Dans son rapport 2018, le bureau du Vérificateur général fait état de plus de 1,3 milliard de F CFA détournés à l’ambassade du Mali au Burkina Faso, un résultat d’enquêtes de vérification menées en effet par son Bureau. Dans notre série consacrée à la corruption et la délinquance financière, nous revenons sur ce dossier dont les faits sont survenus entre 2015 et 2018 selon les vérificateurs.
Le premier concerné par cette affaire est l’actuel ambassadeur lui-même, précise le rapport individuel du Bureau du Vérificateur général. Le responsable de la comptabilité de l’ambassade est aussi impliqué dans ce dossier de détournement de deniers et de biens publics.
D’après les éléments de vérification, il y a de très grosses irrégularités financières s’élevant à plus de 1,3 milliard de F CFA, dont plus de 800 millions au titre de la fraude. Le rapport indique que l’ambassade a payé plus d’un milliard de F CFA (1 264 050 299 F CFA) au profit de l’entrepreneur EGCOB/TD. Les paiements sont effectués, sans décomptes établis par l’entrepreneur ni d’acomptes par le maître d’œuvre, mais sur la base de factures qui ne sont pas liquidées par l’ambassadeur. Elle a aussi constaté les remboursements par l’ambassade des emprunts contractés par EGCOB auprès de la Banque de l’Union du Burkina Faso (BDU-BF) pour un montant total de 412 256 519 F CFA au lieu d’un montant de 243 019 691 F CFA indiqué dans la lettre de EGCOB du 6 juillet 2017 et confirmé par la lettre de BDU-BF n°080/BDU/DG/DE/DA du 10 juillet 2017.
Selon le rapport, les transmissions et dénonciations de faits par le Vérificateur général au Procureur de République près du Tribunal de Grande Instance de la commune III chargé du Pôle économique et financier et au président de la Section des comptes de la Cour suprême sont relatives : à l’utilisation non justifiée du carburant acheté pour 23 452 160 F CFA, aux dépenses non autorisées sur les recettes de chancellerie pour un montant de 124 324 738 Fcfa, aux paiements irréguliers de 1 369 201 299 F CFA pour la construction de la chancellerie, aux chèques non justifiés émis et payés en faveur de certains membres du personnel de l’Ambassade d’un montant de 225 344 521 F CFA, aux paiements non justifiés de frais scolaires d’un montant total de 64 530 000 Fcfa, aux paiements indus des indemnités de premier équipement d’un montant total de 7 500 000 F CFA, à des frais de mission non justifiés pour un montant de 9 373 120 Fcfa, aux paiements indus de loyers pour un montant total de 11 340 000 Fcfa, au paiement non justifié de 1 000 000 Fcfa représentant le prix de cession du véhicule reformé Toyota Fortuner.
Même soupçon d’irrégularités financières constatées dans la gestion de l’Ambassade du Mali en Espagne. Selon le rapport, les montants totaux des recettes et des dépenses sur la période sous revue s’élèvent respectivement à 2 300 285 160 F CFA et à 1 814 431 021 F CFA. Ainsi, les recettes se décomposent en transferts de fonds du Trésor Public pour 1 794 627 161 F CFA et en recettes de chancellerie et celles issues de la vente des timbres fiscaux pour 505 657 999 F CFA. De sa création à nos jours, l’Ambassade n’a fait l’objet d’aucune vérification par le Bureau du vérificateur général. Au regard de ce qui précède, le Vérificateur général a initié la présente mission.
La mission de vérification a indiqué que les irrégularités administratives relèvent de dysfonctionnements du contrôle interne. Ainsi, il a été constaté que des postes ne sont pas pourvus. En effet, sur une prévision d’effectifs de 21 personnes, l’Ambassade du Mali n’en compte que 15. A titre illustratif, le poste de traducteur n’est pas pourvu. Par ailleurs, le premier Conseiller et l’Agent consulaire n’avaient pas encore pris service au moment de la vérification, bien que ceux-là aient été nommés suivant l’Arrêté n°2018-2513/ MAECI-SG du 16 juillet 2018.
Quant aux irrégularités financières, le rapport a souligné que le montant de celles-ci s’élève à 51 047 885 F CFA et elles se présentent comme suit : la modification irrégulière des rémunérations du personnel local, les modifications de salaire sans tenir compte des procédures budgétaires, le paiement des dépenses non éligibles, le paiement des dépenses indues de frais de restauration et d’hébergement tant pour le personnel de l’Ambassade que pour le personnel extérieur au service.
Sur les dénonciations et la transmission de faits par le Vérificateur général au Procureur de la République près du Tribunal de grande instance de la commune III chargé du Pôle économique et le président de la Section des comptes de la Cour Suprême, le rapport souligne que celles-ci sont relatives, notamment, à la prise en charge des frais de restauration indus du personnel de l’Ambassade pour un montant de 4 063 089 Fcfa ; à la prise en charge indue des frais de restauration et d’hébergement de la délégation du Ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile pour un montant de 1 927 320 F CFA ; au dépassement du coût d’acquisition d’un véhicule pour un montant de 5 298 225 Fcfa ; au paiement en l’absence de facture définitive et d’attestation de service pour un montant de 1 866 086 F CFA ; au double paiement de frais d’entretien pour un montant de 1 821 461 F CFA ; au paiement d’indemnités de déplacement indues pour un montant de 10 804 769 F CFA ; aux modifications irrégulières de rémunération du personnel local pour un montant de 25 266 935 Fcfa.
Mémé Sanogo