Lutte contre la corruption et la délinquance financière : Quand la CASCA prouve les limites de la méthode ATT

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Inexistence de pièces justificatives des dépenses, de bordereaux de livraison, de signatures sur des ordres de mission, d’émargement ;  mauvaise tenue de la comptabilité générale et matières, du livret de la caisse, des archives ", etc. Voici entre autres "peccadilles" administratives à l’origine de grandes corruptions et de faits avérés de délinquance financière. Des fautes qui, hélas passent sous silence puisque n’ayant apparemment aucune corrélation avec les cas de  détournement. Seulement apparemment ! Dans les faits, il existe un rapport très étroit entre ces violations des règles de procédures et les cas avérés de corruption et de délinquance financière. Nous avions soumis le rapport de la Cellule d’Appui aux structures de contrôle de l’administration (CASCA) à des spécialistes bien avisés,… Edifiant ! Le document met à nu les insuffisances et les limites de la méthode ATT dont le plus grand reproche consiste seulement à faire faire rembourser  les montants détournés par les auteurs avérés de délinquance financière et de corruption et de laisser la faute impunie. Une manière d’encourager la pratique. De ce point de vue, le style ATT serait même de nature à favoriser le phénomène.  

Nous avions adopté une méthodologie assez simple : la synthèse du rapport tel que publié par ses auteurs suivie de nos commentaires. 

Programme National de Lutte contre la Pratique de l’Excision (PNLE)Période de 2002 à 2006

1 – la non mise en application du plan d’action chiffré à 1,121 milliards FCFA ;

2 – des insuffisances de conception et d’exécution des autres plans d’action;

3 – la concentration des dépenses au niveau central ;

4 – l’inexistence d’un système de suivi de l’exécution du budget ;

5 – la non disponibilité des demandes de fonds ;

6- l’inexistence des fiches de décharge ;

7 – l’inexistence des pièces justificatives des dépenses.

Nos Commentaires

Le 4ème point (l’inexistence d’un système de suivi de l’exécution du budget) atteste qu’il n’existe pas procédures de suivi et d’exécution du budget. En clair, les dépenses sont exécutés et puis, plus rien.

La preuve de cette assertion nous est fournie par les points  6 et 7: "l’inexistence des fiches de décharge ;  l’inexistence des pièces justificatives des dépenses ". L’on se contente juste de dépenser  sans s’embarrasser des questions de justifications.  Un véritable abreuvoir !

Une situation qui n’est pas sans conséquences sur le regard déjà critique des religieux sur cette structure, laquelle à leur avis a été conçue sous l’impulsion des " Croisés " (les adeptes de la Croix)  dans le but de " conditionner " les décideurs et cadres maliens afin de les combattre  dans leur foi et leur religion.

Direction des Domaines et du Cadastre du District de Bamako Période de 2005 à 2006

1 la non mise à jour des livres fonciers pour les cessions et les morcellements des titres initiaux ;

2 – le non fonctionnement de certains services de la Direction Nationale ;

3 – l’inexistence de documents sur le cadastre ;

4 – la non mise à jour des dossiers techniques et du fichier informatique des plans ;

5 – le manque de suivi des contrats de bail ;

6 – la mauvaise tenue des quittanciers ;

7 – l’inexistence de mention explicite concernant l’arrêt des quittanciers de la Recette Générale du District ;

8- Retard dans la signification des versements directs au Trésor ;

9 – la non-conformité de l’organisation actuelle de la Direction des Domaines et du Cadastre du District (DDCD) aux dispositions du décret n°544 du 01 novembres 2000 ;

10 – la mauvaise tenue des registres et des dossiers des titres provisoires ;

11 – l’inexistence de texte fixant le taux des frais de transfert des concessions rurales ;

12 – la non exhaustivité des situations mensuelles des taxes de délivrance des concessions urbaines d’habitation (CUH) transmises par les antennes au Bureau Spécialisé ;

13 – le faible niveau d’informatisation de la Direction Nationale des Domaines et du Cadastre (DNDC) et de la Direction des Domaines et du Cadastre du District (DDCD).

14 – la minoration des prix de cession en violation du décret n°02-114P-RM du 06 mars 2002 pour un montant évalué à 571.923.177 FCFA ;

15 – le non recouvrement des redevances annuelles relatives aux baux pour un montant de 900.952.088 FCFA ;

16 – la non taxation des plus values immobilières réalisées par les particuliers en violation de la loi n°02-005 du 10 janvier 2002.  

Nos  Commentaires :

Et voilà ! L’on comprend aisément l’équation du foncier dans le district de Bamako. Pas de  cadastre ! Le cadastre se définit comme le Registre public contenant le relevé des propriétés foncières et le nom des propriétaires. Ici, on indique tout simplement qu’il n’existe pas de documents en la matière (Point 3). La confusion est délibérément entretenue dans le seul but d’en tirer profit. Les Points 1, 4  et 10 attestent de la mauvaise foi des agents et cadres concernés, à savoir : " la non mise à jour des livres fonciers pour les cessions et les morcellements des titres initiaux ", "la non mise à jour des dossiers techniques et du fichier informatique des plans", "la  mauvaise tenue des registres et des dossiers des titres provisoires". Les plus nantis continueront donc toujours à spolier les moins fortunés.

 Ce ne sont pas seulement les pauvres qui pâtissent des dysfonctionnements volontairement entretenus. L’on ne se donne pas la peine de recouvrer ses dus souvent en violation flagrante de la loi (Points 14,15 et 16).  

DAF du Ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières

Période de janvier 2004 à décembre 2005

1 – le mauvais archivage des documents comptables et financiers ;

2 – l’inexistence de bordereau de livraison pour les achats de fournitures ;

3 – l’inexistence de signature sur des ordres de mission ;

4 – le non émargement des états de paiement des perdiems ;

5 – le non respect des dispositions du manuel de procédures dans l’exécution des dépenses ;

6 – le non appel à la concurrence pour les dépenses de fonctionnement d’un montant de 90.423.703 FCFA ;

7 – le fractionnement de marchés pour un montant cumulé de 52.077.433 FCFA en violation des dispositions de l’article 4 du Code des marchés publics ;

8 – la non certification des pièces justificatives des dépenses par le comptable matières;

9 – la modification des prix en cours d’exécution des marchés à commande;

10 – l’inexistence des pièces justificatives des marchés ;

11 – l’exécution partielle d’un marché non encore attribué ;

12 – l’attribution irrégulière de marchés au plus disant ayant occasionné un manque à gagner de 13.051.400 FCFA.

Nos  Commentaires :

Tous les indices de la corruption et de la délinquance financière sont ici présents : Fractionnement des marchés (P.6 et 7), leur attribution irrégulière (P12), leur exécution partielle alors même qu’ils ne sont  pas encore attribués (P11); le non appel à concurrence (P.6). Bref, " le non respect des dispositions du manuel de procédures dans l’exécution des dépenses (P.5).

 Il s’agit de fautes graves à l’origine de la concurrence déloyale. Tout cela, moyennant le payement de ristournes (les fameux 10 %, voire plus) de la part de l’heureux bénéficiaires  desdits marchés. Encore heureux si les commandes ont été effectivement honorées et correctement exécutées. Et pour cause, il n’existe pas de  bordereaux justifiant les livraisons (P.2). En somme, il n’existe pas de preuves d’achat de fournitures, alors que les décaissements ont été bien effectués.  C’est la corruption à ciel ouvert !

Même scénario pour les autres dépenses (Frais de mission, perdiems…). En clair, des montants  sont décaissés pour des charges fictives, puisque ne comportant pas de signature (P.3 et 4).

Ministère du Logement

1 – le non respect des critères d’éligibilité et des sous critères d’attribution se traduisant par :

" le respect des conditions d’éligibilité par 2 074 bénéficiaires sur les 3152 logements attribués,

" sur les 2074 bénéficiaires, 979 ne respectent pas les sous critères d’attribution,

" l’attribution à un même candidat, de deux logements dans deux programmes distincts dans le District de Bamako ;

2 – l’existence d’impayés de 876.046.488FCFA ;

3 – le taux de remboursement d’ordre de 83 % contre un taux d’impayé de 17 % au 31 décembre 2006 ;

4 – l’inexistence d’information sur la situation des remboursements des 1.325 logements sociaux bien que les paiements aient commencés depuis le mois de juillet 2007.

Nos Commentaires :

Au cas où vous n’auriez pas remarqué la subtilité : cette rubrique concerne les logements sociaux, une initiative personnelle du président de la République. Dans le titre, les auteurs du présent rapport parlent d’un prétendu " Ministère du Logement ". Un tel département n’existe pas au Mali dans la configuration actuelle du gouvernement. La gestion des logements relève plutôt du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat à travers l’Office Malien de l’Habitat. Un hiatus délibéré ?  Allez savoir !

Le Rapport nous apprend un véritable secret de Polichinelle : non respect et respect sélectif des critères d’éligibilité; acquisitions de deux logements par un même bénéficiaire (P1 et 2) et le black-out entretenu  par rapport à la situation des remboursements (P.4).

Office Malien de l’Habitat

1 – la non-tenue de la comptabilité générale;

2 – l’existence d’un déficit de caisse de 186.490 FCFA ;

3 – l’exécution des dépenses indues dans le cadre des missions ;

4 – l’octroi sans base légale d’indemnités et de gratifications pour un montant total de

8.815.000 FCFA à des agents ;

5 – le paiement de 903.340 FCFA au titre des droits d’enregistrement à la place des prestataires ;

6 – des frais d’entretien du seul véhicule immatriculé K 2563 s’élevant 21.476.083 FCFA entre 2004 et 2006 ;

7 – la non mise à jour de la comptabilité-matières ;

8 – la non concordance entre lesfactures et le livre journal ;

9 – la mauvaise tenue de l’état d’inventaire ;

10 – le manque de suivi dans la gestion des immobilisations ;

11 – l’insuffisance du contrôle interne ;

12 – la faiblesse dans le suivi du recouvrement de la taxe de logement ;

13 – la non application des pénalités de retard d’un montant de 18.3231.700 FCFA.

Nos Commentaires :

Z’avez lu çà ? : "Des frais d’entretien du seul véhicule immatriculé K 2563 s’élevant 21.476.083 FCFA entre 2004 et 2006-  P 6-". Pour qualifier cela, l’on dira dans le terroir que le prix de raccommodage de l’outre a largement dépassé celui de sa conception ! Nous n’en dirons pas plus !

Ce n’est pas le véhicule immatriculé K.2563 seulement qui avait besoin d’un entretien aussi délicat. Les hommes aussi. La preuve : Ici, on s’octroie des indemnités et gratifications à hauteur de 8.815.000 FCFA sans aucune base légale (P.4) et toute mission sert de prétexte pour se faire payer des frais exorbitants (P.3). Et pourquoi, pendant qu’on y est, ne pas servir les amis ("Paiement de 903.340 FCFA au titre des droits d’enregistrement à la place des prestataires" ? – P.5) Normal, c’est l’Etat providence qui paye !

Bien entendu, à ce rythme, impossible de tenir la comptabilité générale (P.1), encore moins la comptabilité-matières (P.7). Norma aussi " la non concordance entre les factures et le livre journal» (P.8).

Les intéressés ne s’en inquiètent outre mesure puisqu’étant convaincus qu’aucun contrôle sérieux ne sera effectué afin de les confondre (P.11). Voilà l’administration malienne dans tous ses états.

DAF du Ministère de l’Urbanisme et de  l’Habitat

Période de 2005 à 2006

1-des dépenses de 34.000.000FCFA au titre de frais d’alimentation ne rentrant pas dans les besoins de service ;

2 – le paiement irrégulier des frais de déplacement pour des besoins privés évalués à 5.957.200 FCFA

3 – la double imputation des dépenses de séminaire pour un montant de 41.403.303 FCFA ;

4 – le mauvais classement des factures de dépenses particulièrement au niveau de la régie ;

5 – le non respect des dispositions du Code des Marchés Publics se traduisant par :

" l’octroi de marchés à des personnes non qualifiées;

" la conclusion irrégulière d’avenants ;

" la non application des pénalités de retard pour un montant de 69.797.057 FCFA.

6 – l’achat de 09 véhicules ayant occasionné un manque à gagner de 63.382.000 FCFA ;

7 – La non justification des dépenses totalisant  99.707.355 FCFA.

Nos Commentaires :

Vous souvenez-vous de l’entretien de ce véhicule immatriculé K 2563 s’élevant 21.476.083 FCFA pendant deux ans ? (Office Malien de l’Habitat P.6). Ici, on s’offre généreusement 09 véhicules à hauteur de 63.382.000 FCFA soit en moyenne 7,4 millions F CFA l’unité.

 C’est dire, en tout état de cause, que les frais d’entretien du véhicule K 2563 soit  21.476.083 FCFA permettaient de payer trois autres véhicules neufs sortis d’usine. Puisqu’il s’agit de la même Direction Administrative et financière…

Ce qui est pour le moins incongru, c’est l’assurance avec laquelle nos financiers s’adonnent à ces pratiques immorales. Ils n’hésitent pas un seul instant à imputer les dépenses privées au service: " des dépenses de 34.000.000FCFA au titre de frais d’alimentation ne rentrant pas dans les besoins de service ; paiement irrégulier des frais de déplacement pour des besoins privés évalués à 5.957.200 FCFA". (P.1et P.2), à octroyer des marchés à des proches sans se soucier de la qualité du service ou du produit fini (P.5 et alinéas).

L’organisation des séminaires, on le sait, constitue une véritable aubaine pour certaines structures de l’administration publique à l’image de la DAF du Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat. L’organisation d’un seul et unique séminaire a donné lieu à un double payement : " double imputation des dépenses de séminaire pour un montant de 41403303 FCFA". Ce phénomène de double imputation, nous apprennent les spécialistes en la matière, survient suite à la précipitation due à l’impérieux besoin de justifier une dépense douteuse.  

A suivre dans nos prochaines livraisons…

B.S. Diarra

 

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