à la lutte contre la corruption, quand en 1999, celle-ci fut retenue comme thème central de la Rentrée des Cours et Tribunaux. La poursuite de cette dynamique a abouti à une vaste reforme législative et institutionnelle ayant amenée l’Etat du Mali à faire le choix d’une approche globale. Cette nouvelle politique pénale, tout en plaçant la corruption au centre du combat, l’appréhende en même temps dans sa corrélation avec les autres infractions ressortissantes en matière économique et financière. Ce dispositif normatif et institutionnel se présente ainsi qu’il suit :
Au titre de l’incrimination
La corruption des fonctionnaires et des employés des entreprises privées est prévue par de peines criminelles, tout comme le trafic d’influence par les articles 120 à 123 du Code Pénal et dévolue à la censure de la Cour d’Assisses, la Cour Spéciale de la sûreté de l’Etat ayant disparu. Aussi, les inculpations relatives à toutes les atteintes aux biens publics, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le favoritisme, le blanchiment de capitaux, le recel, la coaction et la tentative ont été pris en compte par le Code Pénal et la loi 06-0066 du 29 décembre 2006, portant loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux. Cette politique intègre par ailleurs toutes les incriminations définies par le Code de commerce, le Code des Douanes, le Code des impôts, la Loi des finances et de la comptabilité. Cet arsenal est renforcé : par la loi n°25 du 23 juillet 2008, portant répression du Terrorisme au Mali. Cette loi détermine et réprime les actes du Terrorisme et le financement du terrorisme. En effet, il est constant que la corruption est au centre des activités des organisations terroristes. Celles-ci usent d’actes de corruption pour obtenir des faux documents de voyage et pour utiliser le système financier international, aux fins de blanchiment des capitaux devant servir à alimenter la terreur. Cette loi dispose que les infractions terroristes sont des crimes imprescriptibles punis de la réclusion criminelle à perpétuité ou de la peine de mort.
La loi 050 du 12 novembre 2004 régissant les armes et munitions en République du Mali. Le commerce des armes est un secteur ou les pots-de-vin sont fréquents. Ainsi, les organisations terroristes versent des bakchichs aux autorités pour faciliter l’achat et l’expédition des armes.
La loi n° 01-078 du n18 juillet 2001 portant sur le contrôle des drogues et des précurseurs. Corruption, trafic de drogues, blanchiment de capitaux, terrorisme et trafic d’armes sont intimement liés. Cette loi cerne tous les contours de cette corrélation et constitue l’un des textes les plus accompli de notre arsenal répressif. Au vu de tout ce qui précède, il apparaît que notre disposition répressive a déjà pris en compte plusieurs aspects prévus par la convention des Nations Unies contre la corruption aux agents étrangers et aux fonctionnaires des organisations internationales. Aussi, l’enrichissement illicite devra être rétabli en tant qu’infraction autonome et la responsabilité pénale des personnes morales insérées dans l’arsenal répressif.
Au titre de la prévention
Le Mali dispose de structures compétentes en matière de prévention et de détection de la corruption. Il s’agit notamment des inspections des Départements Ministériels, du Contrôle Général des services Publics ; de la Cellule d’Appui aux structures de Contrôle de l’Administration ; du Vérificateur Général ; de la Direction Générale des Marchés Publics et des Délégations de Service Public ; de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics et des Délégations de Service Public.
Les actes d’inspections de contrôle ou de vérification que ces structures posent permettent de prévenir la corruption et les infractions dont elles ont connaissance dans l’exécution de leurs missions doivent être par elles dénoncées au Juge de Paix à compétence Etendre ou au Procureur de la République suivant les prescriptions de l’article 58 du Code de Procédure Pénale.
Parmi ces structures, il convient de noter que le Vérificateur Général répond aux caractéristiques de l’organe défini par le chapitre II de la Convention des Nations Unies contre la corruption en ce qu’il s’agit d’une autorité indépendante exerçant ses fonctions à l’abri de toute influence indue et dont les rapports sont rendus publics.
Au titre de la répression
Les structures compétentes en matière de répression de la corruption et des infractions économiques et financières sont : La Direction Générale des Douanes, la Direction Générale des Impôts, la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence ; tous les services actifs de Police Judiciaire de la Gendarmerie Nationale et de la Police Nationale ; les Pôles Economiques et Financiers
Parmi ces structures, les Pôles Economiques et Financiers tiennent une place de choix institués dans le ressort de chacune des trois (03) Cours d’Appel du Mali par la loi 080 du 20 août 2001 portant Code de Procédure Pénale. Ils sont compétents pour connaître de la poursuite et de l’instruction des infractions relatives à la corruption et toutes celles ressortissantes à la matière économique et financière.
Est-il besoin de rappeler que la corruption fragilise la démocratie et l’Etat de droit. Elle fait reculer les droits de l’homme et les libertés individuelles. Au Mali, il est difficile d’en faire une évaluation exhaustive parce qu’ici comme par tout ailleurs, la corruption est souterraine, dissimulée et cachée.
Birama Fall
Source : Revue de droit de l’Institut
National de Formation Judiciaire