Affaire N’Diaye Bah : Les failles de l’accusation

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Après l’émoi crée par l’arrestation de N’Diaye Bah sur décision du Juge d’Instruction Yaya Karambé, il convient d’examiner sereinement les faits qui sont reprochés à celui qui aura été le quasi – inamovible Ministre de l’Artisanat et du Tourisme du Mali durant les neufs années de la présidence ATT.

N’Diaye Bah

Les faits reprochés à N’Diaye Bah

A en croire des sources judiciaires proches du dossier, N’Diaye Bah est poursuivi pour atteinte aux biens publics, complicité d’atteinte aux biens et favoritisme, faits punis pour certains de peines criminelles.

En poussant plus loin notre curiosité, nous avons cherché à savoir ce qui est concrètement reproché à l’ancien ministre derrière ces mots qui font trembler d’effroi à leur seule évocation.

De quoi s’agit- il donc ?

Soulignons d’abord que les malversations, qui ont donné lieu à l’arrestation de N’Diaye Ba, ainsi que de plusieurs autres personnes, ont été commises à l’Omatho, Etablissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du Ministère de l’Artisanat et du Tourisme.

Ironie du sort, tout est parti d’une initiative prise par le Ministre N’Diaye Ba. Constatant courant octobre 2010 des retards injustifiés dans le paiement des salaires des contractuels de l’Omatho (Office Malien du Tourisme et de l’Hôtellerie) et dans le versement des dotations financières des directions régionales dudit service, il demande verbalement des explications  sur la situation au Directeur Général en fonction, Monsieur Oumar Balla Touré.

Après avoir attendu en vain la réaction de l’intéressé pendant plusieurs jours, le Ministre revient à la charge en lui adressant cette fois – ci une correspondance officielle en bonne et due forme.

Dans cette lettre, il est demandé au Directeur Général de faire parvenir sans délai au cabinet du Ministre des documents retraçant l’ensemble des opérations comptables et financières de l’Omatho et permettant de ressortir la situation exacte de tous les comptes bancaires de l’établissement.

Au grand dam du Ministre, cette correspondance restera également lettre morte. Face au refus évident de coopérer opposé à sa demande, Ndiaye Bah décide alors de révoquer le Directeur Général de ses  fonctions. A cet effet, un dossier est introduit en conseil des  Ministres et deux mois après l’injonction ministérielle par lui ignorée, Monsieur Oumar Balla Touré est effectivement limogé et remplacé par un nouveau Directeur Général.

Dans la foulée, une passation est organisée entre le Directeur sortant et le Directeur rentrant et c’est  en ce moment que le pot aux roses est découvert. En effet, plusieurs irrégularités sont constatées au vu des pièces et documents comptables, notamment des emprunts contractés par l’Omatho auprès des fournisseurs et auprès  de tiers à des taux usuraires.

A la formation du Gouvernement de Mariam Kaïdama Sidibé, Ndiaye Bah est remplacé à la tête du Ministère de l’Artisanat et du Tourisme par El Mocktar.

A la passation entre les deux hommes, le premier tient néanmoins à signaler au second la situation qui prévaut à l’Omatho, au moyen du P.V de passation. Ce qui amènera celui – ci à demander une inspection pour faire la lumière sur la situation financière de l’Omatho. Laquelle inspection aboutira à la rédaction d’un rapport qui, du reste, ne mentionne nulle part le nom du Ministre N’Diaye Bah.

Plus tard, après le coup d’Etat du 22 mars, un nouveau Ministre de l’Artisanat et du Tourisme est nommé et succède à El Mocktar. Il s’agit de Madame Diallo Fadima. Elle décide de saisir la justice des irrégularités constatées lors de l’inspection.

Des poursuites sont aussitôt engagés et plusieurs agents du service sont inculpés et arrêtés. Parmi eux, le successeur d’Oumar Balla Touré à la tête de l’Omatho, un certain Mahamadou Keita et l’Agent comptable. Oumar Balla Touré, quoique inculpé, reste libre…

Quant à N’Diaye Bah, ce n’est que plusieurs mois après qu’il est entendu à titre de témoin par la Brigade financière du Pôle Economique du Tribunal de Première Instance de la Commune III. Quelques jours après cette audition, il est convoqué par le Juge d’Instruction Yaya Karambé et envoyé à en prison. C’était le 6 novembre 2012.

Au cours de l’interrogatoire mené par le juge, l’ancien ministre est accusé d’avoir été l’auteur ou complice des faits suivants.

1° – Avoir fait financer les festivals et évènements du Ministère de l’artisanat et du Tourisme par des fonds appartenant à l’Omatho.

2° Avoir été complice des emprunts effectués auprès des fournisseurs et de tiers

3° Avoir porté atteinte aux biens de l’Etat en faisant prendre en charge par l’OMATHO les frais de  voyage et de séjour de journalistes maliens lors de l’organisation d’évènements touristiques à l’Etranger

4° Avoir sollicité le concours financier de l’Omatho pour la prise en charge de frais d’études de certains agents du Ministère de l’Artisanat et du Tourisme.

 Des charges d’une insoutenable légèreté…

En reprenant point par point les faits reprochés à Monsieur N’Diaye Bah, l’on s’aperçoit très vite que les charges qui lui ont valu une inculpation et une incarcération spectaculaires la semaine dernière manquent de consistance.

Les charges relatives au financement des évènements – phares du Ministère de l’Artisanat et du Tourisme par l’Omatho

Selon le juge d’instruction du 2ème Cabinet du pôle économique, N’Diaye Bah a commis le crime d’atteinte aux biens publics en demandant à l’Omatho d’apporter des concours financiers au Département de tutelle  dans le cadre de l’organisation des festivals au Mali ou dans celui de la participation du Mali à des festivals organisés à l’étranger. Autrement dit, il aurait personnellement bénéficié des appuis financiers apportés par l’Omatho pour la participation à ces activités ou pour leur organisation. En effet, le délit d’atteinte aux biens suppose nécessairement le détournement desdits appuis à des fins personnelles.

De toute évidence, ce premier grief ne résiste à aucune analyse juridique ou administrative sérieuse. D’abord, il convient de rappeler que l’Omatho, Etablissement Public à Caractère Administratif, est en quelque sorte l’agence d’exécution de la mission de service public de promotion du tourisme assignée au Ministère de l’Artisanat et du Tourisme.

Il est tout à fait normal qu’il soit sollicité techniquement et financièrement dans le cadre des activités de promotion du tourisme organisées par le département. D’ailleurs le budget annuel qui lui est alloué intègre l’organisation de telles activités. Faire appuyer des activités menées par des Ministères par leurs services rattachés ou des organismes personnalisés est en quelque sorte une pratique courante, qui n’a rien d’illégal.

Ensuite, il appartenait à l’accusation de démontrer que les appuis incriminés ont profité à N’Diaye Bah. Ce qui n’a jamais été établi, selon les informations que nous avons pu recueillir auprès de sources dignes de foi.

Les charges relatives aux emprunts contractés par l’Omatho auprès des fournisseurs et des tiers

Rappelons que ces emprunts, qui s’élèvent à plusieurs dizaines de millions de francs ont été faits par le Directeur général Oumar balla Touré et qu’ils n’ont été révélés qu’au moment de la passation de service avec le successeur de celui- ci, Monsieur Mahamadou Keita. En soi, il s’agit d’opérations totalement irrégulières parce que l’Omatho dispose d’un budget annuel en équilibre qui s’exécute suivant les règles et principes de la comptabilité publique. A l’analyse, elles ces opérations se sont révélées également frauduleuses dans la mesure où les emprunts étaient contractés à des taux d’intérêts anormalement élevés ou pour être précis, usuraires.

Il importe de souligner que lesdits emprunts ont été faits à l’initiative du Directeur général de l’Omatho au moment des faits et qu’en tant qu’autorité de tutelle le Ministre N’Diaye Bah n’avait aucune compétence en  matière de gestion financière de ce service. Il n’était en effet ni ordonnateur ni comptable, l’Omatho étant un EPA doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. En conséquence, le Ministre n’avait rien à voir avec ces emprunts dont il ignorait l’existence jusqu’à la passation de service entre le Directeur général Oumar Balla Touré et son successeur Mahamadou Keita. Il ne peut donc être sérieusement tenu pour responsables d’actes qui échappent totalement à sa compétence, à moins que des faits d’implication ou de collusion soient établis en son encontre.

Les charges faisant état de favoritisme

Pour avoir sollicité la prise en charge par l’Omatho les frais de voyage et de séjour de journalistes ayant assuré la couverture médiatique de différents évènements touristiques, N’Diaye Bah a été, lors de son interrogatoire, accusé de favoritisme. Surprenante, cette charge l’est à plus d’un titre. Primo, parce que les journalistes dont il est question appartiennent à des organes qui accompagnent habituellement le Ministère de l’Artisanat dans l’accomplissement de sa mission de promotion du Tourisme, qu’il y ait festival ou pas, salon de tourisme ou pas. Il s’agit entre autres, excusez du peu, de Salif Sanogo de l’Ortm ; Daba Tounkara de Radio Jekafo ; Sy Souleymane SY de Radio Bamakan, Tiémoko Traoré du journal le Pouce !!!

Deuxio, parce que de nos jours, il est quasi – impossible de promouvoir quelque activité que ce soit sans l’accompagnement des médias et sans intégrer la dimension « communication ».

L’ancien Ministre se voit également accusé de favoritisme pour avoir sollicité l’appui de l’Omatho en vue d’apporter des compléments de bourse à trois étudiants en proie à de grandes difficultés financières à l’Etranger et envoyés en étude par le Ministère de l’Artisanat et du Tourisme. Détail intéressant : l’un des agents bénéficiaires des compléments de bourse en question n’est autre que l’actuel Directeur général adjoint de l’Omatho.

Il est enfin reproché à N’Diaye Bah de ne pas avoir pris les mesures  conservatoires nécessaires après la découverte des malversations et irrégularités commises au sein de l’Omatho.

Les charges relatives à la non adoption de mesures conservatoires…

Tout comme les autres griefs formulés contre N’Diaye Bah, l’accusation se révèle sur ce point extrêmement faible. En effet, en dehors de la demande d’explication adressée au Directeur général Balla Touré et de la décision de révocation de celui- ci qu’il a prise, le Ministre de Tutelle ne pouvait prendre aucune mesure pour éviter à l’avenir des malversations ou des irrégularités dans la gestion de l’Omatho.

Rappelons- le : l’Omatho est un EPA, qui a une organisation financière spécifique fixée par la loi. Ce qui signifie que le Ministre ne peut y déroger, en apportant des modifions ou un dispositif différent. D’ailleurs, les finances et la comptabilité des organismes dotés d’un tel statut comprennent des agents n’ayant aucun lien avec le Ministère de tutelle : un agent comptable et un agent du Trésor nommés par le Ministre des Finances. En clair, le Ministère assurant la tutelle d’un organisme personnalisé tel qu’un tel organisme ne dispose d’aucun pouvoir quant à l’organisation financière ou comptable.

Demander dans ces conditions à N’Diaye Bah de prendre des mesures conservatoires quant à la gestion des fonds du service reviendrait à lui demander purement et simplement de violer la loi.

Birama Fall

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2 COMMENTAIRES

  1. Mon ami Fall vous dites que l’Omatho est etablissement public a caractere adminstratif, cela ne lui donne pas l autonomie financiere. Pour beneficier de cette autonomie il faut que l’etablissement public ait un caractere industriel et commercial. Si ce que vous dites est vrai alors Ndiaye Bah n’est pas sorti de l’auberge.

  2. Je l’avais dit, si c’est sur ces chefs d’inculpation legers qu’on veut regler certains comptes avec N’Diaye Ba, il va finir par s’en sortir. Et cerise sur le gateau, il peut attaquer en justice l’etat pour fausse accusation, abus de pouvoir, etc. Au finish, on va se retrouver a lui payer des dommages et interets.
    Qu’ils fassent tout pour trouver quelque chose contre le Mr, sinon tous ceux de la justice comme Sombe Thera, Yaya Karembe, Daniel Tessougue, etc, doivent etre purement et simplement remercies.
    Quelle honte!!!

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