Quatre jours avant le départ du président de la République, prévu pour ce lundi 6 juin, à destination de New York, pour remettre la Déclaration de Bamako sur le VIH – Sida, il fallait trouver un agneau sacrificiel afin de rendre la voix d’ATT plus audible au niveau de cette tribune de haut niveau et des généreux donateurs. A cet effet, le Procureur Bouaré de la Cour Suprême a été mis à contribution pour convoquer l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahim Touré, et dresser un réquisitoire sévère, avant de lui dire qu’il était inculpé pour quatre motifs.
Il s’agit des crimes d’atteintes aux biens publics, de détournements de biens publics, de faux et usage de faux, de favoritisme et complicité de favoritisme. De plus, contrairement à la pratique judiciaire observée au Mali jusque là, ce désormais illustre procureur a pondu un communiqué, lu sur les ondes de l’ORTM (radio et télévision), pour informer l’opinion publique des charges qui pèsent sur le Vice-président de l’URD. Et, par la même occasion, lancer une opération de séduction envers les bailleurs de fonds.
Dans l’entendement d’une bonne partie du public, qui n’est pas habitué à ce genre de communiqués, surtout dans des affaires sensibles comme celle-ci, l’inculpation, c’est la culpabilité, voire la condamnation. Or, l’inculpation n’est rien d’autre que de porter à la connaissance de quelqu’un des faits qui lui sont reprochés et d’ouvrir son dossier afin qu’il ait accès aux informations qui y sont pour se défendre.
En effet, depuis six mois, la justice malienne enquête sur le dossier du Fonds mondial. Plusieurs personnes ont déjà été inculpées puis écrouées. Elles et leurs avocats ont connaissance des dossiers, alors qu’Oumar Ibrahim Touré, n’étant jusque là pas concerné par les documents constitués, en ignorait le contenu. Maintenant, il va entrer dans le dossier, savoir tout ce qu’il contient et pouvoir se défendre de manière adéquate. Rappelons ici la présomption d’innocence et qu’une personne inculpée n’est pas obligatoirement coupable.
Oumar Touré a bénéficié du privilège de juridiction parce qu’au moment des faits il avait le statut de ministre. Pour autant, dans l’instruction, il n’a bénéficié d’aucune faveur. Le fait qu’il soit inculpé et libre est loin d’en être une. En matière judiciaire, la mise en liberté est la règle, le placement sous mandat de dépôt est l’exception. En effet, on ne place quelqu’un sous mandat de dépôt que lorsque la liberté peut troubler l’ordre public, si la personne en liberté peut suborner des témoins ou faire disparaitre des pièces nécessaires à la manifestation de la vérité ou si la personne peut fuir. Manifestement, les pièces sont dans les dossiers et les témoins entendus. Dès lors, Oumar Ibrahim Touré n’a aucun intérêt à fuir, surtout qu’il ne se reproche rien et qu’il a eu tout le temps de prendre la poudre d’escampette s’il voulait le faire, puisqu’il qu’il a voyagé au moins dix fois depuis sa sortie du gouvernement, le 5 décembre 2010.
N’importe quel juge doté de bon sens, aurait agi de la même manière (inculpation et liberté). L’enfant de Goundam, qui rejette toutes les accusations formulées par Bouaré, est cependant disposé à bien coopérer avec la justice, d’abord pour la manifestation de la vérité, mais surtout laver son honneur et permettre le rétablissement des relations plus sereines entre le Mali et le Fonds mondial. Le seul argument qu’on peut lui opposer, c’est sa responsabilité politique. Et celle-là, il l’a pleinement assumée, en démissionnant volontairement du gouvernement Modibo Sidibé. Il n’a aucune responsabilité personnelle dans cette nébuleuse affaire.
Ce qui est sûr et certain, c’est qu’Oumar Ibrahim Touré plaidera non coupable. Lui et son célèbre avocat, Me Mountaga Tall, sont prêts à démonter les motifs d’inculpation et à prouver l’innocence d’un honnête citoyen, victime principalement de son ascension politique. Et il est fort possible que, si le magistrat instructeur n’est pas sous pression, l’ancien ministre bénéficiera dans un bref délai d’un non lieu partiel ou total.
En dehors du prétoire depuis 20 ans, Me Tall a décidé de plaider ce dossier, malgré un agenda politique très chargé. Joint par téléphone, Me Tall nous a simplement déclaré: «Je suis son avocat. Je plaiderai ce dossier, parce que les intérêts d’Oumar Ibrahim Touré et ceux du Mali s’y recoupent. Pour l’instant, je me limite à cela et je n’ai rien d’autre à dire». Vivement donc la poursuite des investigations pour que la vérité soit enfin connue. A suivre.
Chahana Takiou