Depuis plusieurs semaines la désormais fameuse affaire du Fonds Mondial alimente les colonnes de la presse. C’est surtout l’ancien Chef de Cabinet du ministère de la Santé, Mamadou Fofana, limogé il y a quelques mois, chroniqueur actuellement dans un organe de la place, qui distille des informations des plus alarmantes sur ce détournement de fonds. Il le fait avec frénésie, acharnement et, surtout, méchanceté. En fait, il essaie, à travers cette affaire, de régler ses comptes personnels, ce qui jure avec le sacerdoce de notre profession.
Sans nous attarder sur le comportement inqualifiable de Mamadou Fofana, ce qu’il faut retenir essentiellement dans ce dossier, c’est qu’il a eu bel et bien un détournement de fonds, portant sur 140 millions de FCFA. Cette pratique frauduleuse, découverte en octobre 2009, est consécutive à une imitation de signature, imputée par le département de la Santé à Issiaka Diallo, le comptable gestionnaire du Fonds Mondial. Conséquence: le ministre de la Santé n’a pas hésité un instant à saisir le Procureur anti-corruption, Sombé Théra, le 20 octobre 2009 précisément. Informé, le Fonds Mondial a dépêché des enquêteurs à Bamako. Ceux-ci ont travaillé en toute liberté et ont rencontré les cadres concernés, les prestataires de services et tous ceux qui étaient impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans la gestion de ces fonds. Les missionnaires du Fonds Mondial sont donc repartis satisfaits, en promettant d’envoyer au ministre de la Santé leur rapport, afin que ce dernier puisse suivre au mieux le dossier.
Malheureusement, ce rapport n’a toujours pas été communiqué au ministre concerné et le principe élémentaire du contradictoire en matière de contrôle n’a pas été observé par les vérificateurs du Fonds Mondial. Cependant, il semble que le rapport ait été rédigé et envoyé à Bamako, puisque, sur la base des éléments contenus dans ce document, le Procureur Sombé Théra a déjà procédé à des arrestations tous azimuts. Ainsi, la Direction Administrative et Financière du ministère a-t-elle été décapitée, avec l’arrestation de son Directeur, Ousmane Diarra, de la Coordinatrice du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), Dr Halima Naco et de plusieurs agents financiers du département.
Le rapport que le quotidien national «L’Essor» qualifie d’invisible a été certainement transmis soit au Président de la République soit au Chef du gouvernement. Et c’est certainement l’une de ces deux personnalités qui a remis le dit document au Procureur anti-corruption pour enquête. Mais, le hic, c’est que le ministre, le premier intéressé, a été mis à l’écart. A quelles fins? Peut-être pour plus de transparence. Mais, même dans ce cas-là, la méthode est peu catholique. Ce qui est sûr, c’est que le ministre n’a qu’un pouvoir d’orientation et de conseil. Il ne gère pas les fonds et n’a aucune signature pour la sortie de ces derniers. Le gestionnaire des fonds a été recruté par le Fonds Mondial, sur la base de critères que celui-ci a lui-même fixés. Ainsi, il importe de rappeler que le ministre Touré n’était même pas à la tête du département, en 2003, lorsque le gestionnaire du Fonds a été recruté.
Les montants détournés s’étalent sur plusieurs années, avant même que le ministre Touré ne découvre le pot-aux-roses, en octobre 2009 et ne porte plainte auprès du Tribunal de la commune III. Il faut donc reconnaître que c’est le chef du département de la Santé qui a enclenché cette procédure, pour y voir plus clair dans la gestion du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose. Alors, pourquoi veut-on mouiller le ministre Oumar Ibrahim Touré, sachant bien que la responsabilité au niveau de la gestion est individuelle? Affaire à suivre.
C.T
Au moment des arrestations opérées par le Procureur Sombé Théra, le 6 août dernier, Mohamed Berthé, adjoint de la Coordinatrice du Programme national de lutte contre la tuberculose, était en mission à Paris. Ceux qui n’avaient pas la bonne information ont d’ailleurs fait circuler la rumeur qu’il avait pris la tangente. Mohamed Berthé n’est pourtant pas un fugitif. La preuve, c’est qu’il est revenu à Bamako de lui-même et qu’il s’est constitué, mardi dernier, prisonnier pour les besoins de l’enquête.
Chahana TAKIOU