Affaire de détournement au Fonds mondial : L’Etat sommé de rembourser 3 milliards F CFA détournés par ses cadres

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Cela fait déjà un an que des cadres et agents du ministère de la Santé sont derrière les barreaux suite au détournement de la somme de près de 3 milliards F CFA des caisses du Fonds mondial de lutte contre la tuberculose, le Sida et le paludisme. Les trois opérateurs économiques et la quinzaine de fonctionnaires du département de la Santé écroués à la prison centrale de Bamako attendent avec beaucoup d’impatience qu’une issue heureuse soit trouvée à cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive y compris dans les hautes sphères de l’Etat. Maintenant que le rapport final est aux mains des autorités, l’institution onusienne attend, elle aussi, impatiemment que les sommes détournées soient remboursées dans les meilleurs délais et que le procès des personnes inculpées se tienne. Cela afin que justice soit rendue.

S’il y a une personnalité dans notre pays que l’affaire dite du Fonds mondial a touché, c’est bien le président de la République qui avait voulu faire (on est obligé d’utiliser le passé) de la lutte contre la corruption et la délinquance financière son cheval de bataille. Malheureusement, à deux doigts de la fin de son mandat, le constat est amer : c’est l’échec sur ce terrain-là. Non pas qu’il ait manqué de volonté politique, mais à cause précisément du fait que la culture de l’impunité, qui a bénéficié d’un terrain fertile sous ATT, a eu raison de cette volonté. Une volonté maintes fois réaffirmée mais jamais appliquée. Il est arrivé même des moments où l’on avait cru que le fait de dénoncer des pratiques corruptrices voire des détournements de deniers publics était assimilé, dans les sphères de l’Etat, à une sorte de déloyauté. Mais vis-à-vis de qui ? Le peuple souverain ou cette nouvelle race de gens qui, une fois arrivés au sommet de la pyramide, ont vite fait de prendre les deniers publics comme leur patrimoine personnel ? Et cela au vu et au su de l’autorité qui a précisément pour mission de sévir en de pareils cas.  Ce qui n’a pas été.  Et l’affaire du Fonds mondial est donc venue mettre à nu les défaillances au niveau de nos structures de contrôle. De même que la cupidité des cadres auxquels a été confiée la gestion des ressources acquises ailleurs au prix du sacrifice des contribuables.

C’est autour du partage du gâteau, de la mangeoire que les uns et les autres ne se sont compris. Et ce qui devait arriver arriva. Sinon, contrairement à certaines allégations, il n’y a eu aucune dénonciation dans le but de salir qui que ce soit, a fortiori notre pays, auprès des autorités du Fonds mondial. C’était comme des larrons en foire : les sous récupérés sur de juteux marchés étaient partagés, parfois depuis la Direction Administrative et Financière (DAF), entre le sommet et la moyenne base, c’est-à-dire les agents impliqués dans l’opération afin d’acheter leur silence.

Contrairement à ce qui a été également distillé comme information fiable, ce n’est pas le ministère de la Santé qui s’est levé, le premier, pour constater les dégâts au niveau du Fonds mondial logé dans ce département. Que nenni ! C’est le Fonds mondial qui a eu vent des détournements et qui a, par la suite, envoyé une mission d’enquête dans notre pays. C’est cette mission qui a levé le lièvre que le ministre URD de la Santé de l’époque, Oumar Ibrahima Touré, a tenté d’attraper. Apparemment, sans succès.

" Ils ont blessé notre orgueil… "

L’arrivée dans notre pays, en septembre 2010, du Canadien Guy Bourassa, un auditeur chevronné du Bureau de l’Inspecteur Général du Fonds mondial, avait mis le feu aux poudres. Lui et son équipe ont copié pratiquement les disques durs de tous les ordinateurs en cause dans la mauvaise gestion des subventions du Fonds mondial. Un travail de fourmi qui allait donner une récolte inattendue et provoquer des frissons chez les douze enquêteurs du Bureau de l’Inspecteur Général envoyés dans notre pays pour traquer des voleurs en col blanc. Suite à certaines manières qui ont été jugées cavalières, ces enquêteurs allaient être déclarés en quelque sorte persona non grata. Le 12 juin 2011, au palais de Koulouba, le locataire des lieux avait même eu à déclarer devant la Nation que " les enquêteurs du Fonds mondial avaient blessé notre orgueil et notre souveraineté ". Un constat intervenu après que les Inspecteurs du Fonds mondial eurent terminé leur boulot et remis leur rapport à qui de droit.

Mais c’est surtout l’intervention du Procureur anticorruption, Sombé Théra, sur les antennes de la télévision nationale, les 3 et 4 septembre 2010, qui allait sortir de l’incrédulité les personnes qui défendaient urbi et orbi et jusque-là la thèse du complot voire " du règlement de comptes personnels entre un ministre et son ex-) ". Quelle ignominie ! La suite des événements avait fini de rétablir la réalité des faits ; la vérité qui finit toujours par triompher.

Un an après l’incarcération de l’ex-DAF du ministère de la Santé, Ousmane Diarra, et de quinzaine autres cadres et agents du même département et de la troïka d’opérateurs économiques soupçonnés de détournement des subventions du Fonds mondial, c’est toujours l’expectative, voire le doute, chez ces internés. Y aura-t-il oui ou non un jugement dans la mesure où seul un procès équitable permettra à ceux qui sont innocents dans cette affaire de rejoindre leur domicile et aux autres de savoir le nombre d’années qu’ils auront à passer derrière les barreaux. C’est également un procès qui permettra à l’opinion nationale de savoir la vérité et le montant exact des sommes détournées et la manière dont cela a été fait. Et mettre fin aux procès d’intention et aux accusations gratuites.

Châteaux, villas et voitures de luxe

En tout cas, en attendant ce procès, le Mali devra déjà mettre la main à la poche et rembourser, comme le stipule la convention liant notre pays au Fonds mondial, la rondelette somme de 3 milliards F CFA détournés par des cadres et agents de la Santé et des opérateurs économiques dont certains sont, depuis, en fuite. Il s’agit-là de sommes détournées dans les caisses du Fonds mondial et du Fonds GAVI (achat de vaccins et prise en charge de la logistique dans le cadre de la vaccination). Une manne qui aurait servi à construire des châteaux, à acheter de luxueuses résidences à l’étranger ou de rutilantes voitures, parfois, pour des personnalités. Et maintenant, c’est le maigre budget d’Etat qui va se saigner pour rembourser, en lieu et place des sangsues, le Fonds mondial.

Cela au moment où le principal suspect dans cette affaire, à savoir l’ex-ministre URD de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, se la coule douce…dans sa résidence rénovée à coup de dizaines de millions F CFA. Qui a payé cette somme ? Un opérateur économique ? L’intéressé est-il en liberté provisoire ou en liberté tout court ? Des questions qui devront bientôt avoir leur réponse lors du procès dans l’affaire du Fonds mondial que rien ne semble désormais empêché.  

Le 4 juin dernier et tout juste à la veille d’un voyage présidentiel pour les Etats-Unis, le parquet général près la Cour Suprême du Mali a inculpé et mis sous contrôle judiciaire Oumar Ibrahima Touré " pour atteinte aux biens publics, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, favoritisme et complicité de favoritisme ". Dans ces conditions, pourquoi maintenir les quinze autres présumés coupables dans des dures conditions d’incarcération de la prison centrale de Bamako et laisser celui qui devait les y précéder en liberté ? N’y a-t-il pas là deux poids deux mesures ?

    Nous y reviendrons.

Mamadou FOFANA

 

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