Il relève du devoir de tous les démocrates du Mali d’instruire les générations montantes sur les enjeux des événements de mars 1991. En fait, le peuple malien a enduré dans sa chair et dans sa conscience les affres de la gestion calamiteuse d’un pouvoir autocratique qui a régné durant 23 ans longues années.
Le constant douloureux, c’est que le «moi» a pris le dessus sur le «nous» à tel point que tous les analystes s’accordaient à s’interroger : où va le Mali ? Le tissu humain a été jeté sur les épines du jujubier en charge d’étaler au gré du vent les toiles fondues, déchirées de la cité ayant germé du labeur du président feu Modibo Keïta.
Après 23 longues années de dictature militaro- udépmiste, le peuple laborieux du Mali a dit en chœur : «Trop c’est trop». Il faut le changement. Ce cri de cœur s’est soldé par l’arrestation du général Moussa Traoré et de son équipe. C’était le 26 mars 1991. Que d’espoirs placés par notre peuple laborieux en l’avènement de la démocratie conquise de haute lutte au prix du sang de nos femmes et de nos enfants : au moins 106 morts et des centaines de blessés et de disparus.
La première et ultime tâche de ce qu’il convenait d’appeler «le Mouvement démocratique» était de faire un nettoyage global de toutes les structures socioéconomiques du Mali pour que rien ne soit plus comme avant. Hélas ! La béante plaie a été soignée sur du pu.
Les délinquants de grand chemin qu’étaient les gros poissons ont échappé à la purge. La suite n’échappe à personne : en lieu et place de l’assainissement tant souhaité, les Maliens ont vu ériger en mode de vie dans leur pays de maux comme la gabegie, l’affairisme, la surfacturation, le gain facile, la fraude et la manipulation des consciences.
Ce constat nous rappelle cette célèbre perception de Napoléon Bonaparte selon laquelle «la révolution n’a pas été produite par le choc de deux familles se disputant le trône ; elle a été un mouvement général de la masse de la nation contre les privilégiés». C’était la première opportunité qui s’était offerte au peuple malien pour se débarrasser de ceux qui ont dilapidé ses ressources économiques et financières, mais surtout souillé son humanité et son honneur légendaire.
La «démocratie» malienne calquée sur celle de la France a tout simplement été un échec cuisant. Cet échec était prévisible quant on connait la race de politiciens tarés qui l’ont animée jusqu’au coup de force du 22 mars 2012.
Il ne pouvait en être autrement tant Edgard Pisani avait fait le constat : «Les hauts fonctionnaires africains ont plus appris à voyager, à solliciter et négocier une aide qu’à diriger et gérer». Notre peuple aurait gagné réellement si les politiciens qui animaient le débat et la pratique «démocratiques» maliens avaient compris qu’il est indispensable pour nous de frayer notre propre chemin de développement socioéconomique et culturel. Cela ne saurait signifier qu’il faille rompre tout lien avec les ex puissances coloniales.
Bien au contraire ! Il faut des simplement des hommes pour sauver l’avenir. Tibor Mendé nous enseigne : «Pour récupérer l’identité et le respect de soi, il faut changer l’orientation même de l’économie. Au lieu de regarder vers l’extérieur, elle doit s’orienter vers l’intérieur et se préoccuper davantage de résoudre les problèmes locaux que d’affronter ceux qui résultent du contact avec le monde industriel».
Il faut donc tout simplement dire qu’en deux décennies de pratiques pluralistes rien n’a réellement changé. En lieu et place des nombreuses attentes du peuple malien s’est érigé confortablement un mur de marbre fait de contrefaçons, de malhonnêtes, de mensonges, de flagorneries politiciennes, que sais-je ?
Face à une situation socioéconomique nationale, chaque jour plus délectaire, des militaires patriotiques ont décidé d’intervenir, mettant ainsi fin au régime trompeur de Amadou Toumai Touré. Ce coup d’Etat était fortement salué par les masses laborieuses du Mali, n’en déplaise à celles et ceux qui se sont nourris et qui ont nourri leurs familles de la sueur et du sang du peuple travailleur de notre pays. Cela était prévisible quand on sait qu’aucun homme sérieux ne croyait plus en cette fallacieuse démocratie à la «malienne». Ces militaires patriotes ont fait renaître en notre peuple l’espoir perdu. Parce qu’ils ont compris et épousé cette célèbre réflexion du sieur Frantz Fanon qui disait ceci : «Chaque génération dans une relative opacité doit découvrir sa mission et la remplir ou la trahir». Ces citoyens maliens en armes se sont assumés.
Mais une fois encore, les politiciens véreux, en mal de crédibilité, qui ont mis le pays à genou ont dû trouver leur salut et avoir leur tête sauve en s’appuyant essentiellement sur les forces extérieures. Mais cette politique de fuite va durer combien de temps ?
Tout compte fait, cette politique machiavélique et extravertie rappelle le coup de plume du sieur Togolais Edem Kodjo : «Oui, à force d’avoir regardé vers l’extérieur, à force d’avoir accepté tout de l’extérieur, concepts comme produits…, l’Afrique subit plus que tout autre les effets pervers de la crise venue d’ailleurs».
Après s’être appuyée sur la CEDEAO qui n’est que la marionnette incontestable de la France, la partie de la classe politique qui a participé à la désagrégation du tissu socioéconomique national s’était donnée pour gage de porter un coup d’arrêt à l’action patriotique des militaires visant à assainir la situation chaotique nationale.
Ont-ils réussi ce gage ignoble ? Les militaires ont-ils abandonné leur mission historique visant à redonner confiance au peuple travailleur du Mali ? Le Mali ratera-t-il cette deuxième opportunité d’insuffler une dynamique révolutionnaire en la gestion de notre pays ?
En tout cas, la justice malienne, sous l’impulsion du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, M. Malick Coulibaly, accomplit actuellement des tâches patriotiques dignes d’une justice au service de son peuple. L’armée malienne, qui a été sabotée par cette fallacieuse démocratie à la malienne, se réorganise.
Mais et encore…, il n’est plus un secret pour personne au Mali que la France, qui s’est précipitée de faire pleuvoir un déluge de feu sur les intégristes musulmans dans le Nord-Mali, n’a pas dévoilé tout son calcul. Comme en témoigne la problématique de la gestion de Kidal toujours aux mains du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) qui s’est rendu coupable des pires crimes contre l’humanité à Aguel Hoc contre l’armée malienne totalement sabotée, désorganisée et désarmée par les régimes de Alpha Oumar Konaré et de Amadou Toumani Touré (ATT). Dieu ne saurait les laisser impunis parce qu’ils ont humilié le paisible peuple laborieux du Mali.
La France, en imposant au Mali des élections bâclées, prend le risque majeur de dicter sa volonté à ce peuple. Elle doit se rendre à l’évidence que lorsqu’une nation en opprime une autre, elle va droit à sa perte. Aussi, a-t-elle tout intérêt à faire la bonne lecture du jeu politique national du Mali car les peuples français et malien ne sont nullement identifiables encore moins les peuples ivoirien (la Côte d’Ivoire, un pré carré français) et malien.
En donnant au peuple malien une date butoir pour tenir une élection présidentielle bâclée, la France a fini de dévoiler sa vraie face à notre peuple. Aussi, doit- elle savoir que ses suppôts politiques maliens ont participé à toute la gestion calamiteuse des affaires du Mali par Alpha et ATT. Comme Nietzche l’a dit : «Le temps est galant». La France le comprendra.
Pour honorer la mémoire de toutes celles et de ceux qui ont qui ont donné leur sang pour un Mali nouveau, il faut des hommes crédibles à la tête de nos affaires. C’est en cela que S. Labou dira : «Pour avoir des hommes pour sauver l’avenir». Pour avoir ces hommes, il faut des élections crédibles, organisées par les Maliens et pour le peuple laborieux du Mali et sans le moindre diktat de la France.
Pour réussir ces élections, il faut absolument tourner la sombre page de toutes celles et de tous ceux qui se sont rendus coupables de la gestion calamiteuse des affaires du Mali et cela de Moussa Traoré à ATT. Pour ce faire, il faut un contenu radicalement nouveau à la coopération entre la France et notre peuple, le Mali.
Ainsi s’exprimait cet illustre intellectuel Edgard Pisani : «Un processus de développement africain passe par une distanciation au moins méthodique avec les habitudes, les comportements, les structures, les technologies et les modèles de développement. Pas nécessairement pour rompre».
Ceux qui veulent encore et qui croient en ce peuple doivent se rendre à l’évidence que ce sont les hommes qui sont les artisans de leur propre histoire et que rien ni aucun autre être ne le fera à leur place. C’est pourquoi le président feu Modibo Keïta disait : «Lorsque les propriétaires deviennent des observateurs, c’est le festin des brigands».
Le peuple malien vivra et il vaincra contre vents et marées.
Fodé KEITA