L’engagement de l’AMPP contre l’impunité…
L’entretien accordé par Cheick Mohamed Chérif KONE, Président de l’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants sur les difficultés de la lutte contre la corruption au Mali, vaut son pesant d’or. Lisez plutôt !
La Justice est de plus en plus au centre des critiques. Il est surtout porté contre les acteurs de la justice, l’inefficacité dans le combat contre la délinquance économique et financière, en dépit des moyens considérables déployés en faveur des procureurs des pôles économiques et financiers. Ce qui est illustrée par une lettre ouverte de Maitre Moussa GOITA.
Quelles réactions de la part du Président de l’Association des Procureurs et Poursuivants ?
Il s’agit de sujets très complexes que quelques minutes ne suffiraient pas pour parler des seules formes et manifestations de la délinquance financière et des détournements de deniers publics. Ces formes de la criminalité organisée entretenues par la corruption et l’impunité, débouchent sur l’enrichissement illicite phénomène aussi embrouillé, tous constituant de réelles menaces à la démocratie, notamment la nôtre, encore à la recherche de repères.
Loin de fuir tout débat, il serait de mon avis, souhaitable que ces sujets soient ultérieurement abordés en profondeur.
Néanmoins pour vous donner des apaisements, quelques questions seraient à présent les bienvenues pour vos besoins d’information sur l’engagement de notre association dans la lutte contre l’impunité sous toutes ses formes et manifestations, notamment lorsque les hautes personnalités politiques ou des hauts dignitaires se trouvent au centre de la polémique des scandales économiques et financiers.
Pourquoi moins de visibilité des procureurs dans les débats publics sur la délinquance financière, les détournements de deniers publics et l’enrichissement illicite?
La corruption et la délinquance sont toutes deux entretenues…
La corruption et la délinquance financière toutes deux entretenues par l’impunité, restent des sujets d’actualité. Leurs conséquences de plus en plus destructrices pour l’ensemble du pays sont telles que nul acteur de la justice ne devrait rester indifférent, notamment les procureurs et poursuivants.
Il est aujourd’hui du devoir des pouvoirs publics, détenteurs de tous les moyens, de favoriser les échanges et les débats sur ces questions.
Loin d’éviter les débats, nous les encourageons au contraire, et nous y participons activement et de façon constructive, chaque fois que des membres de notre organisation sont sollicités.
Ceci dit, l’honnêteté intellectuelle et le manque de conformisme des procureurs, font que notre association est rarement conviée à ces débats qui sont le plus souvent orientés, chaque intervenant préparé à l’avance, devant dire ce qui est convenable de dire, de taire ce qui est susceptible de déranger. Or, pour l’AMPP, dans la situation actuelle, seul l’intérêt du peuple est à prendre en considération dans un débat ouvert sur la corruption et les malversations financières.
Les interventions de deux brillantes interventions d’éminents procureurs ont été mal perçues…
A cet égard, vous avez suivi deux brillantes interventions de deux éminents procureurs, au cours de débats publics, largement médiatisés, suffisamment relayées et bien commentées par les réseaux sociaux.
Les premières étaient celles du Procureur DIARRA de la commune IV de Bamako sur AFRICABLE su la corruption, sa définition, ses manifestations, formes, implications, ramifications et complicités.
Les deuxièmes étaient celles du Procureur DIAWARA du Pôle Economique de Bamako à la télévision nationale sur les difficultés de la lutte contre la délinquance économique et financière du fait de la forte implication des pouvoirs publics dans la marche de la justice, notamment dans l’opportunité de poursuite en matière de délinquance financière.
Ces interventions jugées édifiantes et saluées par une grande partie des populations, ont malheureusement été très mal perçues et accueillies par les pouvoirs publics.
Nous retenons que ces procureurs, membres de l’Association Internationale des Procureurs et Poursuivants se sont pleinement assumés. Et c’est cela le plus important pour une association nationale, membre organisationnel de ladite organisation internationale.
Et de la lettre de Maitre Moussa GOITA qui interpelle aussi l’Association des Procureurs et Poursuivants ?
Appel à la mobilisation contre l’impunité des crimes…
L’Association des Procureurs prend acte de la réaction très responsable de Maitre Moussa GOITA, magistrat accompli avant d’être aujourd’hui un brillant avocat.
Patriote et démocrate sincère, ce spécialiste de l’administration de la justice est connu pour le courage de ses convictions et pour la pertinence de ses critiques qui sont des plus positives et constructives.
En plus d’être un cri de cœur pour un sursaut national contre l’impunité des crimes imputables aux hautes personnalités politiques et du monde des affaires, la boutade de l’éminent juriste, est un appel à la mobilisation de tous les acteurs de la justice au secours de la démocratie en détresse du fait des dirigeants.
Je ne peux que me réjouir d’une telle prise position de mon Professeur en charge de la conduite du procès pénal qui a toute sa place au sein de l’AMPP qui œuvre pour la performance du système de justice pénale en vue de l’effectivité et de l’efficacité des poursuites pénales dans le respect des principes universellement reconnus et admis.
A préciser que les associations de procureurs et poursuivants analogues à nôtre, sont des regroupements de professionnels de droit, d’horizons divers, mais tous engagés dans la lutte contre l’impunité : magistrats, avocats, universitaires, chercheurs, journalistes d’investigations, hauts cadres de la douane, de la gendarmerie, de la police, des finances et autres…
Les entités, y compris les Etats, peuvent y adhérer en qualité de membres organisationnels, comme c’est le cas de plupart des Etats membres de l’OIF.
Quels sont les facteurs qui rendent difficile la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite au Mali ?
Les difficultés dans cette lutte sont nombreuses……
Les seules déclarations d’un Président de la République, sans mesures d’accompagnement appropriées, ne suffisent pas pour rendre effective la lutte contre le phénomène des détournements des deniers publics.
Les facteurs qui rendent difficile cette lutte sont nombreux et de plusieurs ordres. Les difficultés dans cette lutte nécessaire et salutaire tiennent à plusieurs causes dont entre autres : l’absence de volonté politique véritable, l’hostilité des gouvernants et leur manque de préparation psychologique.
A ces facteurs très visibles, il faut prendre en compte, l’affaiblissement organisé des structures de référence et des professionnels de la lutte contre ces fléaux. Ces derniers sont souvent l’objet de persécution programmée au plan professionnel, voire même d’une sorte de « chasse aux sorcières ».
Des exemples abondent et qui suffisent pour se convaincre de la réalité des facteurs sus évoqués.
Le conseil de l’AMPP face aux crimes organisés…
Parlant de ces crimes organisés, l’on se trouve en face d’infractions très complexes dont les contours sont le plus souvent difficiles à cerner. C’est de façon professionnelle que l’AMPP apporte le conseil, l’assistance et le soutien nécessaires aux procureurs et autres responsables des structures en charge de la lutte contre les détournements des deniers publics. Lorsque c’est nécessaire, nous prenons position à travers des déclarations publiques tout en apportant notre soutien aux procureurs et aux structures de contrôle et de vérification.
L’espoir est-il permis quant au succès de la lutte ?
Quand des avocats s’engagent aux côtés de l’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants dans le combat contre l’impunité des crimes économiques imputables aux gouvernants et aux dirigeants, l’espoir est permis.
La proportion inquiétante prise par les détournements de deniers publics par la classe dirigeante, ne devrait laisser nul patriote ou démocrate convaincu dans l’indifférence. Chacun doit jouer sa partition.
L’AIPP et l’AIPPF étant des organisations de référence engagées ,dans le cadre des nations unies et dans le cadre de la francophonie, à la conception et l’élaboration des meilleures stratégies de lutte contre la corruption, les détournements de deniers publics et l’enrichissement illicite, l’AMPP ne peut pas rester inactive.
Sous la présidence du Procureur en Chef du Canada à la tête de l’AIPPF, nos relations ont été très intenses avec le Bureau du Vérificateur Général, avant de devenir timides aujourd’hui.
Les résultats avaient été à la hauteur de l’excellence de la collaboration. En effet plusieurs réseaux de malversations financières avaient pu être démantelés. En dépit, parfois de la réticence la réticence des pouvoirs publics, les dossiers de scandales financiers ont été transmis à la justice, grâce à la sagacité du Vérificateur Général d’alors, le Procureur Touré, lui-même membre de l’Association Internationale des Procureurs et Poursuivants, et ancien procureur du Pôle Economique et Financier de Bamako.
Enlisement programmé des procédures sur ordre politique…
Malheureusement avec l’enlisement programmé de procédures sur ordre du politique, ces dossiers sont le plus souvent mis au sommeil en attendant d’être frappés par la prescription. Là, il convient de préciser que c’est du politique que dépend en réalité le sort des magistrats des pôles tant recherchés du fait des avantages qu’ils offrent. Le peuple a intérêt à connaitre la suite judiciaire réservée à ces dossiers pour lesquels les investigations ont coûté cher à l’Etat.
Seul un sursaut national pourra apporter des résultats appréciables…
Avec le sursaut national contre l’impunité auquel, le barreau à travers Maitre Moussa GOITA, la presse, la société civile et amis duMali invitent les procureurs et l’ensemble du peuple, le pays pourra connaitra des résultats appréciables.
NB : Les intertitres et le titre sont de la rédaction.