Dans un communiqué diffusé sur son site Web le 7 décembre 2010, le Fonds mondial saluait "le Président du Mali, Amadou Toumani Touré, pour la fermeté dont il fait preuve dans la lutte contre la corruption". En effet, lors de la cérémonie de lancement du mois de lutte contre le Sida, qui a eu lieu le 4 décembre 2010 au CICB, le président de la République n’est pas allé de mains morte pour fustiger tous ceux qui détournent les ressources financières destinées à la lutte contre la maladie et à l’amélioration du bien-être de nos populations.
Il faut qu’on gère bien (répété trois fois)…C’est une question d’honneur. Qu’on cesse de détourner l’argent destiné à assurer la disponibilité des médicaments aux malades… On ne peut pas aller chercher de l’argent auprès des partenaires et que d’autres se mettent à le détourner…C’est difficile et douloureux de le reconnaître mais les malades ne doivent pas payer la mauvaise gestion de certains individus… Je n’en dors pas, je suis gêné". C’est en ces termes que le président de la République, Amadou Toumani Touré, s’est exprimé, le 4 décembre 2010, lors de la cérémonie de lancement du mois dédié à la lutte contre le Sida et le Vih. Ce n’était point fortuit ce jour-là quand des slogans invitaient à la bonne gestion des ressources des partenaires techniques et financiers. Ainsi, pouvait-on lire sur une banderole suspendue dans la grande salle de 1000 places du Cicb : «Le Mali dans la dynamique d’une gestion saine et efficiente des ressources pour une réponse efficiente au VIH et au sida».
Lors de cette cérémonie solennelle de lancement, le président de la République a réitéré ses remerciements au Fonds mondial qui, en dépit des difficultés rencontrées, continue toujours de soutenir des programmes de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme dans notre pays. Raison pour laquelle, ATT, parlant de l’institution onusienne, a déclaré: "nous ne serons pas ingrats…Nous sommes reconnaissants au Secrétaire général des Nations Unies… et nous ferons tout pour ne pas décevoir sa confiance". Ce jour, c’est vrai qu’une bonne partie de l’assistance s’attendait à ce que le chef de l’Etat mette le pied dans le plat en dénonçant le comportement de certains inspecteurs du Fonds mondial qui auraient eu, lors de leur séjour dans notre pays en novembre dernier, des mots pas assez catholiques envers certains opérateurs économiques voire certains cadres de l’Etat. Il n’en sera rien ou presque. ATT a, certes, dit qu’il ne faudrait pas condamner les gens avant la fin de la procédure judiciaire, mais il a aussitôt ajouté que «nous ne protégerons personne» .Il en sera ainsi car, depuis le 4 août 2010, une quinzaine de cadres et d’agents du ministère de la Santé croupissent en prison en attendant leur procès. Parmi ceux-ci et selon les termes du communiqué diffusé, le 7 décembre 2010, par le Fonds mondial : "de hauts responsables chargés de la mise en œuvre des subventions qui avaient émis de fausses factures, de faux documents d’appel d’offres à l’origine d’une surfacturation de biens et services, notamment pour ce qui concerne des activités de formation". C’est dire que l’institution onusienne, basée à Genève, a beaucoup apprécié le courage politique dont a fait preuve le président de la République en se débarrassant de son ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, afin que ce dernier soit mis à la disposition de la Justice dans le cadre du détournement de 2 milliards FCFA (montant provisoire, en attendant la suite des investigations) au Fonds mondial logé au ministère de la Santé.
Le Mali va rembourser les sommes détournées
Un montant que le gouvernement du Mali est maintenant obligé de rembourser car, dans "les cas de fraude, le Fonds mondial a pour règle d’exiger la restitution des fonds détournés". Voilà que c’est l’ensemble du pays qui se voit pénalisé alors que la somme détournée a plutôt servi à des hauts responsables et, parfois, à de simples agents du ministère de la Santé pour construire des villas, des châteaux, des immeubles, acheter de belles voitures ou payer les études de leurs progénitures à Londres, Paris, Dallas ou Rabat. Pour sanctionner un tel comportement, fortement préjudiciable à notre pays, le Fonds mondial a décidé de suspendre "avec effet immédiat le financement de deux subventions sur le paludisme au Mali et a mis fin à une troisième subvention destinée à la lutte contre la tuberculose après avoir recueilli des preuves de détournements de fonds et de dépenses injustifiées. "Cela fait la rondelette somme de 11 milliards FCFA initialement destinés à la lutte contre le paludisme et la tuberculose que notre pays ne recevra pas. En tout cas, pas pour l’instant.
Les éclairages du Procureur Sombé Théra
Dans les jours à venir, l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, sera certainement confronté à son ancien Directeur administratif et financier, Ousmane Diarra, écroué à la maison centrale d’arrêt de Bamako depuis le 4 août 2010. Il s’agira, pour la justice malienne, de situer les responsabilités dans le cadre des enquêtes sur les fausses factures, les faux documents d’appel d’offres à l’origine d’une surfacturation de biens et services et de marchés fictifs au détriment du Fonds mondial et du Mali.
Hier matin, le Procureur anticorruption, Sombé Théra, a annoncé, sur les ondes de RFI, qu’à ce jour 24 personnes sont inculpées dans le cadre de l’affaire du Fonds mondial et parmi elles dix sont sous mandat de dépôt. Pour Sombé Théra, la justice à les mains libres et fera, dans le respect des procédures requises en la matière, son travail visant à dénicher et à traduire devant les juridictions tous ceux qui sont concernés par l’affaire du Fonds mondial et du Fonds GAVI également. Rude mission pour la justice malienne car la mauvaise gestion est passée également par le fonds PPTE au niveau de la Santé.
La question qui brûle actuellement toutes les lèvres est de savoir comment l’Etat malien entend se faire rembourser les 2 milliards FCFA qu’il va devoir décaisser maintenant pour dédommager le Fonds mondial ? Les personnes ayant détourné vont-elles payer ? Ou bien, comme on en a déjà l’habitude dans ce pays, seront-elles d’abord laissées en liberté provisoire ? Et cela le temps que l’affaire soit classée sans suite, transformant ainsi la liberté provisoire en liberté définitive? Une autre affaire en cours concerne le fonds PPTE dont personne ne sait, en réalité, comment il est dépensé. L’opinion a pourtant besoin de le savoir.
En tout cas, au niveau de la Santé, aujourd’hui les langues ont commencé à se délier. Et de plus en plus, on parle d’une éventuelle responsabilité d’anciens ministres de la Santé dans la mauvaise gestion du Fonds GAVI et du Fonds PPTE. Le nom qui revient de plus en plus étant celui de Dr Maïga Zeïnab Mint Youba, Conseiller spécial du président de la République, qui a précédé Oumar Ibrahima Touré au ministère de la Santé. Les fonds du Budget d’Etat également (soit 2,5 milliards F CFA par an et cela depuis dix ans) alloués à l’achat de moustiquaires imprégnées d’insecticide seraient au centre d’une gestion calamiteuse qui interpelle aussi les deux derniers anciens ministres de la Santé. L’affaire concernerait un juteux marché qui a été attribué par entente directe à des amis opérateurs économiques qui n’auraient pas toujours livré la marchandise ou en ont livré de mauvaise qualité, c’est-à-dire des moustiquaires à l’imprégnation douteuse. C’est pourquoi, il n’est pas rare de voir des moustiques voler en toute tranquillité sous des moustiquaires neuves censées avoir été imprégnées d’insecticide et distribuées à des femmes enceintes dans les centres de santé de référence. Le lendemain de sa sortie du gouvernement, des opérateurs économiques auraient même tenté d’obliger l’ancien ministre de la Santé à apposer sa signature sur ce juteux marché, aujourd’hui litigieux et qui avait été annulé par l’Autorité de régulation des marchés publics. Ce marché de 2,5 milliards FCFA a-t-il été signé par Oumar Ibrahima Touré vingt quatre heures après sa démission du gouvernement comme l’avaient voulu certains des premiers attributaires, par entente directe, pour l’achat de 500 000 moustiquaires imprégnées d’insecticide ? On le saura certainement.
En tout cas, l’engagement du président ATT à "ne protéger personne" a reçu une réelle approbation au sein de l’opinion nationale qui ne confondra jamais dénonciation des suspicions de détournements des deniers publics et divulgation de secrets d’Etat. Déjà, elle salue le holà mis à l’impunité qui vient de commencer réellement avec la mise de l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, à la disposition de la justice de notre pays.
Mamadou FOFANA