Affaire du Fonds mondial : Entre le procureur anti-corruption et le ministre de la Santé, qui a raison ?

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Le vendredi 3 septembre 2010, le procureur du pôle économique et non moins juge anti-corruption a fait une sortie édifiante sur les ondes de l’ Office de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM) en approuvant la manière d’agir du bureau de l’inspecteur général du fonds mondial. Au même moment, au niveau du ministère de la Santé, on crie à une entorse faite à la procédure judiciaire. Ce qui a amené le Fonds mondial à saisir directement la justice malienne d’un rapport intérimaire qui devrait passer par les autorités de la république, avance-t-on. Le débat est désormais ouvert entre les deux parties ; et les Maliens se posent la question : entre le procureur anti-corruption et le ministre de la Santé, qui a raison ?

L’affaire dite du Fonds mondial qui a longtemps défrayé la chronique est loin de connaître son épilogue et la fin de ses secrets. L’intervention du procureur du pôle économique, Sombé Théra, sur les ondes de l’ORTM, ce vendredi 3 septembre, a contribué à alimenter les débats déjà forts engagés autour de cette rocambolesque affaire.

On se rappelle que le 3 août 2010, le ministre de la Santé, Oumar Ibrahim Touré, avait adressé, au directeur du Fonds mondial, une correspondance dans laquelle il faisait part de ses préoccupations par rapport à la production et la diffusion restreinte d’un rapport de son organisme dans lequel de graves accusations compromettent la crédibilité du programme santé au Mali. En fait, il s’insurgeait contre le fait qu’un organisme tel que le Fonds mondial vienne au Mali procéder à des investigations et produise un rapport de dénonciation (quoique d’étape ou intérimaire) à l’aide duquel il saisit la justice du pays, sans au préalable adresser le même rapport aux autorités. Le ministre de la Santé, qui assimilait cela à une violation de la procédure judiciaire et partant, de la souveraineté du Mali, estime que pour toute personne ou organisme quelconque, le droit de saisir la justice, pour des cas de dénonciation, relève uniquement des nationaux, les non- nationaux n’étant pas concernés.

Les agissements du ministre de la Santé tendaient même à soupçonner le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré qui, selon lui, pourrait avoir reçu le fameux rapport que le ministre Touré réclame à cor et à cris, et qu’à son insu, ATT a donc saisi la justice. C’est donc, à ses yeux, une cabale politique orchestrée contre lui. Et au cas où cette hypothèse n’est pas vérifiée, Oumar Ibrahim Touré concluait que la procédure a été purement et simplement violée, dans la mesure où, selon lui, le rapport devrait être adressé au chef de l’Etat, au Premier ministre et aux ministres de la Santé et des Affaires étrangères. Il fallait donc que le juge anti-corruption, sous l’autorité duquel les inculpations ont été opérées, fasse cette sortie fort édifiante.

« Tout le monde connaît déjà la mission du Pôle économique et financier qui a compétence pour connaître de l’instruction et des procédures en matière d’atteinte aux biens publics et d’une manière générale, de toutes les infractions relatives à la corruption et à la délinquance économique et financière. D’une manière générale, toute personne ou toute autorité constituée qui, dans le cadre de sa mission, a connaissance d’une infraction, est tenue d’en donner immédiatement avis au procureur de la république et en lui faisant parvenir tous les actes qui peuvent sous-tendre cette dénonciation. Il est vrai que dans ce cas spécifique, la dénonciation a été faite directement au niveau du magistrat instructeur. Et cela s’explique par le fait que c’est le juge d’instruction qui devient maintenant maître de la procédure, parce qu’il est déjà saisi. Et lorsque le juge d’instruction est saisi, c’est lui qui a qualité maintenant pour poursuivre la procédure. Il n’y aurait pas lieu de faire des dénonciations ailleurs, même si le Fonds mondial, après tout cela, se fera une obligation de faire un rapport et de l’adresser à qui de droit. Mais en l’espèce, il s’agit essentiellement de dénonciations. Et c’est ce qui a été fait au niveau du juge d’instruction, et nous sommes en train de mener les investigations là-dessus », a expliqué le procureur Théra.

En sa qualité de spécialiste en matière de justice, le juge anti-corruption a « recadré » le ministre Touré en ces termes : « En ce qui concerne le contradictoire, il est l’un des principes directeurs de la procédure pénale. Et dès l’instant que l’information est ouverte, tous les éléments judiciaires qui viennent sont versés dans ce dossier d’information. Toutes les pièces seront contradictoirement discutées devant le juge d’instruction, et si jugement il y a, ces pièces seront discutées devant la juridiction compétente. Par rapport à cela, on ne saurait parler de violation d’une quelconque procédure ».

Cette réaction de Sombé Théra innocente désormais le président de la république, Amadou Toumani Touré, du lourd soupçon d’avoir possédé le fameux rapport et de l’avoir transmis aux autorités judiciaires du pays et dont le geste serait en ce moment compris comme un exutoire à l’endroit de son ministre de la Santé. Ces révélations de Sombé Théra blanchissent également le Fonds mondial qui était accusé d’avoir transmis ne serait-ce qu’un rapport intérimaire à la justice du pays, à l’insu des autorités maliennes. Pour Sombé Théra, si le ministre Oumar Ibrahim Touré doit courir derrière un rapport, ça ne doit être que le rapport définitif que le Fonds mondial va rédiger en ce mois-ci, et qui sera adressé à qui de droit.

Abdoulaye Diakité


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