S’il y a un domaine dans lequel l’insuccès, sinon l’échec, du gouvernement de Modibo Sidibé est le plus visible, c’est indéniablement la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Véritables fléaux qui empoisonnent la vie socio-économique de notre pays, la corruption et le détournement de deniers publics, de la part notamment de l’élite politico-administrative, ont, au vu de la mollesse de la lutte engagée contre ces maux, de beaux jours devant elles. La sortie médiatique, le jeudi dernier, de trois membres du gouvernement pour commenter le " Rapport de mise en œuvre des recommandations du Rapport 2009 du Bureau du Vérificateur Général " a laissé plus d’un Malien sur sa faim. En un mot, les ministres envoyés, par le Premier ministre, Modibo Sidibé, pour éclairer la lanterne de l’opinion n’ont pas été du tout convaincant.
Si le Vérificateur Général, Sidi Sosso Diarra, était présent à la conférence de presse, hyper médiatisée, du gouvernement, on aurait certainement assisté à un échange fructueux avec la presse et les membres de la société civile qui avaient, eux aussi, fait le déplacement en masse pour cette rencontre, première du genre de la part du gouvernement, autour d’un rapport du Bureau du Vérificateur Général (BVG).
Si d’entrée de jeu, les organisateurs ont focalisé le débat sur les sseules questions relatives au " Rapport 2009 " du BVG, c’était certainement pour ne pas aller au-delà, pour éviter d’affronter des questions beaucoup plus dérangeantes. Car, les cas de corruption les plus gravissimes ne se retrouvent même pas dans le " Rapport 2009 " du BVG. Certains journalistes auraient, si le débat avait concerné le cadre global de la lutte contre la corruption dans notre pays, souhaité demander quelle suite a-t-elle été donnée au scandale du Fonds mondial, par exemple, considéré comme la plus grosse affaire de délinquance financière durant les cinquante ans du Mali. En plus de cela, il y a plusieurs autres affaires de détournement de deniers publics ou d’achat de centaines d’hectares de domaine à Sanankoroba, par exemple, et ailleurs par des ministres et autres barons de l’Etat. Avec naturellement, les ressources issues de l’attribution de marchés publics sur le dos du contribuable malien.
Ce n’est plus un secret au Mali, les marchés publics, même ceux entrant, par exemple, dans la construction de Centres de santé de référence (Csref) ou d’hôpitaux, sont surfacturés à hauteur de plusieurs centaines de millions de F CFA. Un Csref qui a coûté au Budget national 700 millions de F CFA ne vaut, en réalité, que moins de 500 millions si on enlève la part réservée aux chefs et démarcheurs. La différence, dans la plupart des cas, étant partagée entre le ministre et des cadres de la DAF (actuel DFM). Et cela est connu de tous, mais les autorités ne font rien, ou presque, pour que cette pratique cesse. En la matière, l’opinion en sait certainement plus que le gouvernement lui-même. Raison pour laquelle, ces exercices de communication, à l’instar de la conférence de presse du jeudi dernier, d’ailleurs mal préparée, ne peuvent redorer un blason déjà assez terni. Surtout que c’est une sortie médiatique tardive qui a donné l’impression, à l’opinion publique, que le gouvernement voulait régler ses comptes avec le Vérificateur Général et cela à quelque deux mois de la fin de sa mission.
Le talon d’Achille du gouvernement
Les 112 milliards de F CFA, que le BVG a qualifiés, dans ses différents Rapports, de " manque à gagner " sont, en réalité, manquants dans les caisses de l’Etat. Et c’est cela qui compte le Malien moyen. Que des pièces n’aient pas été retrouvées ou que les agents chargés de cela soient en mission à l’extérieur au passage du BVG, cela n’a pas assez d’importance pour l’opinion publique. Qui, il faut le souligner, a déjà fait sa religion par rapport au terme, qui semble déranger le gouvernement, de " manque à gagner ".
Les Maliens savent pertinemment que le véritable talon d’Achille du gouvernement conduit par Modibo Sidibé est sa faiblesse avérée dans la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics. Si, comme l’a si bien dit le ministre délégué chargé du Budget, Lassine Bouaré, le " Gouvernement est d’abord redevable devant le contribuable malien ", force est, cependant, de reconnaître que celui-ci ne sent pas assez les efforts menés dans le combat contre ces fléaux que sont la corruption et le détournement à la pelle des deniers publics.
En plus de cette morosité des pouvoirs publics en la matière, il y a une totale impunité, dont bénéficient les auteurs de corruption et de délinquance financière, qui prise avec toute volonté allant dans le sens d’une véritable lutte contre ces fléaux. Pourtant décriés à longueur de journée par les autorités. Mais pour quels résultats ? A suivre.
Mamadou FOFANA
“