Bonne gouvernance sous l’ère ATT : Deux ministres rendent la démission sous la pression des partenaires au développement

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C’est la deuxième fois qu’un membre du gouvernement rende sa démission sous la pression des bailleurs de fonds sous l’ère ATT. Le premier est l’ancien ministre des Mines, de l’Energie  l’Eau, Hamed Sow, le lundi 29 septembre 2008 concernant l’enquête de l’OLAF. Le second est le ministre de la santé, Oumar Ibrahim Touré, le dimanche 05 décembre 2010 concernant les malversations au niveau du Fonds Mondial. A ce rythme, on peut dire sans risque de se tromper que la culture de la démission s’installe lentement mais sûrement dans notre pays. Tant mieux pour la bonne gestion des sous publics. Un fait notoire, ils ont tous démissionné sous la pression et suite à des visites des responsables de l’UE pour le cas d’Hamed Sow et ceux du Fonds Mondial pour le cas d’Oumar Ibrahim Touré. Une semaine avant la visite à Bamako de Louis Michel, commissaire européen en charge du développement et à l’aide humanitaire, le Dr Hamed Sow a été obligé de démissionner pour ne pas mettre en mal la riche coopération entre notre pays et l’Union Européenne. C’est aussi une mission de haut niveau du Fonds mondial, en visite dans notre pays depuis le 1er décembre 2010, qui aurait  demandé la tête du désormais ex ministre de la Santé , Oumar Ibrahima Touré.

 

C’est un signal fort, les bailleurs de fonds veulent avoir désormais un droit de regard sur la façon dont leurs contributions au développement du Mali sont gérées. Une bonne initiative pour une gestion orthodoxe des sous afin qu’ils servent à lutter efficacement contre la pauvreté. On se rappelle, si nos souvenirs sont bons, le lundi 29 septembre 2008 l’ancien ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau, Hamed Sow a remis sa lettre de démission au PM, Modibo Sidibé qui l’a accepté. C’était suite à l’affaire de l’OLAF. C’est une enquête de l’OLAF (L’Office européen de lutte contre la fraude) qui avait révélé l’affaire suite à des dénonciations. Cet organisme chargé, au sein de l’Union Européenne, de traquer les fraudes avait mis à jour des irrégularités concernant la société Fitina. Cette filature de coton avait reçu en 2001 un prêt de 3,5 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI) et des appuis de la Commission Européenne évaluées à 720 000 euros. Un autre aspect de l’enquête concernait un conflit d’intérêt impliquant l’ancien ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau, Ahmed Sow. Ce dernier était directeur du CDE, le Centre de Développement des Entreprises, organisme qui dépend de la Commission Européenne et qui a apporté son aide à Fitina. Or Ahmed Sow connaissait bien les responsables de la société, mais il nie avoir agi en leur faveur.  Une semaine avant la visite à Bamako de Louis Michel, commissaire européen en charge du développement et à l’aide humanitaire, le Dr Hamed Sow a été obligé de démissionner pour ne pas mettre en mal la riche coopération entre notre pays et l’Union Européenne.

 

La plus récente concerne celle du ministre de la santé, Oumar Ibrahim, le lundi 06 décembre 2010. Elle est consécutive à l’affaire de malversation au niveau du Fonds Mondial. Du côté du ministère de la Santé , les observateurs ne comprenaient pas le  lourd silence d’Oumar Ibrahim en ce qui concerne les détournements au niveau du Fonds Mondial. Les avis étaient partagés. Beaucoup se demandaient comment des démembrements de son département peuvent commettre de tels actes sans qu’il ne soit au courant. Maintenant, c’est clair comme l’eau de roche.

 

Retour sur tout un processus qui a contraint le ministre à rendre sa démission. La récente sortie de Sombé Théra, le juge anti-corruption avait fini de convaincre les uns et les autres, même les plus sceptiques, qu’il y a eu malversation au ministère de la santé, à propos des ressources mises à la disposition de notre pays par le Fonds Mondial, dans le cadre de la lutte contre le paludisme, la tuberculose et le sida. Il devait quitter le gouvernement pour mieux préparer sa défense au cas où il serait interpellé dans les jours à venir. Parce que selon les explications de Sombé Théra, le dossier suit son cours normal et d’autres personnes seront entendues. Cela sous l’œil vigilant des experts du bureau de l’inspection générale du Fonds Mondial, une entité indépendante regroupant en son sein des experts ayant des compétences avérées en matière d’audit et de vérification. On se rappelle que ce bureau, selon le juge anti-corruption, avait mené des investigations sur tout le processus de gestion des fonds. Le bureau, après avoir travaillé avec le département de la santé, s’est rendu compte de la gravité et de l’ampleur des faits. C’est pourquoi, il a confié le reste du travail à l’entité d’enquête du Fonds Mondial composée de magistrats et de policiers chevronnés. A l’issue de leurs missions, ils ont déposé un rapport au niveau du juge d’instruction en charge du dossier au Pool Economique. Ce rapport, faut-il le rappeler, est très détaillé et 55 000 documents y sont annexés. Il signale précisément des cas de malversation.

 

Il n’est pas inutile de rappeler que toute cette affaire a commencé en octobre 2009, lorsque le département de la santé, à la suite de certaines investigations a décelé plusieurs malversations dans la gestion des fonds mis à sa disposition. Il s’agit plus précisément de falsification de chèques portant sur plusieurs centaines de millions de nos francs. C’est suite à cela que le ministère a introduit une plainte en bonne et due forme au niveau du parquet du pool économique. A ce niveau, les enquêtes menées ont conclu à des fautes graves. Compte tenu de la situation, des arrestations ont suivi. A ce stade, tout semblait indiquer que les malversations ne se limitaient pas seulement au seul chèque bancaire. L’information judicaire a continué. Le contrôle général a fait des investigations, la CASCA a suivi. Et le pool économique, suite à des dénonciations, a pris le relais. En plus de ces différentes structures de contrôle, les responsables du Fonds Mondial ont continué à creuser le mystère afin de savoir dans les plus petits détails ce qui s’est réellement passé avec l’argent mis à la disposition du Mali à travers le département de la santé. D’où le rapport de l’Inspection Générale du Fonds Mondial et celui de son entité d’enquête composée, faut-il le signaler, de magistrats et policiers.

 

Maintenant, après sa démission, il reste à savoir, si le ministre va rejoindre les autres en prison. Il s’agit entre autres du secrétaire général, Lanceni Konaté, d’Ichiaka Diallo, ancien comptable du Fonds Mondial auprès de la DAF , du directeur administratif et financier du département de la santé, Ousmane Diarra, de la coordinatrice du Programme National de Lutte contre la Tuberculose , Dr Alima Nafo et de son adjoint, des opérateurs économiques ainsi que bien d’autres cadres du département de la santé et de ses services rattachés pour ne citer que ceux-ci. Puisque d’aucuns disent qu’il a préféré se retirer de l’attelage gouvernemental pour mieux préparer sa défense même si sa tête avait été réclamée par les hauts responsables du Fonds Mondial.

 

Les autorités maliennes semble avoir comprendre qu’elles gagneraient mieux à sauvegarder ses intérêts auprès des partenaires au développement que de chercher à défendre l’indéfendable à travers le maintien dans le gouvernement des ministres sur lesquels pèsent des soupçons.

Moussa Mamadou Bagayoko

 

 

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