Le Mali est un pays pauvre. Mais le Mali souffre moins de son manque de richesses que de la mauvaise gestion teintée d’affairisme et de corruption. Une petite minorité de personnes se sont accaparées de la majorité des richesses du pays qu’elles gèrent selon leur bon vouloir. Pourtant, tous les discours tendent aujourd’hui à faire croire que l’on prend le mal au sérieux. Pour être plus convainquant, une multitude d’institutions sont créées pour éradiquer le mal. L’on sait que ces institutions sont là juste pour faire plaisir aux partenaires au développement parce qu’aujourd’hui au Mali quand vous dénoncez un acte de corruption, à la limite on vous traite d’anormal ou de malade mental.
Le poisson pourrit par la tête Si les autorités maliennes à savoir le Président ATT parle de la corruption, c’est parce qu’il est conscient du mal qu’elle cause au développement du pays. Malheureusement, il ne pose pas des actes suffisamment forts pour matérialiser cet engagement dans les discours. Comme d’habitude, entre le discours et la réalité, le fossé reste très grand. Pourtant, ce ne sont pas des cas de corruption qui manquent. Il ne se passe pas une semaine sans que la presse ne fasse cas d’un détournement, d’une fraude, d’une malversation et d’un cas de corruption. Des chiffres et des noms de personnes sont souvent cités sans que l’autorité ne bouge. Si l’on s’en tient à certains journaux de la place, durant le mois de mai dernier ils ont dénoncé plus de 20 cas (détournements, mal gouvernance et corruption). Si les autorités veulent réellement résoudre le problème de la corruption, elles peuvent remplir la Maison centrale d’arrêt de Bamako sur la base des dénonciations faites par ces journaux.
Mais hélas ! On préfère se cantonner derrière des discours alors que des cas avérés sont cités. Aujourd’hui sans la presse, les richesses du Mali seraient entièrement détournées. Il a fallu la dénonciation du détournement des primes par le directeur national des domaines et du cadastre pour que le conseil des ministres décide de le relever en avril dernier. Auparavant le ministère de la santé était au cœur du scandale du Fonds Mondial. Pourtant, des sources disent que ce cas était connu par des supérieurs hiérarchiques dont certains seraient impliqués dans le « deal ». Est-ce pour cela que les poursuites judiciaires annoncées contre l’ancien ministre Oumar Ibrahim tardent à venir ? Il en est de même pour le bureau des produits pétroliers où Zoumana Mory et son complice « Dial » sont soupçonnés d’avoir dégusté à la petite cuillère la somme de plus de 13 milliards CFA. Les cas de la Directrice Financière et du Matériel (DFM) du ministère de la Justice ; celle de l’artisanat et du tourisme et du département de l’industrie de l’investissement et du commerce sont plus épatants. Quand les journaux ont dénoncé ces cas hasardeux de ces DFM, plusieurs personnes sont tombées à bras raccourcis sur eux comme si ils n’avaient pas le droit de dénoncer. Sans la presse, ces scandales seraient couverts. La révocation de la DFM du département de la Justice prouve que celle-ci n’est pas blanche comme neige. Les exemples sont légion. A côté de la presse, il y a ce travail fort remarquable qu’abat le Bureau du Vérificateur Général et de la CASCA (Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration), deux organismes qui luttent contre la corruption au Mali. La publication régulière du fruit de leurs enquêtes, contribuent à éclairer sur l’ampleur du phénomène dans tous les secteurs d’activités au Mali. Mais quel est l’effet de ces publications et dénonciations ? On remarque seulement d’une manière générale que les nombreux cas dénoncés ne sont jamais punis. Quoi de plus normal quand on sait que la plupart du temps, des personnes accèdent aux postes de responsabilité par imposition. On vient pour s’enrichir et non pour servir tout en sachant que l’on serait couvert en cas de dénonciation, même publique.
Ce qui est plus malheureux c’est le cas de la justice. Ils sont rares les maliens qui restent sceptiques vis-à-vis de l’indépendance de leur justice depuis que le ministre Maharafa Traoré a lancé le concept du « renouveau de la justice ». Le président du Mali a lui-même reconnu l’existence de la corruption dans le milieu de la justice. Les discours qu’il lit lors des rentrées judiciaires ne font que confirmer l’existence de cette corruption dans le milieu de la justice. Il a cité des cas avérés sans que des noms ne soient joints. Mais on sait qui a fait quoi et comment. Des personnes mises en cause ont été promues à d’autres postes. Comment peut-on lutter contre la corruption si des coupables avérés sont encouragés ? Le scepticisme des maliens face à leur justice s’est extériorisé et on entend ça et là des commentaires très inquiétants.
Doit-on continuer la dénonciation ?
La corruption est devenue un fait banal au Mali. Les personnes qui souhaitent la dénoncer aujourd’hui s’abstiennent pour des raisons de sécurité. Si une personne ose dénoncer un cas de corruption à une autorité compétente, c’est le coupable qui viendra la narguer s’il ne cherche pas à la nuire. Dès que vous parlez de cas de corruption dans certains milieux, on vous traite automatiquement de malade et d’aigri. Certaines personnes trouvent anormal de parler de corruption tellement le fait est en passe d’être institutionnalisé. Pour bénéficier d’un marché public au Mali par exemple, on n’a pas besoin de présenter la meilleure offre technique et financière, mais la meilleure enveloppe. Avec ça, comment peut-on réussir avec efficacité l’exécution de ce marché. Combien de dossiers sales dorment dans les tiroirs du contrôle général d’Etat ? Combien de cas le BVG a-t-il indexé ?
Et la CASCA, combien de dossiers a-t-elle entièrement traités qui ont été lamentablement liquidés à la Cour d’assise de Bamako ou dorment dans les tiroirs de cette même cour d’assise ? On se souvient de la vitesse avec laquelle le dossier de la BHM avait été traité pour pouvoir relaxer l’ancien PDG Baba Diawara reconnu de détournement de 9 milliards CFA et frapper par la peine de mort. Face à cette situation et à la volonté manifeste des autorités de laisser les gens s’enrichir au détriment de l’Etat, il arrive que l’on se pose certaines questions. Faut-il dénoncer, au risque de sa vie un cas de corruption ? Les personnes qui hésitent avant de donner certaines informations se la posent aussi. Mais ne pas la dénoncer voudra dire que tout le monde se rend coupable de la situation. C’est pourquoi les cas de fraude, corruption et de détournements seront toujours dénoncés avec force.
Jean pierre James