C’est tout le gotha des structures de contrôle et des hautes juridictions qui étaient réunies, hier, au palais de Koulouba, à l’occasion de la cérémonie de remise officielle du Bulletin d’information 2011 et 2012 de la Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’Administration (CASCA) et du Rapport annuel 2012 du Bureau du Vérificateur Général (BVG) au président de la République. Devant cette assistance, composée notamment des membres du gouvernement, des présidents des cours et tribunaux, des procureurs généraux, des inspecteurs en chef de départements ministériels, les premiers responsables de ces deux structures ont, à l’unisson, fait le triste constat que ” le phénomène de la corruption et de la délinquance financière persiste et prend de l’ampleur “. A titre d’illustration, le Vérificateur Général, Amadou Ousmane Touré relèvera que ” ces mauvaises pratiques, ces déficiences morales et éthiques, ces manques d’engagement et de loyauté ont causé une perte financière de 49,39 milliards F CFA à l’Etat “.
De l’analyse des Bulletins de 2011 et 2012, il ressort que le non respect des règles d’attribution des marchés publics continue d’être le nid de la fraude et de la corruption. Une étude transversale sur les Directions administratives et financières (DAF, actuels DFM) a mis à nu un manque à gagner de 9 349 553 746 F CFA, au cours de la période 2003-2009. Une situation qui fait suite à la non attribution des lots aux moins disant, la simulation de mise en concurrence, la falsification de documents, la non constitution des cautions de garanties, la non application des pénalités de retard, les livraisons fictives, le non paiement ou la retenue des droits et taxes afférents aux marchés, la non-conformité des prix des marchés à ceux des contrats.
En ce qui concerne les achats courants, qui ont occasionné un manque à gagner à l’Etat de 6 171 818 173 F CFA au cours de la même période, la CASCA a épinglé l’inexistence et/ou la non-conformité des pièces justificatives, le fractionnement des dépenses, le non appel à concurrence, des frais d’entretien des véhicules et du matériel informatique élevé, des surfacturations et des achats de biens non livrés.
Précisément en ce qui concerne les frais d’entretien du parc auto, le Vérificateur Général a fait remarquer dans son Rapport annuel 2012 le cas d’une fiche d’entretien qui indique que pour une seule et même réparation, plus de 150 pièces ont été installées sur un seul véhicule, en une seule fois.
Quant à l’examen des régies auprès de ces DAF, il en est ressorti un manque à gagner de 2 805 043 685 FCFA. Une telle situation faisant suite à la mauvaise tenue du livre journal, à des paiements indus, au dépassement du seuil autorisé des avances et dépenses.
Dans le Bulletin 2012, la vérification de la gestion de la pharmacie du Centre hospitalier universitaire Gabriel Touré de Bamako fera ressortir, pour la période de 2007 à 2012, l’exécution de dépenses non éligibles pour un montant de 156 559 041 FCFA en violation des dispositions de l’article 5 du décret 06-571 du 29 décembre 206 ; des bordereaux de livraisons non signés pour un montant total de 165 447 094 FCFA ;l’existence d’un manquant de 322 412 025 F CFA entre la valeur du stock théorique de films numériques et celle du stock physique ; le non reversement en banque d’un montant de 12 770 122 FCFA ; la non justification de certaines dépenses effectuées sur le compte bancaire de la pharmacie pour un montant total de 149 010 389 FCFA et, enfin, le non reversement sur le compte de la pharmacie de 11 995 000 FCFA représentant la retenue effectuée sur le salaire des travailleurs au titre de prêts moutons de Tabaski.
Pour ce qui concerne l’éducation, la vérification financière a porté sur le Centre national des œuvres universitaires (CENOU) pour la période 2007-2009. Il en ressort des paiements indus d’heures supplémentaires d’un montant de 3 797 367 FCFA ; le non reversement par les Agents Comptables des Facultés, Instituts et Ecoles d’un montant de 515 100 000 FCFAnon émargés par les étudiants ; le paiement par la Faculté des sciences juridiques et politiques (FSJP) de la somme de 3 190 000 000 FCFA aux étudiants sans statut.
Quant à la DAF du ministère de la Justice, il a été constaté, pour la période 2007-2008, l’inexistence de pièces justificatives pour un montant de 1 732 061 807 FCFA ;l’existence de fausses signatures pour un montant de 22 531 175 FCFA ; la non justification des indemnités des membres de la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH) pour un montant de 14 196 000 FCFA ; des achats surfacturés pour un montant total de 15 881 815 FCFA. La liste des mauvaises pratiques de fraude n’est pas exhaustive.
En guise d’illustration des pertes que l’Etat subit du fait de ces mauvaises pratiques, le Vérificateur Général, au cours de la remise de son Rapport annuel 2012 intervenu hier dans l’après-midi toujours au palais de Koulouba, a fait remarquer que l’Etat a acquis, sur les exercices budgétaires 2009, 2010 et 2011, 1466 véhicules pour un coût total de plus de 38 milliards FCFA. Sur la même période, 1891 véhicules, âgés pour certains de moins de 5 ans, ont été admis à la réforme pour un prix de cession proposé par la commission de réforme d’environ 643 230 805 FCFA. C’est ainsi, selon lui, que la reforme des véhicules de l’Etat, loin d’être une opportunité d’assainir le parc de l’Etat et d’alléger ses dépenses, est devenue une incroyable source d’appauvrissement délibéré organisé de son patrimoine.
Pour Amadou Ousmane Touré, il en est de même des immeubles bâtis et non bâtis qui ont été évoqués dans le Rapport annuel 2011 et qui le seront dans celui de 2013.
Prenant la parole au cours de chacune de ces cérémonies de remise, le président IBK, face à ce tableau qui ternit l’image du pays et ralentit son développement, a martelé que “ l’argent du peuple sera restitué…et cela sans préjudice aucun des réparations et poursuites requises “. Pour le président de la République ” la guerre qui est déclarée depuis longtemps dans ce pays, du moins au plan théorique, contre la corruption, est cette fois-ci bel et bien engagée et ira à son terme “.
Attendons donc de voir la suite.
Mamadou FOFANA