Lors de la Revue budgétaire conjointe, qui s’est tenue les 18 et 19 octobre 2010 à l’Hôtel de l’Amitié de Bamako, les partenaires techniques et financiers ne sont pas allés avec le dos de la cuillère. Ils ont exigé que le gouvernement s’engage à lutter, de manière beaucoup plus vigoureuse, contre la corruption et la délinquance financière et donne suite aux rapports du Bureau du Vérificateur Général. Des rapports qui, aujourd’hui, sont plutôt classés dans des armoires poussiéreuses ou tout simplement jetés à la poubelle. Pour, dit-on, ne pas avoir à humilier les fossoyeurs de l’économie nationale. Une telle attitude pourra-t-elle continuer ?
L’affaire de malversation des subventions du Fonds mondial du ministère de la Santé a plané sur les travaux de cette Revue budgétaire conjointe (RBC) 2010 de l’Appui budgétaire générale qui a pour objet d’apprécier l’atteinte des performances dans la mise en œuvre des politiques budgétaires et des appuis budgétaires que les partenaires techniques et financiers apportent au Mali en soutien au Cadre Stratégique pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (CSCRP).
Dès l’ouverture des travaux, le ministre de l’Economie et des Finances, Sanoussi Touré, a tenu, d’abord, à rassurer à travers ces propos : " S’agissant de la lutte contre la corruption et les suites réservées aux rapports des structures de contrôle, le Gouvernement fera le point en toute transparence et n’éludera aucune question y relative. Il y va de la ferme volonté du Chef de l’Etat de ne tolérer aucune faiblesse du Gouvernement sur la question, surtout au moment où notre demande est plus forte à l’endroit des Partenaires techniques et financiers (PTF) pour lutter efficacement contre la pauvreté. Nous savons également que cette lutte est un gage pour tous les PTF qui doivent rendre compte, à leur tour, et à chaque instant, à leurs contribuables ".
Quant aux " suites réservées aux rapports des structures de contrôle ", il s’agit, fondamentalement pour nombre d’observateurs, des rapports du Bureau du Vérificateur Général qui sont en train de dormir dans des armoires ou tout simplement classés dans des archives en attendant le prochain rapport dont le sort sera identique à celui réservé aux précédents. Alors que si les PTF ont promis, au cours de cette revue, d’appuyer le Mali dans la lutte contre la pauvreté pour quelque 84 milliards de F CFA, ce n’est pas pour qu’une partie de cette somme soit détournée. C’est la conditionnalité posée, certes en termes diplomatiques, par les PTF qui ont, eux-aussi, des comptes à rendre à leurs contribuables comme l’a, d’ailleurs, si bien souligné le ministre de l’Economie et des Finances, Sanoussi Touré.
Notre pays, qui était apprécié pour sa bonne gestion des fonds d’origine extérieure, a vu son image fortement détériorée suite aux malversations dont a été l’objet le Fonds mondial au niveau du ministère de la Santé. Ce n’est, d’ailleurs, pas un hasard si l’ouverture de cette revue a coïncidé avec l’arrivée dans notre pays d’une forte mission de l’Alliance GAVI. Cela dans le but de procéder, de concert avec le Bureau du Vérificateur général, au contrôle de la gestion des 11 milliards de FCFA que l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, un partenariat public-privé visant à élargir l’accès des enfants aux vaccinations dans les pays pauvres, a eu à injecter au Mali depuis 2000. En août 2009, suite à des soupçons de malversation au niveau du ministère de la Santé de notre pays, GAVI avait eu à geler le décaissement de 1,5 milliards de F CFA afin de voir clair dans la gestion dudit département.
Dans son discours lors de la RBC 2010, le Chef de file des PTF, en l’occurrence l’Ambassadeur du Canada au Mali, n’a pas manqué de soulever " la question de la gouvernance de l’aide et de la lutte contre la corruption " si chère aux bailleurs de fonds et qui apparaît, naturellement, comme la conditionnalité aux décaissements des subventions gelées du Fonds mondial et du Fonds GAVI, destinées notamment au ministère de la Santé, dans la lutte contre le paludisme et la tuberculose et pour l’accès des enfants aux vaccinations.
Mamadou FOFANA