Avec la prise des régions nord du Mali, le coup d’Etat du 22 mars 2012 et le corolaire d’événements qui s’en sont suivis, les Maliens avaient cru toucher le fond du trou de la honte. Mais, le procès dit de «l’Affaire du Fond mondial», qui continue devant les assises, à la Cour d’appel de Bamako, vient de démontrer à nos concitoyens qu’une autre strate- l’une des plus pourries- se trouvait sous leurs pieds.
De révélations en révélations, c’est un Mali éhonté qu’on livre aux yeux du monde. Un Mali éhonté par un groupe de touristes (certainement en mission commandée) venus, un beau matin, rendre visite au Président de la République, Amadou Toumani Touré, avec sous leurs manteaux, un rapport provisoire rédigé dans la langue de Shakespeare. C’est sur la base de ce «sèche-mains» que la justice, elle aussi, les mains et les pieds liés, a procédé à des arrestations arbitraires. On se demande encore aujourd’hui comment Sombé Théra a déchiffré le document qui lui a été transmis et que nous, au 22 Septembre, avions publié, en exclusivité, pendant un mois. Après l’avoir traduit, naturellement.
Le jeudi dernier, répondant à l’une des questions du Procureur Général, Daniel Téssougué, l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, a démonté, en partie, la cabale qui s’est passée en 2010 : «Je ne veux pas évoquer certaines choses ici, car quand on respecte un pays, quand on respecte une administration, quand on respecte ses cadres, il y a des choses qu’on ne fait pas. En ma qualité de ministre de la Santé, je n’ai pas reçu la visite des Inspecteurs du Fonds mondial présent à Bamako. Ils sont venus et sont repartis, sans même me faire un rapport de mission. Peu de temps après j’ai appris qu’un rapport provisoire en anglais existait et que chacun le cachait sous son manteau. C’est ce rapport qui a été transmis au Procureur et c’est sur cette base que des arrestations ont été opérées. J’ai trouvé que cela n’était pas normal et j’ai décidé de démissionner le 10 décembre 2010. C’est ce que je peux dire pour ne pas sortir du cadre de ce procès». C’est le devoir de réserve, dû à son rang d’ancien ministre, qui lui a fait rester certainement «dans ce cadre».
Car, «hors cadre», la méthode ATT et de son clan était machiavélique, affligeante et surtout dictatoriale. Selon des sources proches du ministère de la Santé, tout juste avant l’éclatement de cette affaire du Fonds mondial, ATT a voulu tordre la main à Oumar Ibrahima Touré afin qu’il permette l’ouverture d’une officine de Pharmacie à la fille de sa collègue du gouvernement, Madeleine Ba. Cette dernière, qui s’était confiée, quelques mois auparavant, à ATT, puis propulsée au ministère de la Santé, a tenté le coup. En vain. Finalement, c’est par ses propres soins que sa fille a illégalement obtenu le sésame pour l’ouverture de l’officine. La suite est connue de tous.
Par ailleurs, le montage calomnieux du Fonds mondial rappelle certainement à nos lecteurs la fameuse affaire des fausses cautions et de l’engrais de Gnoumani SA. En effet, certains cadres du ministère de l’Agriculture allaient être arrêtés et mis derrière les barreaux de façon arbitraire. Le coup d’Etat du jeudi 22 mars leur a été salutaire, car ATT et sa femme, qui avaient programmé ce coup de filet, ont été chassés de Koulouba en plein midi. L’arrestation des cadres étant prévue pour le vendredi soir.
Bref, restons «dans le cadre» de l’affaire du Fonds Mondial pour souligner, au passage, que les différents documents que nous nous sommes procurés relèvent des gestions douteuses, antérieures à l’arrivée du ministre Oumar Ibrahima Touré à ce département. Son prédécesseur, Zeinab Mint Youba, s’est retrouvé, comme par hasard, à la présidence de République au poste de Conseiller.
D’autres faits troublants dans cette affaire révèlent que le Programme national de lutte contre la tuberculose, principale base du procès, avait reçu les félicitations d’autres pays qui voulaient calquer le mode de gestion du Mali. Chez nous, il ne fallait pas aller à l’encontre des vœux- même les plus sordides- du clan ATT. Il fallait être avec lui, sinon on était contre lui. Conséquence : on devenait la risée de toute une nation. C’est la rançon qu’Oumar Ibrahima Touré a été obligé de payer. En agissant de la sorte, ATT a oublié ceci : «On peut tromper une partie du peuple pendant un temps. Mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps».
Dans quelques jours, les commentaires fuseront encore dans cette affaire du Fonds mondiale, alors que les condamnés retrouveront la prison et les relaxés leur domicile. Puisque la justice a décidé de tirer le vin, il faudra le boire jusqu’à la lie. Après ce procès, elle devra fouiller dans le vaste programme de lutte contre le SIDA. Elle devra surtout vérifier les différents rapports concernant la gestion de Zeinab Mint Youba.
Paul Mben
Quelque soit la longueur de la nuit, le jour viendra.
ne te fatigue pas .
Comments are closed.