Incarcéré depuis le 4 août 2010 à la prison centrale de Bamako dans le cadre de l’affaire dite du Fonds mondial, l’ex-Directeur Administratif et Financier (DAF) du ministère de la Santé, Ousmane Diarra, devra recouvrer la liberté provisoire dès cette semaine. Avec lui, certainement, les quinze autres cadres et agents qui partagent le même sort que lui pourraient également bénéficier de cette mesure. Celle-ci venant au moment où une éventuelle inculpation de l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, est sur toutes les bouches.
De sources concordantes, l’ancien DAF du ministère de la Santé, Ousmane Diarra, arrêté le 4 août 2010 et incarcéré depuis cette date à la Maison centrale d’arrêt de Bamako, pourrait voir accéder, dès cette semaine, sa demande de liberté provisoire maintes fois formulée par ses avocats mais demeurée, chaque fois, sans suite favorable. C’est dire, quelque part, que le dossier progresse car les personnes détenues dans cette affaire du Fonds mondial se croyaient oubliées. Dans la mesure où aucune demande de liberté provisoire, à l’exception de celle accordée, après six mois de détention, à l’ex-secrétaire général de la Santé, Dr Lasseni Konaté, n’a, jusqu’ici, abouti.
Même celles formulées à maintes reprises par les opérateurs économiques incarcérés, dans le cadre des détournements de fonds au Programme national de lutte contre la tuberculose, avaient été classées sans suite par le procureur du Pole économique et financier de Bamako, le très redoutable Sombé Théra. Qui, c’est vrai, a cessé depuis d’informer sur cette affaire qui est pourtant loin de connaître son épilogue. Pourquoi maintenant ce silence de cimetière à propos d’un dossier sulfureux qui a trait à la crédibilité même de l’Etat et de l’image du Mali à l’extérieur?
La justice est-elle redevenue brusquement muette alors que c’est elle qui avait commencé par éclairer la lanterne du citoyen lambda sur l’affaire ?
Le principal suspect dans l’affaire du Fonds mondial, à savoir l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, débarqué du gouvernement le 5 décembre 2010 sous la pression de l’institution onusienne, continue, lui, à jouir d’une liberté que lui envieraient même les oiseaux du Delta intérieur du Niger.
Depuis son largage de l’équipe gouvernementale, celui qui est également considéré comme le principal challenger de Soumaïla Cissé à l’investiture de leur parti est devenu, le temps de sa disgrâce, le pigeon voyageur de l’URD. Qui n’hésite plus à profiter de sa disponibilité pour animer des conférences à l’intérieur du pays.
Toute chose qui pourrait s’apparenter à une fuite en avant dans le but de se faire couvrir d’une carapace d’impunité… politique.
Une telle impunité étant quasi impossible dans cette affaire du Fonds mondial qui gère l’argent du monde dans la lutte contre les trois maladies les plus dévastatrices que sont le sida, la tuberculose et le paludisme. C’est vrai que dans la convention qui lie le Mali à l’institution onusienne, toute somme détournée est remboursée par le pays bénéficiaire. Mais cela ne pourra absoudre les crimes de détournement et de fraude commis par les personnes qui se sont rendu coupables d’une telle forfaiture. L’argent n’appartenant pas au Mali où c’est la culture de l’impunité, notre pays, en plus du fait qu’il rembourser a, a aujourd’hui l’obligation de tenir un procès équitable afin de faire toute la lumière sur cette affaire. Ou ce sont parfois des innocents qui payent pour les gros requins. Ces derniers bénéficiant le plus souvent de la protection supposée du pouvoir. Rappelons que le Fonds mondial avait, en décembre 2010, annoncé que plusieurs millions de dollars avaient été détournés dans quatre pays africains, à savoir Djibouti, le Mali, la Mauritanie et la Zambie.
L’ex-ministre Oumar Touré dans l’œil du cyclone
La récente demande d’inculpation de l’ex-ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, adressée par le procureur anticorruption, Sombé Théra, au président de la Cour suprême, Nouhoum Tapily, est révélatrice de la consistance du dossier qui incrimine l’ex-ministre de la Santé.
Les citoyens se cessent, depuis octobre 2009, de se demander comment quelqu’un qui a apposé sa signature sur tous les marchés qui ont été, par la suite, déclarés frauduleux, peut-il vaquer librement à ses occupations, ici au Mali et même à l’extérieur? Alors qu’une quinzaine de personnes, le menu fretin, des cadres et agents de la Santé – croupissent dans les geôles de Bamako-coura et de Bolé. Et cela depuis octobre 2009 pour certains d’entre eux.
Si l’ancien DAF, Ousmane Diarra, a eu à gérer les subventions du Fonds mondial, certains marchés déclarés frauduleux auraient été octroyés à la demande expresse de son patron. C’est certainement le cas de certains marchés du PNLT qui ont amené la coordinatrice de cette structure, Dr Diallo Halima Nako, à la prison pour femmes de Bolé depuis le mois d’août 2010. Son adjoint, Mohamed Berthé, le comptable de la Direction nationale de la Santé, Charles Sanogo, et celui du District de Bamako, Youssouf Boré, sont tous incarcérés depuis cette date sans que ne soit examinée favorablement leur demande de liberté provisoire.
Il y a également le trio d’opérateurs économiques, écroués dans la même affaire, qui attendent eux-aussi que le procureur leur fasse un cadeau en leur accordant la liberté provisoire en même temps qu’il s’apprêterait à le faire pour l’ancien DAF, Ousmane Diarra.
Si, comme le dit le jargon, le poisson commence à pourrir par la tête, il n’y a pas de raison que les petits agents et cadres moyens continuent à payer pour des gens qui ont pris l’argent destiné à la santé des Maliens pour aller se faire construire des châteaux dans leur village natal. Où est la justice dans ce cas ?
Si l’ex-ministre de la Santé continuera à bénéficier de l’impunité, il n’y a donc pas de raison que toutes les personnes impliquées dans cette affaire de détournement au Fonds mondial n’aient les mêmes faveurs…d’impunité.
La liberté provisoire dont bénéficiera l’ex-DAF, Ousmane Diarra, est une mesure à saluer. Seulement, il faudra qu’elle s’étende également aux autres détenus incarcérés dans la même affaire. Sinon, on reposera la question : Où est la justice dans ce pays ? Et cela autant de fois qu’il faudra.
Mamadou Fofana