Affaire du Bureau des pétroles devant la justice : Pourquoi et comment, Zou a été arrêté et libéré

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Du lundi dernier aux environs de 10 heures, au mardi 27 septembre, un peu au-delà de 17 heures, l’ex-patron du Bureau des pétroles de la douane, Zoumana Mory Coulibaly était en détention à la Brigade de gendarmerie du Pôle économique avec Modibo Gouro Diall de l’ONAP. Ils devaient répondre des faits de mauvaise gestion portant sur un montant de plus de 7 milliards. Présentés au procureur Sombé Théra vers 16h 30, les deux détenus ont été plus tard autorisés à regagner leurs foyers. Pourquoi et comment ? Récit des événements.

 

Lundi 26, Zoumana Mory Coulibaly et Modibo Diall respectivement de la Douane et de l’ONAP, ont tous les deux rendez-vous au Pôle économique où attend le chef d’escadron Hamadoun Traoré. Ils avaient déjà vu plusieurs fois le chef de la Brigade sans trop de soucis. Les deux rentraient après chaque rencontre à la maison tous rassurés. Ils s’étaient familiarisés avec les lieux au point que certains gendarmes échangeaient des plaisanteries avec eux. Mais, ce lundi était très particulier. Leurs interlocuteurs n’étaient pas d’humeur, particulièrement le Commandant de brigade. Comme d’habitude, il les reçoit dans le triste décor de son bureau. Le ton était martial, le regard ferme, les questions trop directes. Au départ, le léger changement de style ne disait rien aux visiteurs. Mais, l’entretien a cette fois-ci trop duré. De grosses gouttes de sueurs ruissèlent sur les fronts, malgré la climatisation intense. Au bout de 4 heures d’interrogatoire, les «invités spéciaux» se rendent de plus en plus compte qu’ils ne partiront pas de sitôt des lieux. Puis un peu plus tard, ils sont mis à la disposition des «gardes violon». Le Commandant referme son bureau à la descente et vaque à ses affaires. Il n’a plus aucun contact. Ses portables ne sonnent pas. Le procureur Sombé Théra lui aussi ne se présente pas sur les lieux. Tout comme son complice de la Brigade, il se met lui aussi sur messagerie.

 

Les deux malheureux détenus ne sont pas interdits de communiquer. Ils parviennent à joindre famille, avocats et collègues.

 

Aux environs de 19 heures, le siège du Pôle économique est envahi. Les gros cylindrés rivalisent. Les visiteurs ne sont pas des hommes ordinaires. En premier on reconnaît, le Colonel Modibo Maiga DG des douanes et son adjoint. La «République» est en alerte.

 

Chacun essaie de joindre qui il peut pour comprendre ou pour mettre la pression. Personne ne réussit, toute la nuit durant à tirer le commandant de son sommeil. Le Comité exécutif de l’Adéma-PASJ dont Zoumana Mory est membre, a dû annuler une réunion qui devrait se tenir à 21 heures à son siège. Comme une traînée de poudre, l’information a circulé dans les rues de Bamako jusqu’au mardi matin où parents, amis et collègues ont à nouveau pris d’assaut les locaux du Pôle économique.

 

Le procureur Sombé Théra attendu, tarde à donner signe de vie. Les spéculations s’amplifient. Certains estiment qu’il s’agit d’un coup monté contre Modibo Sidibé, probable candidat à l’élection présidentielle. Zou est la cheville ouvrière de son arsenal de campagne.

 

D’autres estiment qu’il s’agit d’un coup bas ourdi par l’actuel DG des douanes Colonel Modibo Maïga qui est taxé d’être pro Soumaïla Cissé, le concurrent le plus sérieux de Modibo Sidibé, pour l’élection présidentielle de 2012.

 

En Commune VI, où Zou est plus actif au plan politique, les jeunes se concertent pour d’éventuelles protestations à une cabale politicienne contre leur Candidat Modibo. «Nous faisons confiance en la justice. Nous savons que tout cela n’affectera ni notre ardeur, ni notre engagement pour Modibo. En politique, il faut s’attendre à tout. Nous sommes prêts», se console Amara Kanté, Secrétaire à la communication du Mouvement des jeunes qui soutiennent Modibo en Commune VI.

 

Il est 16 heures, arrive enfin celui que tout le monde attendait : Sombé Théra. Tout le monde retient son souffle. Il s’engouffre dans son bureau avec les deux détenus, Zoumana Mory Coulibaly et Modibo Gouro Diall.

 

L’entretien ne durera pas longtemps. Au seuil du bureau du Procureur, les deux lâchent un sourire expressif. Ils viennent d’être autorisés à regagner leur foyer. A quelle condition ?

 

Le mardi matin, en réunion de direction des douanes, le Colonel Modibo Maïga avait tenu à informer ses collègues de l’interpellation de Zoumana Mory Coulibaly. «Nous ferons tout pour les sortir de là», s’était-il engagé devant des cadres de douanes étonnés d’apprendre la nouvelle pour la première fois.

 

Qu’a-t-il donc été fait du côté de la douane pour obtenir si facilement la libération d’un cadre impliqué dans un dossier de malversation de plusieurs milliards, sans que ce dernier ne verse le moindre franc comme caution ?

 

Le dossier est-il vide ? Le Procureur a-t-il fait l’objet de pression ? A-t-on simplement évité de politiser le dossier ? On pourrait continuer à poser indéfiniment des questions sans jamais rien avoir comme réponse.

 

Mais à priori, pour ceux qui pensent qu’il s’agissait pour le régime d’intimider Modibo et ses partisans à travers des actions judiciaires de cette nature, on peut rappeler les cas de l’INITIATIVE RIZ qui impliquait des opérateurs économiques très liés à la famille présidentielle. Aussi, personne n’avait rien compris lorsque l’intime ami du président Amadou Kolado Cissé lui aussi avait été interpellé devant la même institution. ATT a le don d’étonner par sa méthode de gestion de certaines affaires très particulières.

 

Pourquoi a-t-il attendu que tout le monde parle de son soutien à Modibo Sidibé pour activer ou faire activer la machine infernale de la justice contre le plus proche des amis de ce dernier ? Pure diversion?

 

Quand son ami Kola aussi avait commencé à faire parler de lui au point de ternir l’image du Mali, ATT n’a rien trouvé d’autre que l’abandonner à ses ennuis judiciaires, faisant de lui un homme en disgrâce. Pourtant, malgré qu’il soit un «détenu» en liberté, le chef de l’Etat ne s’est pas gêné d’être à ses côtés et en public.

 

Pour ceux qui croient que cette affaire affectera le moral de Zou, il faut se détromper, il reviendra plus requinqué et plus aguerri. Seulement, pour l’instant, personne ne peut deviner la suite de ce feuilleton judiciaire dont on parle de l’implication et de l’interpellation certaine de certains opérateurs économiques.

Abdoulaye NIANGALY

Encadré

Les faits reprochés à Zou et à Diall

Dans son tout dernier rapport, le Bureau du Vérificateur Général avait recensé un certain nombre de griefs contre le Bureau des pétroles de la douane. Fraudes, falsifications des arrêtés, minorations des valeurs relatives aux droits et taxes dus par les importateurs, mise en consommation des marchandises en violation des textes en la matière, etc. Les «crimes» reprochés à Zoumana Mory Coulibaly tiennent difficilement dans un seul registre. Au cours de la vérification selon le rapport, les ré-calculs ont révélé que sur 6 530 déclarations de mise à la  consommation, les droits et taxes liquidés par le BNPP sont inférieurs aux montants dus sur la base du TEC et des arrêtés en cours d’application. En termes de chiffres, le montant total liquidé par le BNPP est de 25,82 milliards de FCFA, alors que pour les mêmes opérations, les ré-calculs font ressortir la somme de 33,43 milliards FCFA. C’est plutôt le dernier chiffre qui devrait être liquidé. La différence entre les deux montants se chiffre à 7,61 milliards de FCFA. Une somme détournée entre la Direction des douanes et les importateurs.

En plus, le rapport du VGAL a établi le constat selon lequel le BNPP s’adonnait à des falsifications sur 31 arrêtes ministériels qui portaient les même numéros, les mêmes dates et présentaient des taux différents pour la valeur CAF et la Taxe Intérieure pour le Produits Pétroliers (TIPP).

Il s’agit des arrêtés en vigueur en février, mars, avril et mai 2007 remis aux enquêteurs du BVGAL par le BNPP. Ces documents qui normalement, devraient présenter les mêmes chiffres, ne sont pas conformes à ceux fournis par l’Office National des Produits Pétroliers.

Pourquoi ? Le juge anti-corruption nous fournira sans doute les réponses.

 

Abdoulaye NIANGALY

 

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