Certains observateurs de la scène politique malienne ont fait la remarque que le président de la République, M. Amadou Toumani Touré n’a fait aucune mention sur la lutte contre la corruption et la délinquance financière dans son adresse à la nation le 2O janvier dernier, commémorant le 46ème anniversaire de la création de l’armée malienne. Comme s’il répondait à ses détracteurs, le président ATT, profitant de la clôture de la 4ème session du Conseil Présidentiel pour l’Investissement (CPI), tenue le 22 janvier dernier au palais de Koulouba, a laissé entendre que la lutte contre la corruption et la délinquance financière passe d’abord par un examen de conscience.
Si ce n’était pas le cas, le Mali dispose de tout un arsenal de lutte contre le fléau: du Bureau du Vérificateur Général en passant par le Contrôle Général d’Etat ou encore la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle des Services de l’Administration(CASCA), les différentes Inspections; mais la remarque des observateurs est peut être pertinente. C’est pourquoi le Chef de l’Etat a affirmé que “la corruption est avant tout un problème de mentalité. En plus de ces structures, il faut une justice qui suit et sanctionne quand il le faut”, a déclaré ATT. Est-ce à conclure que c’est la justice qui ne fait pas son travail?
LA METHODE ATT DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION EST-ELLE EFFICACE?
Pour aborder la question de la lutte contre la corruption et la délinquance financière au Mali, une comparaison est nécessaire entre les méthodes prônées par l’ancien président, M. Alpha Oumar Konaré et celles de l’actuel locataire de Koulouba, M. Amadou Toumani Touré. Vers la fin du dernier quinquennat du président Alpha Oumar Konaré, nous avons assisté à une véritable campagne médiatique de lutte contre le fléau. Dans cet ordre d’idée, plusieurs hauts responsables de l’administration, militants de partis politiques ou au sein de la société civile ont été arrêtés et jetés en prison pour cause de malversation financière. Ces vagues d’arrestations vers la fin du règne du président Konaré ont été toujours accompagnées d’une campagne médiatique. Derrière ces incarcérations de hauts responsables, des observateurs ont conclu que Alpha Oumar Konaré se prête au jeu des bailleurs de fonds.
Aujourd’hui, la quasi-totalité de ces responsables incriminés ont recouvré leur liberté sous diverses formes. Si certains d’entre eux ont été blanchis par la justice, d’autres, au contraire, ont été mis en liberté provisoire après avoir payé des cautions dont les montants varient d’un accusé à un autre et selon l’ampleur des préjudices causés à l’Etat. Mais, il faut préciser que certains de ces responsables incarcérés sous Alpha ont recouvré leur liberté sous le règne d’ATT.
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION, QUELLE METHODE POUR ATT ?
Lorsque le candidat Amadou Toumani Touré accéda à la Magistrature Suprême du pays en 2002 à la faveur des élections présidentielles, il a déclaré qu’en matière de lutte contre la corruption il n’humiliera personne, en le jetant derrière les barreaux. Cela ne signifie pas la fin de l’impunité, puisqu’en fin 2004, début 2005, nous avons assisté au procès dit des exonérations qui impliquait des agents de l’Etat et des opérateurs économiques dans des malversations.
Les chefs d’accusations retenus contre eux étaient entre autres : faux et usage de faux, complicité, détournement des deniers publics. Le procès des “exos” s’est terminé en queue de poisson car, le verdict prononcé contre les accusés a déçu plus d’un observateur. Les sentences prononcées vont de l’acquittement pour certains dont le dossier était vide ; ceux-ci sont peu nombreux, à peine une demi douzaine de personnes. D’autres ont été condamnés à une peine d’emprisonnement de deux ans seulement ; ceux-ci sont les plus nombreux ; d’autres encore avaient déjà épuisé leurs peines dès l’annonce du verdict.
Après le procès des “exos” en fin 2004, début 2005, la lutte contre la corruption et la délinquance financière baisse d’intensité.
LE MALI ET LE CLASSEMENT DE TRANSPARENCY INTERNATIONAL
Chaque année, l’ONG, Transparency International publie un rapport classant les pays selon leurs indices de corruption. Selon cette ONG dont le siège est basé à Berlin, en Allemagne, l’indice de perception de la corruption gagne du terrain au Mali. A en croire le confrère de l’Indépendant citant les chiffres de Transparency International, en 2004, le Mali s’est classé 77ème sur 163 pays classés ; en 2005, 88ème sur 163 et en 2006, 99ème sur 163 pays classés. Que faut-il voir derrière ces chiffres ?
Le classement du Mali par Transparency International, selon son indice de perception de la corruption est bien contestable car, il est en contradiction avec cet autre classement de la Banque Mondiale sur le climat des affaires. On le sait, la corruption, tout comme l’absence d’une justice crédible, fuit les investisseurs. Or, en 2006, selon la Banque Mondiale, le climat des affaires au Mali, comparé à d’autres pays africains s’est amélioré considérablement. Notre pays a fait un gain de 11 points. Est-ce à dire que le flux des investisseurs prépare le terreau de la corruption et de la délinquance financière ?
ATT DOIT RENFORCER LA LUTTE
La corruption et la délinquance financière ont de beaux jours devant elles, puisqu’il s’agit de phénomènes de société. Les deux vices sont liés à la nature et au comportement des hommes difficilement modifiable. ET pourtant, la loi a cerné tous les comportements infractionnels par une incrimination aggravée du fait de la qualité de l’auteur. Mais, manifestement, ces incriminations, aux yeux du citoyen ordinaire, ne semblent pas, jusqu’ici portés leurs fruits.
La délinquance des hauts fonctionnaires que les criminologues désignent par l’expression de “criminalité à col blanc”, vu l’état actuel de la décomposition des assises morales de notre société aura de beaux jours devant elle, tant que la justice ne réprime pas de façon exemplaire.
Daba Balla KEITA
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