Le ministre de la Santé, Diallo Madeleine Ba, vient de relever plusieurs cadres qui servaient à divers postes de responsabilité à la Direction des Finances et Matériel (DFM) du ministère de la Santé. Ces cadres, dont la plupart ont déjà été entendus dans le cadre des enquêtes sur les détournements des financements du Fonds mondial, sont désormais dans le collimateur du Procureur Sombé Théra du Pôle Economique et Financier.
Comme l’a si bien dit une haute personnalité, suite à l’éclatement du scandale du Fonds mondial, il y a eu beaucoup de dénonciations de la part des cadres et agents du département de la Santé. Par crainte d’aller en prison, plusieurs cadres se sont mis à table pour dénoncer les uns les autres. Ce qui a, d’ailleurs, fait que les enquêteurs du Fonds mondial ont eu une belle moisson lors de leur mission de septembre 2010 qui a duré plusieurs mois. Car, ce sont une quinzaine de personnes qui sont emprisonnées depuis et une dizaine inculpées mais en liberté.
Parmi lesquelles l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, accusé en juin 2011 de plusieurs chefs d’inculpation : atteinte aux biens publics, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, favoritisme et complicité de favoritisme.
Parmi donc les cadres que Diallo Madeleine Ba vient de relever, il y a l’ancien adjoint à l’ex-Directeur Administratif et Financier (DAF), Souleymane Traoré, un bon cadre connaissant tous les rouages de la Santé, qui pourrait intéresser la Justice. Non pas que son nom soit mêlé à des dossiers nauséabonds, mais en termes de connaissances des dossiers pouvant éclairer la lanterne de la justice. Au moment de l’arrestation de l’ex-DAF Ousmane Diarra, il servait en qualité d’adjoint et cela jusqu’à jeudi dernier quand il a été remercié et remplacé par un cadre hors des structures de la Santé.
Il a une réputation de travailleur honnête et méticuleux. Seulement, compte tenu des fonctions qu’il a occupées, il est à craindre pour lui s’il n’a pas été mêlé à l’affaire dite du Fonds mondial qui a vu des cadres et agents de la Santé, principalement de la DFM et du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), manger des deux mains des subventions allouées à la lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose.
L’autre cadre qui a été démis de ses fonctions de Chef de la Division Approvisionnement par Diallo Madeleine Ba est Alamir Touré. Un natif de Goundam comme l’ex-ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, qui l’avait nommé à cette place considérée comme la plus " juteuse " du département de la Santé. Contre toute attente, l’intéressé avait été parachuté à cette place, en 2008, au moment où les observateurs pensaient qu’une disgrâce allait le frapper à l’arrivée d’Oumar Ibrahima Touré à la tête du département de la Santé.
Alamir Touré avait été auparavant Chef de Division Matériel avant d’hériter de celle en charge de toutes les commandes et de l’octroi/attribution de tous les marchés au ministère de la Santé. Compte tenu de l’importance des postes qu’il a eues à occuper, ces quatre dernières années, les observateurs se demandent comment a-t-il pu jusqu’à présent échapper aux mailles de la justice dans le cadre de l’affaire du Fonds mondial ? Lui aussi a été plusieurs fois soumis, comme Souleymane Traoré également, à de dures interrogatoires de la part des enquêteurs du Bureau de l’Inspecteur Général du Fonds mondial.
Quand l’ex-DAF a été interpellé puis écroué, et cela depuis le 4 août 2010, plusieurs observateurs avaient prédit que l’ex-ministre Oumar Ibrahima Touré allait procéder à un vaste nettoyage en démantelant ceux que certains appellent " le réseau de la DAF ".
En effet, voici des barons qui ne cachent même pas leurs richesses obtenues sur les " juteux marchés " du ministère de la Santé. Jusqu’à ce que l’épouse de l’un d’entre eux se mette devant ses collègues de travail pour aller leur montrer le nombre de villas construits par son riche époux à l’ACI 2000. Des villas visibles et construits sur des fonds de la Santé. Comment des citoyens d’un tel pays pourront prétendre à une bonne médecine et à de réels soins dans une telle situation ?
Dans le laisser-aller qui a longtemps eu cours au département de la Santé, ça toujours été pour certains une course au gain facile. D’où le scandale du Fonds mondial qui a fait sortir – en retard ? – les autorités de leurs gongs. Alors que la situation avait toujours été ainsi. Au lieu qu’on tente de chercher des boucs émissaires, il va falloir qu’on s’intéresse au fond du problème qui n’est, en effet, qu’une mauvaise gouvernance des deniers publics. Et un manque criard d’autorité à même de sévir à défaut de servir de (bon) exemple.
La santé est malade, tel a été depuis le slogan des personnels honnêtes de ce département. Mais ceux-ci ont été très rarement écoutés. Sinon taxés de tous les noms d’oiseau.
Le procès du Fonds mondial – car tôt ou tard il y aura procès- sera une tribune de déballages et de dénonciations qui mettront très à mal la gouvernance dans notre pays. Car, il ne s’agit là encore que des subventions d’origine extérieure, à savoir le Fonds mondial et le Fonds GAVI qui ont été détournés de leurs objectifs. L’argent issu de faux marchés et de marchés fictifs ayant été partagé entre des cadres et agents qui sont censés être tous là lors du procès. En effet, il est presque inconcevable que l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, et son ex-DAF, Ousmane Diarra, tous inculpés dans l’affaire du Fonds mondial, soient devant le tribunal sans les autres cadres dont la responsabilité est tout aussi patente.
Mamadou FOFANA