Ça y est : le procureur Kassogué vient d’ouvrir la boîte de Pandore et bien malin qui pourrait savoir ce qui en ressortira. Ou ceux qu’on y enfermerait plutôt ! Car sur ce plan, Mamadou Camara, ministre de la Communication du gouvernement Moussa Mara, par ailleurs ancien et tout premier Directeur de cabinet du président IBK, est depuis sous mandat de dépôt.
Celui qui incarnait la volonté d’IBK, de recourir à la jeunesse, est tombé ce vendredi, 27 mars 2020, dans les filets du procureur Kassogué du tribunal de la Commune III. Inculpé de fait de favoritisme, Mamadou Camara a vu se décerner un mandat de dépôt à son encontre et conduit en prison.
Dans son communiqué, relatif à l’affaire, le procureur Kassogué évoque «les faits de faux en écriture, usage de faux et complicité de ces faits, de complicité d’atteinte aux biens publics par usage de faux et autres malversations et de complicité de favoritisme, contre les nommés Sidi Mohamed Kagnassy, Amadou Kouma, Nouhoum Kouma, Soumaïla Diaby, Mahamadou Camara et Marc Gaffajoli».
Pour l’heure, Sidy Mohamed Kagnassy, qui multiplie les selfies avec le président Alpha Condé de Guinée, Soumaïla Diaby, Amadou ‘’Baïba’’ Kouma et Marc Gaffajoly échappent aux fourches caudines de la procurature malienne. Quant à Nouhoun Kouma, n’ayant visiblement pas vu venir les crochets, il a été écroué en même temps que l’ancien ministre Camara.
Mais le jeune procureur Kassogué, qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, déclare par ailleurs que de «graves présomptions de faits de faux en écriture, usage de faux, atteinte aux biens publics, corruption et délit de favoritisme, ont pu être relevées à l’encontre des nommés Soumeylou Boubèye Maïga, Madame Bouaré Fily Sissoko et Moustapha Ben Barka … ». Et s’ils ne font pas l’objet de mandat d’arrêt, voire de dépôt, c’est qu’ils «étaient tous Ministres au moment des faits ». Ce qui requiert la transmission du dossier au procureur général de la Cour suprême aux fins de saisine de l’Assemblée nationale en vue d’un jugement par la Haute de Cour de Justice.
Le premier cité, alors à la tête du département de la Défense, a connu ses gloires en tant que précédent chef de gouvernement et Mme Bouaré, ancien ministre des finances, ordonnateur délégué des dépenses, a fini par être retirée du gouvernement et envoyée à la Commission de l’UEMOA, où elle termine un mandat de quatre ans.
Tout comme Mme Bouaré Fily Sissoko, l’ancien ministre délégué aux Investissements, Moustapha Ben Barka, neveu du président de la République, avait tout aussi perdu son portefeuille ministériel à la suite des scandales.
À eux tous, même bénéficiant de la présomption d’innocence, la guillotine pend au nez, tant l’opinion nationale et celle des bailleurs ont déjà fait leur religion sur ces scandales qui ont terni depuis le régime de IBK.
Quid du contrôle parlementaire ?
Pourtant, les mis en cause aujourd’hui et, pour la première fois officiellement cités par le procureur Kassogué, n’avaient jamais eu maille à partir avec la justice. Certains des personnalités incriminées, à l’époque, ne s’étaient pas privés de déclarer qu’ils ne tomberaient pas seuls et qu’ils étaient disposés à se mettre à table en compromettant jusqu’à un très proche de la famille présidentielle. On attend donc le grand déballage.
Pour l’heure, tous les regards sont maintenant tournés vers le puissant président de la Commission Défense de l’Assemblée nationale, le controversé Karim Kéita, fils du président de la République : cette instance de contrôle parlementaire n’a-t-elle jamais eu connaissance des dossiers de la fourniture des équipements militaires, et même des autres scandales relatifs à l’avion présidentiel, de commandement relevant donc du chapitre militaire, les aéronefs Tucano et Puma, et récemment, les blindés factices dont les comptes sont loin d’avoir été soldés ?
Tout porte à croire que la parenthèse de l’impunité, et non l’immunité, parlementaire fera certainement long feu, mais ne parviendra pas à éteindre l’incendie allumé par Kassogué qui apporte enfin une réelle note de chaleur pour les arthrites de cette Vielle rombière malienne de Thémis !
Mohamed Ag Aliou
Justice : obstructions judiciaires orchestrées
Ces affaires n’avaient jamais été apurées jusque-là, pour cause d’obstruction diligentée de la part de proches du pouvoir.
À l’époque, ce sont les PTF, drivés par la Banque mondiale, qui avaient mis les pieds dans le plat, devant l’énormité de cette casse d’Etat au plus haut sommet de l’Etat, en intimant au président de la République d’annuler tout le marché de fournitures de l’armée et d’engager des poursuites.
Après bien d’atermoiements durant deux ans, les pouvoirs publics avaient fini par céder, devant la pression et surtout la menace des bailleurs de couper les vivres au pays. Le président IBK avait même fait l’effort de déclarer que la justice sera rendue dans l’affaire avant qu’elle ne soit, comme d’habitude, enterrée.
C’est avec l’arrivée du procureur Kassogué qu’on a appris que le plus grave des scandales d’Etat, le plus gros morceau, est «la fourniture aux Forces Armées Maliennes d’un important lot de matériels d’habillement, de couchage, de campement et d’alimentation (HCCA), ainsi que des véhicules et pièces de rechange ; laquelle affaire avait préalablement fait l’objet d’un classement sans suite» par son prédécesseur.
Ce que l’opinion sait moins, c’est que c’est justement pour ces affaires scandaleuses, dans lesquelles étaient compromis certains proches du président, qu’Oumar Tatam Ly a dû faire ses valises. Le chef du tout premier gouvernement avait refusé à la fois de cautionner les faits, de protéger les mis en cause et surtout de garder dans son gouvernement des brebis sentant plutôt le souffre.
MT