L’imam du jour (17/06/2022) à la mosquée Demba Wagué de Djélibougou a annoncé au début de son prêche de ce vendredi que le Pôle économique et financier de Bamako a demandé aux imams de parler sur le thème de la corruption.
À première vue, rien d’anormal qu’un imam parle des tares de la société lors du prêche hebdomadaire du vendredi. Mais, qu’un organe comme le Pôle économique demande que les imams traitent d’un thème spécifique dans les mosquées ; cela peut ouvrir la boîte de Pandore.
Aujourd’hui, l’imam Traoré n’est pas allé par le dos de la cuillère. Il avait un document certainement élaboré de façon conjointe par Limama et le Pôle économique. Il a révélé qu’entre 2005 et 2019, plus de 1000 milliards ont été détournés dans l’administration publique au Mali, que ce montant pouvait permettre de construire plus de 200 hôpitaux comme l’hôpital du Mali, plus de 40 ponts comme le troisième pont de Bamako, etc.
Ensuite, il s’est lancé, tel dans un meeting politique, dans un jugement à charge contre la classe politique, depuis ceux issus du coup d’État de 1968 à nos jours. Pendant 45 mn, il a fustigé, dénoncé, accusé, dénigré et même maudit, sans réellement donner les sources, ni de preuves qui étayent les allégations avancées. Tout seul, sans contradicteur, il a égrainé les malversations et généralisé la saleté des commis de l’État.
Dans la mosquée, on entendait beaucoup de murmures. Après la prière, les discussions devant l’enceinte religieuse étaient vraiment rudes et partaient dans tous les sens.
Nous nous demandons si cette méthode de sensibilisation du Pôle économique a une efficacité. Et puis ne va-t-elle pas produire l’effet contraire du résultat attendu? Enfin, les imams qui doivent apporter le message en mélangeant la foi, la politique, les analyses macroéconomiques, en mesurant les conséquences du vagabondage budgétaire tout cela en quelques minutes, ne vont-ils pas embrouiller des fidèles dont la majorité n’est vraiment pas en posture de faire le tri ?
Le Pôle économique doit se concentrer sur ses enquêtes pour faciliter aux juges de faire leur travail. Et de l’autre côté, les imams doivent assainir l’âme des croyants, apaiser l’opinion nationale et permettre aux citoyens de choisir le droit chemin. Chaque entité a sa voie déjà tracée, sa mission clairement définie, mais chercher à mélanger les genres pourra donner une chimère incontrôlable, surtout dans un pays qui cherche à s’orienter.
Qu’on ne me classe dans aucun camp, je ne fais qu’opiner sur un procédé que je ne trouve pas profitable à mon pays dans le contexte actuel.
Moussa Sey Diallo