Lourdeur, corruption, détournements : L’administration tue les affaires

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C’est un secret de Polichinelle que l’environnement des affaires au Mali a une incidence néfaste sur la vie des entreprises. La lourdeur administrative, la corruption, le coût de l’énergie, la lourdeur de la fiscalité, les défaillances de l’institution judiciaire sont autant de causes que Me Boubacar Abdoulaye Sékou Sow, notaire à Bamako, a mis en exergue au cours d’une conférence débat. Selon lui, à l’aune de ces différents éléments l’on se rend compte que les entreprises maliennes évoluent dans un environnement difficile, peu propice à l’épanouissement des affaires.

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Dans le cadre de son cycle de conférences, le centre du secteur privé (CSP), en partenariat avec le Fonds d’Appui à la formation professionnelle (FAFPA), a organisé le samedi 8 décembre 2007, une conférence débat sur le thème: « l’environnement des affaires et ses incidences sur la vie des entreprises au Mali ». Pour Baïdy Diakité, directeur du CSP, l’environnement des affaires au Mali a besoin d’être amélioré. «Un environnement assaini est favorable au développement du secteur privé», a-t-il déclaré. Selon lui, la conférence a été initiée pour recenser et identifier les idées essentielles afin d’élaborer un programme d’activités capables de renverser les tendances actuelles. De son côté, Cheick Abdoulaye Cissé, président de l’agence pour la promotion des entreprises a salué l’initiative du CSP qui veut créer une synergie d’actions autour des problèmes du secteur privé malien.

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Pour sa part, Me Boubacar Abdoulaye Sékou Sow, conférencier, a expliqué que quelle que soit la forme d’une entreprise, elle évolue dans un environnement. Et pour évaluer cet environnement, il a d’abord analysé la pratique des affaires à travers les rapports de l’entreprise avec les partenaires publics, pour ensuite les observer sous l’angle de ses rapports avec les partenaires privés. Si dans une première partie, le conférencier s’est préoccupé du cadre d’exercice de l’entreprise, dans une deuxième partie, il a passé en revue les reformes législatives et structurelles que l’État a mises en place pour l’amélioration du cadre d’exercice de l’entreprise.

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Dans l’analyse des rapports de l’entreprise avec les partenaires publics, Me Boubacar Abdoulaye Sékou Sow a pointé un doigt accusateur sur la lourdeur des procédures administratives. Selon lui, pour créer une entreprise au Mali, le promoteur doit parcourir 21 étapes, pendant au moins un mois, alors que les normes internationales sont aujourd’hui à 48 heures. En ce qui concerne la lourdeur administrative, il a estimé qu’elle ne peut être mieux illustré que par les dix mois qu’on met pour avoir le permis de construire au Mali. Le conférencier a dénoncé la lourdeur de la fiscalité. Selon lui, cette lourdeur fait que tricher avec les services d’impôt est devenu un sport national.

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Mais, en réalité, le conférencier pense que le gros des acteurs du secteur privé, installé dans le secteur informel, ne paye pas les impôts comme il se doit. Par rapport à l’institution judiciaire, il dira que la justice est le dernier recours pour tout sujet de droit. «Mais, au Mali il y a une véritable crise de confiance entre les citoyens et leur justice. Les citoyens n’ont plus foi en leur justice et cela pose le problème de la sécurisation des investissements», a-t-il déclaré. Autres difficultés : la continentalité du Mali, le coût de l’énergie, le manque des infrastructures publiques et la corruption. Le conférencier a estimé que l’éloignement de notre pays des côtes est un facteur défavorable aux entreprises. Il a la certitude que cela est aggravé par l’insuffisance des infrastructures publiques.

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La corruption ronge l’environnement des affaires

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Mais de tous ces problèmes, la corruption semble être l’élément le plus nocif. Selon Me Sow, la corruption tue le jeu de la concurrence économique. «Ce mal ronge notre environnement des affaires», a-t-il déclaré. Avant d’indiquer que les pouvoirs publics ne peuvent pas être les seuls responsables de toutes ces difficultés. Et le conférencier pense que les acteurs du secteur privé ont leur par de responsabilité dans le pourrissement de l’environnement des affaires au Mali. Il a pointé du doigt les acteurs du secteurs informel qui représentent 80 à 90% des acteurs du secteur privé. Selon lui, ces acteurs développent une véritable concurrence déloyale aux acteurs du secteur formel. «Des entreprises de fabrication de piles ont dû fermer au Mali face à la concurrence déloyale créée par l’importation frauduleuse des piles par des acteurs du secteur informel», a-t-il déclaré.
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rnLe conférencier, convaincu qu’une économie ne peut fonctionner en dehors d’un système de crédit bien structuré, a dénoncé la froideur des banques maliennes à financer les acteurs du secteur privé. «Les banquiers sont très frileux à financer l’activité économique au Mali. Quand ils le font, c’est à court terme avec des taux d’intérêt prohibitif qui évoluent de 14 à 18%», a-t-il déclaré. Mais, il est sorti des discussions que certains acteurs du secteur privé ont des comportements peu recommandables. En plus d’être de véritables mauvais payeurs de dettes, certains sont prêts à toutes sortes de gymnastiques pour se faire octroyer un prêt bancaire, en violation de toutes les règles bancaires.

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Partant du principe que l’homme est la première ressource d’une entreprise, le conférencier a regretté l’absence de ressources humaines de qualité au Mali. Selon lui, depuis plus de quinze ans, notre pays connaît un véritable problème de formation des ressources humaines qualifiées. «Tant durera le problème de la formation des ressources humaines de qualité, tant les entreprises maliennes connaîtront des difficultés et seront obligées de se tourner vers les ressortissants de pays voisins», a-t-il déclaré.

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Cependant, le conférencier a rappelé que toutes ces menaces ont été perçues par l’État qui a initié un certain nombre de reformes législatives et structurelles. Au titre des reformes législatives, il a cité : la mise en place de l’OHADA, la refonte du code minier dans le sens de le rendre plus attractif, la mise en place du code des investissements attractif, l’adoption de la loi sur le financement de l’habitat et la loi N°06-040 du 11 août 2006, portant institution du numéro d’identification nationale des personnes physiques et morales. En ce qui concerne les reformes structurelles, il a rappelé la création du ministère de la promotion des investissements qui a aujourd’hui disparu. Il a aussi levé le voile sur la mise en place d’un comité de pilotage de l’allègement et de la réduction des délais et procédures administratifs.
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rnLe conférencier a aussi salué la mise en place du projet « Doing Business » par la Banque mondiale en vue de pousser les Etats à aller rapidement à des reformes allant dans le sens de la facilitation de l’investissement. Le projet « E-regulation » a été présenté par le conférencier comme un système d’information en ligne sur les procédures et étapes de création d’entreprises au Mali. «Ce projet disponible sur le Net a pour but de retracer toutes les étapes administratives de création d’une entreprise au Mali», a-t-il indiqué.

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Et pour finir, Me Boubacar Abdoulaye Sékou Sow a souhaité une volonté politique pour repenser l’administration malienne dans tous ses compartiments de façon à tirer d’elle le maximum d’efficacité, de célérité et de souplesse. Mieux, il pense que les autorités politiques doivent susciter une culture de la notion de service public au niveau des agents en charge de l’exécution des tâches administratives.

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Assane Koné

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