A défaut de vivre pour manger, il faut bien manger pour vivre.
Joindre les deux bouts, tout juste pour ne pas crever de faim, oblige chaque jour à moult acrobaties.
La ménagère a perdu son panier, entend-on dire, face à la hausse abusive des prix des produits de base alors que le panier était déjà en mille lieues.
A force de chercher leur pitance quotidienne, même les mendiants sont devenus des loups. Mendicité rampante et agression sur le passant, tous les moyens sont bons pour ramasser quelques miettes.
Mais au pays des aveugles, les borgnes sont rois.
De Lazare à Crésus, c’est comme la distance entre le ciel et la terre.
Si certains dorment dans les chaumières, d’autres se construisent des châteaux dignes des mille et une nuits. Ne sommes-nous donc pas tous fils d’Adam et Eve ?
Dieu n’est le père à personne. Fort bien, mais certains roulent sur l’or, pendant que d’autres croupissent dans la misère.
Le monde se divise en deux : ceux qui trinquent et ceux qui triment.
La Douane malienne est pauvre, mais les douaniers maliens sont riches dit-on.
Le Mali aussi est pauvre, mais certains Maliens sont très riches.
Tout le monde se « débrouille ». Pour tout dire, la débrouillardise, c’est la magouille.
Quand on n’est pas né coiffé, comment se taper une belle voiture, construire une villa au bord du fleuve Niger, avoir un beau verger, un compte ?
Le petit fonctionnaire puisera à pleines mains dans la caisse du service, l’opérateur économique véreux gonflera la facture (sur le dos du Trésor public) de connivence avec le boss. Des marchés seront passés de gré à gré, commissions et pots-de-vin seront versés pour obtenir des faveurs particulières.
Partout, pullulent les plongeurs en eau trouble, requins de la pire espèce, les caïmans aux crocs pointus.
La sueur du peuple s’en va en fumée. La misère pour la grande majorité, l’opulence pour la minorité.
Et quand, face à la situation, il y a quelques années, ce président de la République décidait de taper du poing sur la table, il a été très vite accusé de se livrer à une chasse aux sorcières. Il n’arrêtait, disait-on, que les menus fretins, pendant que les gros poissons passaient entre les mailles du filet. Aussi, malgré la chasse au gros gibier enclenchée et dont quelques uns sont passés à la traque, aujourd’hui, la lutte contre les délinquants financiers s’est finalement embourbée dans les méandres de la politique politicienne.
Pourtant, c’est sérieux cette affaire de corruption. Au premier coup de gourdin, corrupteurs et corrompus ont tôt fait de mettre leur fortune à l’abri. Comme par enchantement, les banques se vident, les chantiers s’arrêtent, l’argent ne circule plus, l’économie marque le pas.
Face à l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête, les délinquants retiennent leur souffle. Le temps de voir passer l’orage. Et l’orage est désormais bien passé. A la bouffe, Voleurs !
Boubacar Sankaré