«L’année tire vers sa fin et le gouvernement se voit dans l’obligation de donner des gages aux bailleurs de fonds sur la lutte contre la corruption, c’est pourquoi, il donne l’impression de traquer des prédateurs… »
C’est du moins ce qu’a affirmé Me cheik Oumar Konaré, avocat de l’ex-ministre du Logement et des affaires foncières, inculpé pour spéculation foncière dans la zone aéroportuaire. C’était au cours d’une conférence de presse qu’il a animée à la Maison de presse, avec son confrère, Me Kalifa Yaro. Objectif : recadrer les propos du ministre de la Justice concernant l’affaire dite ‘’zone aéroportuaire’’. Affaire dans laquelle, David Sagara a été mis sous contrôle judiciaire.
Cette affaire, indique Me Cheick Oumar Konaré, est purement et simplement politique. «La cible est politique, l’objectif aussi. Il n’y a rien de juridique dans cette affaire. Et lorsque le politique est au prétoire, la justice sort par la fenêtre » a-t-il affirmé
Pour Me Konaré, l’année 2014 a été décrétée, par le régime actuel, année de lutte contre la corruption. «L’année tire vers sa fin, sans que des têtes soient tombées. Les bailleurs attendent toujours des résultats sur la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Et on se demande : qu’a-t-il fait (le gouvernement) du décret de lutte contre la corruption ? Une question qui taraude le gouvernement, lequel se voit dans l’obligation de donner des gages aux bailleurs de fonds. C’est pourquoi, dans cette affaire et dans d’autres, le gouvernement donne l’impression de traquer des prédateurs. En bref, il brandit un trophée de guerre pour couper des têtes. C’est tout», a martelé Me Cheick Oumar Konaré.
Qu’est-ce qu’on reproche à David Sagara ?
On lui reproche d’avoir attribué, par décret, pendant qu’il était ministre du Logement et de l’urbanisme, une partie de la zone aéroportuaire à un industriel, Seydou Nantoumé, PDG de Toguna Agro-Industrie. Interpellés, jeudi dernier, par le juge du Pôle économique, David Sagara et d’autres personnes considérées comme ses complices (Amadou Diallo, ex-Directeur national de l’Urbanisme et Etienne Dioné, ex-directeur de la Législation et du département gouvernemental) ont été mis sous mandat de dépôt, pour avoir commis deux infractions graves : ‘’coalition de fonctionnaires contre la constitution et les lois de la République’’ ; ‘’atteinte aux biens publics de l’Etat’’.
Mais à en croire les avocats de David Sagara, ces accusations ne tiennent pas la route pour plusieurs raisons.
Selon eux, rien ne prouve dans ce dossier qu’il y’a coalition de fonctionnaires contre la constitution et les lois de la République, encore moins une atteinte aux biens publics de l’Etat.
La première infraction, explique Me Konaré, suppose que des gens se sont concertés pour faire échec à l’exécution des ordres du gouvernement. Or, tel est loin d’être le cas dans l’affaire de la zone aéroportuaire.
Les conseils de David Sagara persistent et signent qu’il n’y a pas non plus atteinte aux biens publics. Pour preuve, David Sagara a tout simplement octroyé à certaines personnes, conformément à la loi et à ses prérogatives, (par décret), l’ «occupation temporaire», d’une partie de la zone aéroportuaire. Dans ce cas, on ne peut pas parler d’atteinte aux biens publics, car les parcelles litigieuses restent et demeurent toujours la propriété de l’Etat. Mieux, l’arrêté autorisant l’occupation temporaire, signé par David Sagara, précise dans son article 2 que «les parcelles de terrain, objet de la présente occupation temporaire, sont destinées à la réalisation d’installations démontables. Elles pourront être aménagées pour recevoir la construction d’un entrepôt, conformément aux plans décrits dans l’avant-projet qui a été mentionné dans le dossier». L’article 3 de l’arrêté poursuit que ‘’le droit d’occupation temporaire est révocable à première réquisition pour tout motif d’intérêt public et ne donne droit au paiement d’aucune indemnité’’.
Les principes de l’instruction et de la procédure violés
Selon les avocats, la procédure n’a pas été respectée dans cette affaire.
Rappelons que Seydou Nantoumé a été aussi interpellé par le Pôle économique avant d’être relâché. Mieux, ce dernier a été déclaré, par le ministre de la Justice, comme étant hors de cause. Toute chose qui constitue, selon les avocats, une immixtion grave du ministre de la Justice dans le dossier. Car, il n’appartient pas au ministre de la Justice de prendre cette décision. Quel est alors le rôle du juge d’instruction ? S’interrogent les avocats.
Les faits reprochés à David Sagara remontent à la période où il était ministre du Logement, des affaires foncières et de l’urbanisme. En principe, il devrait, dans ce cas, bénéficier du privilège de juridiction conformément à l’article 613 et suivants du Code de procédure pénale. Les avocats décrient le fait que leur client a été arrêté comme un vulgaire malfrat, alors qu’il devait bénéficier d’une procédure spéciale.
Grâce aux avocats, le dossier David Sagara a été soumis au parquet général et va suivre la procédure normale. Pour l’instant, David Sagara est libre. Mais l’affaire, indiquent ses avocats, n’est pas finie. Elle ne fait que commencer.
Rappelons que, selon les conférenciers, toutes les occupations temporaires de la zone aéroportuaire ont été révoquées, outre Seydou Nantoumé, 206 personnes sont concernées. L’Etat aurait même déjà bouffé plus d’un milliard de F CFA dans les redevances de ces occupations temporaires de la zone aéroportuaire. Le ministre de la Justice ignore t-il cela ?
Abou Berthé