Élian Fanta Zerbo, précédemment Régisseur spécial à la DAF de la Primature, croupit discrètement derrière les barreaux à la Maison d’arrêt de Bolé sise à Banankabougou en Commune VI. Depuis près de deux années que ça dure, peu de gens s’apitoient sur son sort, en dehors peut-être de ses trois enfants et d’un époux sans doute malheureux. Ce ne sont pas ses nombreuses victimes qui vont s’empresser de voir la procédure s’accélérer en sa faveur. En tout cas pas avant d’être rassurées de rentrer en possession de leurs dus.
Et pourtant, après une malchanceuse stagnation imputable à la longue grève des magistrats, le sulfureux dossier qu’elle traîne comme un boulet aurait pu connaître une évolution. Et pour cause, de source bien introduite, l’affaire devait avoir échu aux mains du redoutable Pôle économique, par le biais notamment des services d’Interpole où les multiples déboires de la Régisseur ont été mis à nu les unes après les autres, suite aux alertes sonnées par deux bonnes dames extorquées à hauteur d’une trentaine de millions de nos francs. Sans doute moins patientes que beaucoup d’autres de leurs associés – et certainement lasses d’attendre les promesses de commandes publiques miroitées en échange des liquidités qu’elles ont avancées -, les deux victimes décident finalement de recourir à des mesures policières pour se faire rembourser.
Les services de l’Interpole sont ainsi saisis pour une interpellation au cours de laquelle Mme Zerbo n’a daigné se dérober. Sans doute n’en avait-elle pas le choix car les traces de l’argent contracté à ses deux usurières sont consignées dans une décharge en bonne et due forme, avec à la clé le cachet des services financiers de la Primature ainsi que toutes les caractéristiques qu’il fallait pour donner assez de crédit à ses miroitements et inciter les potentiels fournisseurs de l’administration, les chasseurs de marchés publics, à remplir sa cagnotte d’espèces sonnantes et trébuchantes. Dans l’espoir sans doute de récupérer leur mise au décuple par les juteuses adjudications miroitées. C’est par cet appât, en effet, que le maximum de poissons ont été drainés dans le filet de la bonne dame. On peut en juger par le riche contenu du box des victimes – dont la plupart sont d’habituels fournisseurs de la Primature qui, jusqu’avant l’arrestation de la Régisseur, ignoraient qu’elle avait été longtemps démise de ses fonctions. Il nous revient, de sources concordantes, toutefois, que nombre de victimes ont été piégées par le fait que leur bourreau continuait d’occuper ses bureaux à la DAF de la Primature, en dépit de son limogeage.
Quoi qu’il en soit, le pot-aux-roses découvert a ouvert la boîte de Pandore avec un impressionnant ballet de plaignants, les uns plus étonnés et stupéfaits en apprenant les aventures des autres. D’aucuns ont misé sur les promesses de la Régisseur pour des dizaines de millions, tandis que d’autres peuvent exhiber des décharges à concurrence de la cinquantaine voire de la centaine de millions, toutes perçues par le même modus operandi : la collecte de ristournes sur des marchés d’autant plus fictifs qu’ils n’existent que dans les seules promesses. À tous également, le même motif est évoqué pour les encourager à miser sur lesdites promesses : les besoins urgents en liquidité du Premier ministre en personne.
Somme toute, les nombreuses souscriptions additionnées atteignent au bas-mot la rondelette de 400 millions de nos francs, y compris une importante somme extorquée à son propre cousin. Sollicité aux fins d’étouffer l’affaire à la police en remboursant les deux premières plaignantes, ce dernier, rapportent nos sources, a évité de justesse une nouvelle extorsion en découvrant l’étendue de la supercherie. Et pour cause, la brave Régisseur démise de ses fonctions n’a ni commande publique à offrir et ne dispose non plus du moindre rotin pour rembourser ses victimes. Les multiples interrogatoires et enquêtes policières ayant ponctué sa détention ont permis de lui arracher une reconnaissance de la quasi-totalité des montants réclamés mais sans réussir, en revanche, à repérer un patrimoine personnel qui puisse gager le préjudice infligé à ses pauvres prébendiers.
Ceux-ci, au demeurant, vivent avec la grande inquiétude de voir leur bourreau se tirer d’affaire impunément puisque des rumeurs très persistantes faisaient état un moment d’une possible remise en liberté, au mépris des indélicatesses imputables à la prévenue et de l’imposture infligée à ses victimes.
A KEITA
Décidément les KEITA aiment la langue de Molière voire même le latin grec!
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