Engagé dans une lutte encourageante contre la corruption, Ibrahim Boubacar Keita (IBK) n’a pourtant jusque-là pas convaincu la majorité de ses compatriotes de la sincérité de son combat. Et pour cause, aussi bien le timing de la lutte que les cibles choisies laissent à désirer. Ils font croire que cette lutte, au lieu d’être une mission républicaine de salubrité, prend le visage d’une campagne de répression et d’intimidation des pourfendeurs de sa politique. L’un des grands chantiers sur lequel les Maliens attendent leur président est celui de la lutte contre la corruption. Car, si beaucoup d’entres eux lui ont accordé leur suffrage en 2013, c’est en grande partie à cause de son discours de campagne sur la lutte impitoyable contre la corruption. Dans son discours d’investiture, IBK a déclaré solennellement que « la lutte contre la corruption est un combat de tous les jours ».
Mais une fois au pouvoir, sa détermination affichée pendant la campagne s’est progressivement émoussée. Ce qui était naguère une priorité a commencé à devenir le dernier des soucis. Le chef de l’État a mis le coude sur les nombreux rapports d’audits qu’il a commandités dans plusieurs sociétés et offices d’État, et dans certains ministères. Cette attitude est venue aggraver les premiers soupçons qui font dire à certains que le chef de l’État a décidé de protéger les prévaricateurs, au lieu de les livrer à la justice. Il suffit de voir certaines nominations pour s’en convaincre. D’autres attitudes peu rassurantes ont suivi. Il s’agit du retour en force des conflits d’intérêt et des marchés de gré à gré au sommet de l’État. À l’Assemblée Nationale, il s’est accoquiné avec des députés corrompus pour constituer sa majorité. Pendant près de 5 ans, rien n’a bougé sur le terrain de la lutte contre la corruption. Puis, un jour, le Bureau du Vérificateur et la Cour Suprême ont publié des rapports d’audit et ont dénoncé des surfacturations et des détournements dans l’achat de l’avion présidentiel et du marché d’équipements militaires. S’y ajoutent, les dossiers des 1000 tracteurs et de l’engrais «frelaté». Vient ensuite, des surfacturations en séries, dans les Projets routiers Prioritaires du Président (PPP) IBK qui se chiffre à plus de 29 milliards FCFA sur le budget d’État-2017. Mais toujours est-il que les maliens attendent de voir les premières actions de lutte contre la corruption… contre des personnalités politiques impliquées dans divers dossiers de malversations financières.
Lutte-spectacle
En dépit de la communication organisée depuis des ans pour démontrer le caractère impartial et sincère de la lutte contre la corruption, bon nombre de Maliens ont du mal à y croire. Jusque-là pas d’interpellation. Rien que la promotion de bandits à col blanc.
À l’analyse, la lutte contre la corruption sous IBK, paraît sélective et suscite de nombreuses polémiques au regard des personnes ciblées, ouvrant ainsi le débat sur l’impartialité et la bonne foi du président IBK à traduire les ‘’vrais coupables’’ devant la justice.
Plusieurs dossiers sont en instruction dans le cadre de la lutte contre la corruption au Mali. Le Pôle économique est très occupé ces jours-ci, s’affairant à vider les dossiers de malversations financières. Une centaine de dossiers à traiter, qui devraient s’enchaîner les uns après les autres selon une source proche de cette juridiction. Généralement, ils sont soldés par l’audition, la garde à vue et la mise sous mandat de dépôt des ‘’fretins’’ mis en cause.
Les vrais auteurs des crimes économiques devraient rendre gorge selon le degré de leur implication dans les faits de malversation. Mais par quelle alchimie échappent-ils aux mailles des filets de l’actuelle lutte contre la corruption ? Qu’est ce qui explique le fait que le chef de l’État fasse l’impasse sur leur cas, et que l’opération soit plutôt concentrée sur des ‘’poids plume’’ dont la culpabilité reste difficile à prouver. Il paraît évident que la lutte contre la corruption sous ‘’le Mali d’abord’’ prend une allure sélective… Suscitant des doutes dans les esprits des citoyens avertis.
En attendant, l’impartialité du président IBK est remise en cause, car les plus gros coupables de détournement massifs du denier public demeurent dans l’entourage immédiat du régime.
Mariam Konaré