Affaire du Fonds mondial de la Santé : Plusieurs opérateurs économiques en prison

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L’affaire abracadabrante dite du Fonds mondial continue de faire des vagues. Et cela sans tambour ni trompette. En effet, il y a de cela une semaine, des   fournisseurs du ministère de la Santé et des agents de l’Etat ayant réceptionné les motos, au cœur des soupçons de magouille, ont été écroués à la prison centrale de Bamako. Là, ils retrouvent des hauts cadres dudit département soupçonnés de malversations et de délinquance financière dans le cadre spécifique de marchés exécutés sur financement du Fonds mondial au profit du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT).

Les arrestations d’opérateurs économiques seraient liées à la surfacturation suite à l’achat de motos portant sur des centaines de millions de F CFA.

    En effet, il serait reproché à ces fournisseurs d’engins à deux roues d’avoir vendu des motos de marque chinoise au prix auquel elles auraient coûté si elles étaient japonaises. Par exemple, une moto qui coûte, en réalité, 325 000F CFA aurait été vendue à 1 400 000F CFA l’unité. Lesdits engins étant destinés au PNLT. Pour parvenir à ce constat de malversations, les enquêteurs du Fonds mondial avaient photocopié toutes les factures relatives à ces marchés et relevé tous les numéros de série de chacune des motos pour, ensuite, procéder à des vérifications auprès des fournisseurs maliens et de la représentation au Mali du fabricant de motos japonais. C’est ainsi que la supercherie aurait été découverte.

Si de nombreux opérateurs économiques interrogés par les enquêteurs de Genève ont reconnu avoir émis les factures qui leur ont été présentées, d’autres, par contre, ont tout simplement dit n’avoir jamais été fournisseurs du ministère de la Santé. Comment alors des  factures acquittées de ces derniers se sont-elles retrouvées dans les pièces justificatives remises aux enquêteurs? C’est vrai également que dans certains cas, des papiers à en-tête avaient été tout simplement subtilisés pour servir les besoins de la cause. Le cas de cet opérateur économique, qui a requis l’anonymat, est révélateur de l’ingéniosité et de la hardiesse des fraudeurs qui avaient tout bonnement utilisé le papier à en-tête de l’opérateur en question pour établir une facture qui a été payée au niveau d’un grand Programme du ministère de la Santé (dont nous taisons volontairement le nom).

Quand des enquêteurs du Fonds mondial se sont rendus au bureau de cet opérateur économique pour lui demander s’il a eu à travailler pour ce Programme, sa réponse a été niet. En effet, les fraudeurs avaient scanné le papier à en-tête de son entreprise et s’étaient fait payer par chèque dont les enquêteurs ont, d’ailleurs, exhibé une photocopie devant l’opérateur économique ébahi. Un vrai-faux chèque dont celui-ci s’est gardé de nous révéler le montant. Et cela malgré notre insistance pour mieux éclairer la lanterne de nos lecteurs.

Le rang des interpellés grossit  

Ce sont des pratiques similaires, de faux et usage de faux, qui ont révolté les enquêteurs du Fonds mondial et qui les ont obligés à étendre leurs investigations jusque dans les régions et à demander, voire exiger l’arrestation des présumés auteurs de détournement et le remboursement des sommes incriminées.

A l’étape actuelle, et aux dires de certains milieux proches du dossier, le préjudice financier au compte du seul PNLT serait de l’ordre du milliard de F CFA. Et cela sans compter les 140 millions de F CFA que le ministère de la Santé a eu à rembourser, en fin 2009, pour éponger le préjudice causé par le seul Ichiaka Diallo, ancien comptable du Fonds mondial auprès de la DAF du ministère de la Santé. Tout cela, sans compter qu’il y a des soupçons de trous financiers au niveau de la Cellule sectorielle de lutte contre le sida (CSLS) du ministère de la Santé et du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP).  Les "Blancs du Fonds mondial", comme certains les appellent sans grande affection et cela est compréhensible, sont présentement à Bamako et continuent leurs investigations. Le rapport d’audit, basé sur 5500 pièces à conviction, est attendu avec beaucoup d’impatience pour courant septembre.

Aujourd’hui, dans  les rangs des fournisseurs de la DAF, qui ont eu à goûter à ce "miel empoisonné" des marchés de motos, c’est la panique. Ceux qui ont été écroués se demandent maintenant comment sortir de ce lieu impitoyable qu’est la prison. D’autres impliqués notamment dans des marchés fictifs de médicaments attendraient leur tour d’écoute au Pôle économique et financier. Quant aux cadres impliqués dans cette histoire de fraude à grande échelle, certains parmi eux seraient en train de chercher à vendre des villas bâties à l’ACI 2000 pour éviter, si cela est encore possible, un séjour en prison.

En tous cas, ceux qui ont eu à conclure ces différents marchés de motos et ceux-là qui les ont réceptionnés sont fortement soupçonnés d’être tous au courant de cette tromperie sur la marchandise. Maintenant, c’est ce que les juges anticorruption vont tenter d’élucider.

Surtout qu’il y a déjà plus d’une dizaine d’agents et cadres de la Santé qui sont actuellement en prison dans cette affaire du Fonds mondial pour le seul volet tuberculose. Beaucoup d’entre eux auraient déjà promis de "parler " et de dire toute la vérité. Ce serait un moment capital attendu avec beaucoup d’intérêt. Tant par l’autorité judiciaire que par l’opinion nationale elle-même.   Inutile de dire que les plus hautes autorités, qui ont fait de la lutte contre la corruption et la délinquance financière leur cheval de bataille, suivent de très près l’évolution de cette affaire scabreuse qui n’a pas fini de livrer tous ses secrets.  

Mamadou FOFANA

 

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