Il y a un an que plusieurs cadres de la santé sont incarcérés dans le cadre d e l’affaire du Fonds mondial : A quand le procès des 25 personnes inculpées ?

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C’est, en effet, la question que ne cessent de se poser les personnes écrouées, depuis août 2010 pour la plupart, dans le cadre de l’affaire de détournement d’importantes sommes d’argent au détriment du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. Un petit espoir était apparu annonçant l’imminence d’un procès quand, en juin dernier, le parquet général près la Cour Suprême du Mali avait inculpé et mis sous contrôle judiciaire l’ancien ministre malien de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, pour atteinte aux biens publics, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, favoritisme et complicité de favoritisme. Depuis  plus rien. D’où l’anxiété qui grandit chez les détenus eux-mêmes mais également chez leurs proches qui ne savent plus à quel saint se vouer. 

Ils plusieurs cadres et agents de la Santé et des opérateurs économiques qui croupissent en prison depuis, pour la plupart, le mois d’août dernier. En effet, on était le 4 août 2010 quand des politiciens en civil civils sont partis interpeller l’ex-Directeur Administratif et Financier (DAF) du ministère de la Santé, Ousmane Diarra, à son bureau au moment où il s’apprêtait à fermer pour rentrer à la maison. Après un petit séjour au Pôle Economique et Financier du redouté Sombé Théra, l’ex-grand argentier du département de la Santé est conduit le lendemain à la maison centrale d’arrêt de Bamako (prison centrale).

 

L’arrestation d’Ousmane Diarra fait suite à la découverte, une année auparavant, par le bureau de l’Inspecteur Général du Fonds mondial de gros trous dans les caisses de l’institution des Nations Unies en charge de  la lutte contre les trois fléaux les plus dévastateurs de la planète. Après avoir procédé à la collecte d’informations sur les passations de marchés notamment, le Fonds mondial a pu fournir aux autorités maliennes suffisamment de preuves à même de confondre de hauts responsables de la Santé, cadres et agents dudit département et des opérateurs économiques. Les 55 000 pièces qui ont été rassemblées et les disques durs des ordinateurs qui ont été auscultés en disent assez sur l’étendue de la fraude dont le Mali et le Fonds mondial ont été victimes. De plus en plus sur la question les langues se délient. On parle au bas mot de plus de 2 milliards F CFA qui ont été détournés par ceux-là qui avaient en charge la gestion de ces ressources. Principalement au niveau du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), d’énormes sommes d’argent ont été décaissées pour financer l’achat d’équipements, de consommables médicaux, de médicaments et même des laboratoires mais qui n’ont jamais vu le jour. En clair, des achats et des constructions fictifs à la pelle. Sans souci ni pour les malades ni pour l’Etat dont la crédibilité s’est trouvée au plus bas auprès des partenaires techniques et financiers. Malheureusement  ce sont des agents du même Etat qui tentent, dans cette affaire, de faire l’avocat du Diable. Alors que les faits en eux-mêmes parlent beaucoup plus et mieux que tout autre procès d’intention. Comme on le dit dans le jargon " les faits sont têtus ".

 

Inculpé mais libre et à la maison   

Une autre réalité dans cette affaire, c’est le fait que le principal suspect, à savoir l’ex-ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, est miraculeusement libre de ses mouvements et coule des jours paisibles à la maison  au moment où le menu fretin croupit dans la chaleur torride et les dures conditions de la prison. Qu’ont-ils fait pour mériter une telle mesure ? Pourquoi leurs multiples demandes de liberté provisoire sont-elles toujours demeurées sans suite ? 

 

Oumar Ibrahima Touré est-il différent des 15 autres cadres,  agents de la Santé et opérateurs économiques qui croupissent en prison depuis un an maintenant ? Voici de légitimes questions que ne cessent de se poser les personnes incarcérées dans cette affaire qui a besoin d’être jugée maintenant. Tous les rapports étant depuis  entre les mains de la justice, c’est un devoir voire une exigence que justice soit faite. Afin que soit rendue la différence entre l’ivraie et la bonne graine. Sauf si le gouvernement malien se sentirait lié au dépôt du rapport final du Fonds mondial. Un document attendu pour septembre prochain.

 

Un autre souci pour la justice malienne, c’est le fait que des proches de certaines personnalités sont ciblées dans cet autre rapport que le Fonds mondial s’apprêterait à déposer dans les plus brefs délais auprès de la présidence de la République à laquelle le Haut conseil national de lutte contre le Sida (HCNLS) est rattaché. Il s’agit d’un rapport portant également sur des passations de marchés à ce niveau où de très proches de barons du regime se seraient sucrés sur le dos du Fonds mondial. On se rappelle que Guy Bourassa, l’auditeur chevronné du bureau de l’Inspecteur Général du Fonds mondial avait été, en septembre 2010, traité de tous les noms d’oiseau pour avoir voulu fouiné dans certains dossiers ultrasensibles au niveau de ce Haut conseil. Depuis, l’homme avait quitté le Mali sans espoir d’y revenir dans le but de poursuivre sa mission, ô combien salvatrice pour les pauvres populations et les malades qui n’ont aucune possibilité de se faire soigner aux frais de l’Etat.

 

C’est donc une autre affaire qui pointera bientôt le nez. Et cela avant même que soit jugée celle dite du Fonds mondial. En tout cas, pour le citoyen lambda, l’heure ne doit pas être à la dissimilation de preuves encore moins aux manœuvres de distraction de l’opinion nationale qui a fort besoin de savoir qui a volé le peuple en détournant les ressources de la Santé pour construire des villas et châteaux par-ci et acquerir des grosses cylindrées, sur des marchés de moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII), par-là. Des marchés de MII qui n’ont, d’ailleurs, pas été livrés comme stipulé dans le contrat.

 

Il y a aussi l’affaire des pots-de-vin et des marchés fictifs traités avec des opérateurs économiques qui souffrent aujourd’hui le martyre. Au procès – dans la mesure où un procès est désormais obligatoire, les PTF (partenaires techniques et financiers) étant à nos trousses pour cela- les interventions de ceux-ci sont vivement attendues. Dans la mesure où elles permettront de jauger le degré d’implication des hauts responsables de la Santé dans le détournement des ressources pour la Santé. Aussi tout ce beau monde, qui se prend pour victime expiatoire, aura son mot à dire.

 

Et à la justice d’appliquer la sanction qu’il faut. En toute indépendance, serait-on tenter de le rappeler. Car, au rythme où vont les choses, la liberté accordée à certaines personnes inculpées fait craindre, aux yeux des détenus à qui la liberté provisoire est refusée, une situation dans laquelle ce sera uniquement le menu fretin qui ira au four. Ceux-ci ne peuvent jamais comprendre que l’ex-ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, poursuivi pour atteinte aux biens publics, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, favoritisme et complicité de favoritisme soit en liberté et eux, qui ignorent parfois pourquoi ils sont en prison, ne puissent même pas bénéficier d’une liberté provisoire. La raison d’Etat est elle passée par là ? Allez-y savoir.

Mamadou FOFANA

 

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