Direction des Domaines et du Cadastre du District de Bamako : Un trou de 863,65 millions de FCFA dans la caisse

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Les responsables de la Direction des domaines et du cadastre du District de Bamako (DDC-DB) risquent gros car au cours de leurs fouilles les enquêteurs de l’administration y ont découvert (à leur corps défendant) un trou de 863,65 millions de FCFA dans la caisse de la structure. D’où la décision du Bureau du Vérificateur général (BVG) de remettre le dossier aux autorités judiciaires.

A l’origine de ce gouffre financier, le dysfonctionnement constaté à tous les niveaux, ou presque, de la DDC-DB, qui va de la violation flagrante des procédures d’exécution des baux au manque de transparence dans la gestion des ressources,  entre autres. A en croire le rapport d’enquête (dont nous possédons une copie), le contrôle interne de la DDC-DB présente des défaillances à tel point qu’elle n’a jamais respecté l’organigramme et les modalités de fonctionnement du service. Du coup, le personnel de la DDC-DB dépasse de 119 agents l’effectif prévu par le cadre organique. Sans base légale, elle perçoit un montant forfaitaire de 2500 FCFA de frais de réquisition au même moment, elle ne dispose pas de manuel de procédures administratives. Les opérations ne sont pas informatisées et les archives ne sont pas sécurisées au niveau des Antennes. Pire, la DDC-DB ne dispose pas de mécanisme efficace de suivi des baux et de recouvrement des redevances. Au total, 20 baux avec promesse de vente arrivés à expiration et situés dans la zone industrielle de Bamako n’ont été ni cédés aux preneurs ni repris pour le compte de l’Etat. Et cela, en violation de l’Article 65 du Décret N°01-040/P-RM déterminant les formes et conditions d’attribution des terrains du domaine privé immobilier. En plus, dans les cas où une révision des redevances est inscrite dans les actes administratifs des baux, la DDC-DB n’y procède pas. Ce manque de vigilance dans le suivi des baux prive l’Etat d’importantes ressources financières. En outre, la DDC-DB n’effectue pas de contrôle sur les déclarations de Taxe ad valorem (TAV) transmises par les sociétés minières. Elle ne s’assure pas non plus de l’exactitude des chiffres communiqués par ces sociétés.

Ce qui fait que la DDC-DB ne dispose pas d’une expertise adaptée en matière de contrôle fiscal des sociétés minières.De leur côté, les Antennes du Bureau Spécialisé ne respectent pas certaines dispositions du Décret N°02-112/P-RM du 6 mars 2002 déterminant les conditions d’attribution des Concessions Urbaines d’Habitation (CUH), notamment les Articles 3, 5 et 6. L’Antenne de la commune IV, par exemple, a enregistré de multiples attributions de terrains. En effet, de 2008 à 2010, plusieurs personnes ont bénéficié, à titre individuel, de 5 à 14 lots à usage d’habitation. L’Antenne a également permis l’enlèvement de 811 CUH par de tierces personnes sans mandat. A titre d’illustration, en 2009, 5 de ces personnes ont retiré entre 38 et 56 CUH. Quant à la comptabilité des Antennes du Bureau Spécialisé, elle est mal tenue. Il n’existe pas de journal de caisse et les opérations d’encaissement des 10% des frais d’édilité sur les CUH ne sont pas fiables. Le hic qui fait tilt, c’est que de 2008 à 2010, la DDC-DB a accordé des avantages à 15 promoteurs immobiliers n’ayant pas fourni d’agrément de leurs programmes immobiliers, en violation des dispositions de l’Article 10 du Décret N° 00-274/P-RM du 23 juin 2000 déterminant les modalités d’attribution des avantages accordés aux promoteurs immobiliers. A en croire les enquêteurs, la DDC-DB a commis des irrégularités dans l’application des prix de cession et dans la gestion des baux. La structure a minoré des prix de cession de terrains et n’a pas appliqué le principe de la majoration des prix de cession pour un montant global de 80,35 millions de FCFA, en violation des dispositions du Décret N°02-114/P-RM du 6 mars 2002 portant fixation des prix de cession et des redevances des terrains urbains et ruraux du domaine privé de l’Etat. En outre, la DDC-DB a accordé, à des promoteurs immobiliers n’ayant pas fourni de programmes immobiliers agréés des avantages indus se chiffrant à 163,94 millions de FCFA, en violation des dispositions du Décret N°00-274/P-RM du 23 juin 2000 déterminant les modalités d’attribution des avantages accordés aux promoteurs immobiliers. De ce fait, la gestion des baux a révélé des arriérés de redevances d’un montant de 313,53 millions de FCFA. De 2008 à 2010, la fraude au sein de la DDC-DB a occasionné une saignée financière de 550,12 millions de FCFA. S’y ajoute la somme de 51,11 millions de FCFA de recettes perçues et non reversées à l’Etat malien, dont 23,56 millions reversés lors de la mission de vérification. Pourquoi ? Seuls les responsables de la DDC-DB pourront  répondre.

Les responsables en taule position

Selon les enquêteurs, de telles pratiques ont poussé la DDC-DB à la radiation d’hypothèques à hauteur de 254,71 millions de FCFA, et cela, sans fondement légal. Les enquêteurs ajoutent que par des Avis à tiers détenteur (ATD), la DDC-DB a réalisé des excédents de recettes qui ont été utilisés par d’autres structures. Cependant, par LettreN°731/DDC-DB du 17 décembre 2010, la DDC-DB  a demandé à la Régie Générale du District de retenir un montant de 254,71 millions de FCFA sur ces excédents de versement pour le compte de la DNDC afin de régler les frais de radiation de l’hypothèque inscrite par la société MORILA-SA en garantie d’un emprunt qu’elle a contracté. Sans management, la DNDC a effectué la radiation de l’hypothèque sur le droit de superficie de la société minière MORILA-SA, en violation des Articles 108 (nouveau), 178, 186 du CDF et des Articles 124 et 196 révisés de l’Acte Uniforme de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique) portant organisation des Sûretés. Mais la DNDC a procédé à la radiation sans la demande expresse de la société minière. En effet, MORILA-SA n’a déposé aucun acte authentique permettant de procéder à la mainlevée. En fait, la DNDC s’est servie de la Lettre N°04337/MEF-SG du 27 décembre 2010 du Ministre de l’Economie et des Finances comme « fondement », alors que celle-ci ne lui confère aucun droit pour procéder à ladite radiation. Au fond, la DNDC a irrégulièrement recouvré 254,71 millions de FCFA au titre des frais de radiation de l’hypothèque de MORILA-SA, dont 206,40 millions de FCFA prélevés sur les fonds de la société minière SOMILO-SA, personne morale distincte de MORILA-SA, et 48,31 millions de FCFA sur les fonds de MORILA-SA. En plus, le recouvrement des frais de radiation par la DNDC a précédé la Lettre du Ministre qui a servi (à tort) de fondement à cette radiation. La RGD a transféré à la Trésorerie régionale de Sikasso pour le compte de la DRDC de Sikasso, les frais de radiation de 254,71 millions FCFA. C’était le 30 novembre 2010, bien avant la Lettre N°04337/MEF-SG du Ministre de l’Economie et des Finances datant du 27 décembre 2010. Par ailleurs, la Direction nationale des domaines et du cadastre (DNDC) a indument perçu un montant de 101,88 millions de FCFA au titre du salaire du Conservateur réparti entre ses agents. De  surcroît, et au détriment du budget national, cette somme de 101,88 millions de FCFA dépasse de 16,98 millions de FCFA le montant prévu aux Articles 432 et 435 B 10 du CGI qui fixent la répartition des frais de radiation entre le budget national et le salaire du Conservateur. Bref, ce sont ces dysfonctionnements qui sont à l’origine du gouffre constaté dans la caisse de la DDC-DB, soit u total la bagatelle de 863, 65 millions de FCFA pour l’Etat malien.

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui souhaitent voir les responsables de la DDC-DB ailleurs qu’à la tête de cette structure à cause « de la corruption et du népotisme érigés en mode au sein de ce service » disent-ils. Jugée pourtant stratégique par le gouvernement, dans sa politique de règlementation relative au domaine, au cadastre et à la propriété foncière dans le District de Bamako, la DDC-DB n’a pas échappé à l’appétit vorace de ses responsables. Par « petites lampées », ils ont « sucé » les caisses et érigé le népotisme en mode de gestion. L’espoir tant suscité auprès des populations a ainsi viré au cauchemar. Face à toutes ces irrégularités qui ont engendré une perte sèche de 863,65 millions de FCFA pour la DDC-DB, les enquêteurs recommandent la transmission du dossier aux autorités judiciaires afin que les « bouffeurs » de la DDC-DB puissent s’expliquer sur la disparition de ces fonds, mais aussi rendre à l’Etat ce qui n’est pas à eux. Pour recouper nos informations, nous nous sommes rendus à la Direction des domaines et du cadastre du District de Bamako (ancien gouvernorat du District sis à Darsalam), pour rencontrer le Directeur de la structure, Théodore Dembélé. Mais  à peine avons-nous ouvert la bouche que la Secrétaire nous vole dans les plumes en ces termes : « Le Directeur ne reçoit que sur rendez-vous ! ». Pourtant, à l’entrée du Secrétariat, il est affiché que « pour les visites, le DG reçoit tous les jeudis ». Alors, la Secrétaire nous conduit chez le Chef de division, Monsieur Pléa. « Les faits que vous avancez sont réels et les chiffres sont estimés dans les 800 millions… », a-t-il reconnu. Mais il s’en défend sans convaincre : « Parmi ce montant, il y a des sommes qui pourront être recouvrées. Mais il y en a d’autres qui ne pourront pas être récupérées ». Et comme pour se disculper, il déclare ne pas pouvoir donner d’autres explications, mais tout en assurant que le DG nous rappellera dans l’après-midi pour d’autres détails. Peine perdue car nous attendons toujours ce coup de fil. Le moins que l’on puisse dire donc, c’est que beaucoup de responsables de la DDC-DB sont aujourd’hui en « taule » position. A suivre.

Jean Pierre James

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