En marge des activités de la rentrée judiciaire 2014-2015, la Cour Suprême du Mali a organisé un colloque international sur le thème « rôle et place de la justice dans la lutte contre la corruption ».
La rencontre s’est déroulée du 4 au 5 novembre 2014 au CICB.
La cérémonie d’ouverture des travaux a été présidée par le ministre de la jeunesse et de la construction citoyenne, Mamadou Gaoussou Diarra non moins représentant du premier ministre.
Il était entouré du président de la Cour Suprême, Nouhoum Tapily, et ses homologues de la Mauritanie et du Benin.
En effet, la corruption est un des fléaux les plus redoutables de notre époque. Elle fait peser sur l’humanité de graves périls silencieux qui, avant d’en prendre entièrement conscience, provoquent des drames économiques, humains, sécuritaires et politiques parfois irréversibles.
Il est difficile de dresser une liste complète des effets néfastes de ce crime. On retrouve seulement çà et là, à la proportion des inspirations du moment où du point d’observation des experts, des énumérations saisissantes mais insuffisantes.
On peut retenir entre autres effets néfastes, la perte de confiance entre le citoyen et l’Etat, l’érosion des valeurs éthiques, morales et l’incivisme généralisé, l’inégalité entre les citoyens, la paupérisation des populations, la fragilisation de la démocratie et du Droit, l’instabilité politique et la précarisation de l’Etat, la constitution de groupes de « privilégiés » constituant un réseau de criminels ayant au bout du compte la haute main sur l’Etat et ses moyens, le tarissement de l’investissement.
Ainsi, la première communication, exposée par Oumarou Bocar, inspecteur des services judiciaires a porté sur « le rôle et place de la justice dans la lutte contre la corruption ».
Le sous-thème : « arsenal juridique et institutionnel de la lutte contre la corruption au Mali », a été présenté par Mr M’Pèrè Diarra, avocat au parquet général de la Cour Suprême. « Approche culturelle de la lutte contre corruption » a été exposée par Mamadou Fanta Simaga, chevalier de l’ordre national.
La communication sur : « l’approche de la société civile dans la corruption » a été assurée par Amadou Bocar Tegueté, 2ème vice président du CNSC.
Pour le premier conférencier, la lutte contre la corruption doit faire intervenir plusieurs acteurs dont les rôles complémentaires garantissent la réussite. Mais, il ne faut ni se tromper de stratégies, ni faire la confusion entre la place et le rôle que chaque acteur doit jouer dans le processus d’élaboration et de mise en œuvre de la politique pénale de lutte contre la corruption. Cette confusion entraine fatalement l’échec de la lutte contre cette criminalité de fonction.
« Le rôle primordial et la place de premier ordre revient à la justice qui doit être le centre d’impulsion, de dissuasion, de réparation du préjudice causé à l’Etat, de l’égalité des citoyens devant leur responsabilité sans tomber dans les pièges de la délation, des règlements de compte ou d’impunité selon les cas, toutes choses qui anéantissent les efforts de lutte », a-t-il précisé.
Difficultés de lutte contre la corruption
La corruption est un fléau qui touche à des degrés divers tous les pays du monde et engendre des pertes énormes aux Etats.
Mais ce fléau sévit particulièrement dans les pays en voie de développement, notamment en Afrique où la faiblesse des institutions conjuguée à la voracité et l’inconscience de plusieurs responsables de ce continent rend la corruption endémique, tentaculaire et suicidaire dans un espace géographique déjà fragilisé par la pauvreté et l’ignorance.
La corruption n’a pas épargné le Mali qui fait partie des pays les plus corrompus tant l’étendue que le préjudice causé à l’Etat, dont les ressources sont nettement insuffisantes face aux défis de développement et de sécurité, est énorme, a expliqué l’inspecteur des services judiciaires.
Par ailleurs, Oumarou Bocar a affirmé que le phénomène de la corruption n’est pas étranger aux différentes difficultés récurrentes que connait le Mali. A cet égard, il est pédagogique de faire remarquer qu’à chaque bouleversement institutionnel, les auteurs du « changement » évoquent la corruption et bénéficient immédiatement de l’adhésion populaire.
L’état de précarité de l’Etat s’explique par l’accroissement de ce crime. Il n’est d’ailleurs pas superflu de préciser, contrairement à une perception superficielle du phénomène, que la corruption s’installe toujours dans un système et se renforce dans des réseaux. Son caractère clandestin et sa nature « corrompu corrupteur » cachent sa vraie réalité de réseau ayant des ramifications complexes.
En effet, la grande corruption est une criminalité organisée, redoutable qui à terme passe de sa forme intellectuelle et astucieuse pour devenir musculaire tant les intérêts en jeu sont énormes et la connexion avec d’autres crimes organisés la renforce et la pérennise.
Malheureusement, il se joint dans la corruption les effets néfastes et sa capacité d’extension et de propension qui n’épargne aucun pays au monde mais aussi s’infiltre sous des aspects divers dans la société créant ce que l’on peut classer parfois maladroitement de petite et de grande corruption.
« Au Mali, la corruption s’est solidement installée dans l’administration, les organisations professionnelles, le milieu politique et baigne dans un climat social de tolérance et même d’incitation », a conclu Mr Oumarou Bocar, inspecteur des services judicaires.
Adama DAO