Que l’actuel ministre de la culture se rende complice des malversations financières orchestrées par l’indélicat responsable financier du département en le maintenant à son poste en toute impunité, cela est intolérable. Mais lorsque le juge anti-corruption, à qui le chef de l’Etat a confié la mission « d’assainir les finances à tous les niveaux », reste indifférent en refusant de sévir face à un détournement aussi spectaculaire de près d’un milliard de francs CFA, l’on est en droit de s’interroger sur la capacité du magistrat à relever le défi qui lui est assigné par l’Etat.
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rnDans notre livraison n°312 du mardi 20 novembre 2007, sous le titre : « Ministère de la culture : le DAF miraculeusement refait surface », nous annoncions la reprise de service, en toute impunité, du Directeur administratif et financier du ministère de la culture, M. Cheick Hamallah Haïdara. Grande stupéfaction fut en effet ce jour 4 octobre 2007 au ministère de la Culture au lendemain de la formation de la nouvelle équipe gouvernementale conduite par M. Modibo Sidibé. Le responsable financier du département qui avait été suspendu depuis le 14 février dernier par l’ancien ministre de la Culture , M. Cheick Oumar Sissoko, avait, contre toute attente bénéficié le 28 septembre dernier, soit quelques heures seulement après la démission du gouvernement Ousmane Issoufi Maïga, d’une levée de suspension sans autre forme de procès. L’homme qui a visiblement fait ses entrées dans les hautes sphères de l’administration du pouvoir, n’a pu être relevé par son ministre (malgré les fautes graves) de sa part, à cause d’une forte pression au niveau de ses chefs hiérarchiques. Le ministre Cheick Oumar était donc obligé de se contenter d’une suspension malgré la moralité tout à fait douteuse de son responsable financier.
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rnDes malversations financières autour d’importantes sommes, des appels d’offres douteux, des procédures d’émission des bons de commande en violation flagrante de toutes dispositions règlementaires, des détournements spectaculaires autour de fonds pour le fonctionnement et la rénovation de certaines structures relevant du département, les griefs retenus contre le directeur administratif et financier sont nombreux et justifient à suffisance la colère de l’ancien ministre Cheick Oumar. « En septembre 2006, le DAF avait déjà consommé le budget du 4ème trimestre. Ceci est le témoignage éloquent de la moralité douteuse dans la gestion des fonds » s’indigne une de nos sources, non moins haut responsable d’une structure rattachée au ministère, dont le financement pour le bon fonctionnement et les travaux de rénovation de son service ont été tout simplement détournés à d’autres fins. Le responsable culturel, qui n’a visiblement pas sa langue dans la poche, l’a clairement évoqué au nouveau ministre de la Culture au cours de ses visites de prises de contact avec les services relevant de son département. Devant le ministre Mohamed El Moctar, l’homme a déclaré, à qui veut l’attendre, au cours de la visite que le mauvais fonctionnement de son service et l’état vétuste des locaux et des matériels de travail, étaient dus à « l’incompétence » du service financier du ministère dans le déblocage des fonds pour la cause et l’attribution des marchés auquel la réunion de cabinet avait donné son feu vert. (Voir « L’Indicateur n° 312 du mardi 20 novembre 2007).
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rnComme si cela ne suffisait pas, le dernier rapport du Vérificateur général est sans complaisance et vient réconforter la position tranchée du ministre Cheick Oumar d’en découdre avec l’indélicat DAF. Au nombre des griefs retenus, en effet, contre lui par les services du vérificateur, figurent entre autres, le « non respect de la procédure d’émission des bons de commande », « l’absence d’appel à concurrence pour des dépenses de fonctionnement pour un montant de 269 millions 875.596 francs CFA », « l’existence de fractionnement des achats courants et des prestations de services », le « non respect du principe de la spécialité budgétaire », la « violation flagrante de l’article 38 du code des marchés en ce qui concerne la mise en place des commissions de dépouillement et de jugement des offres » etc. Bref, à en croire le rapport 2006 du Bureau du Vérificateur général, ce sont environ 928 millions 278.419 francs CFA qui sont partis en fumée. Un véritable scandale digne d’un gâchis financier orchestré par le tout-puissant directeur administratif et financier du ministère de la culture. En reprenant du service au même poste à la surprise général, notamment du Vérificateur général, M. Cheick Hamallah Haïdara vient de confirmer la thèse qu’il bénéficie d’une forte protection. On imagine mal un tel scénario dans notre pays au moment où le président de la République fait de la lutte contre la corruption et la délinquance financière son cheval de bataille.
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rn« Dans le cadre de la lutte contre la corruption, tout en veillant à la prévention par les procédures et contrôles appropriés et à la sanction le cas échéant, les chantiers à ouvrir en priorité seront la relecture du code des marchés publics, la réforme des Directions Administratives et Financières (DAF ) et l”organisation des Etats Généraux de la lutte contre la corruption dès le premier semestre 2008 pour parvenir à un projet national partagé de lutte contre la corruption et instaurer les bonnes pratiques dans la gestion des affaires et des deniers publics »
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rnC’est en effet en ces termes que le président de la République , Amadou Toumani Touré a, dans sa Lettre de cadrage remise au chef du gouvernement Modibo Sidibé, annoncé les couleurs de sa croisade contre la corruption et la délinquance financière au titre de l’exercice de son second mandat. Mais auparavant, à la rentrée gouvernementale du 8
rn octobre, le chef de l’Etat avait déjà donné le ton. En déclarant qu’il sera « particulièrement exigeant sur la gestion des ressources publiques », le président met en garde contre toute atteinte aux ressources publiques.
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rnLe DAF Cheick Hamallah Haïdara échappera-t-il à cette croisade ? Difficile pour nous d’en dire plus. Mais face au spectacle du gâchis financier dont il est l&
rsquo;auteur, le juge anti-corruption, le sieur Sombé Théra, doit sévir en lui exigeant des explications sur la gestion desdits fonds. C’est véritablement en cela qu’il aura accompli loyalement la mission que le chef de l’Etat lui a assignée. Celle d’assainir les finances du pays à tous les niveaux. Mais le silence radio observé par celui-ci face à l’énormité d’une telle délinquance financière est à la limité intolérable et nous amène à nous interroger sur la capacité du juge à relever le défi qui est le sien. Tenez-vous bien, pour la seule gestion de Cheick Haïdara, ce sont plus de 928 millions de nos francs, soit environ la moitié du financement du troisième pont de Bamako, qui se sont volatilisés en toute impunité et dans l’indifférence générale. Dans un pays en voie de développement comme le nôtre, un tel crime économique ne peut rester impuni. Du moins si les plus hautes autorités veulent établir une cohérence entre l’acte et la parole.
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rnAffaire à suivre.
rnIssa Fakaba SISSOKO
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